Épisode 14 : L'Ogre (6/14)
– Connaissez-vous bien cet homme ? demanda Sydney en montrant Jean-Paul du doigt.
– Jean-Paul ? Oui, c'est quelqu'un de tout à fait adorable. Vraiment très gentil. Il travaille pour une association sportive et intervient dans plusieurs quartiers défavorisés de la ville. Louis l'aime beaucoup. Il l'appelle même tonton Jean-Paul.
– Est-ce que Louis a pour habitude de passer du temps avec Jean-Paul en dehors des entraînements et des matchs de football ?
– Non, Louis l'appelle tonton, car il aime bien, mais nous ne sommes pas si proches que ça. Pourquoi ? Vous le soupçonnez ? Je pense que vous faites fausse route. Jean-Paul respire la gentillesse. Il ne ferait jamais ça.
– Je ne soupçonne personne pour le moment. J'essaye juste d'assembler les pièces du puzzle.
Sydney sut qu'elle n'apprendrait rien de plus. Accompagnée de Mme Collot, la jeune femme retourna dans le salon retrouver Christian. Ils discutèrent encore poliment avec Mme Collot pendant quelques minutes avant de la quitter.
De retour dans la voiture de Christian, Sydney lui fit part de sa découverte dans la chambre de Louis.
– Nous ne repartons donc pas sans rien, dit Christian.
– C'est assez mince tout de même. Je m'attendais à voir quelque chose. Que faisons-nous de cette information ?
– Pour l'instant, je vais vous ramener chez vous. De mon côté, je vais me renseigner sur ce Jean-Paul. Vous avez son nom de famille ?
– Non, mais je pourrai l'avoir et vous le communiquez.
***
– Notre fille nous cache des choses, déclara Laurianne à Kevin. Elle n'est pas partie seulement marcher pour prendre l'air. Elle était dans l'est de la ville puis elle est partie dans le quartier des Alouettes.
Kevin, qui lisait un quotidien, leva la tête vers sa femme et la regarda avec surprise :
– Comment sais-tu ça ?
Puis il comprit et s'indigna :
– Tu pas placé un traceur sur le portable de notre fille ?!
Laurianne rougit, mais elle se justifia vigoureusement :
– Il y a de fortes chances que notre fille ait activé ses pouvoirs. Je voulais en avoir le cœur net. La première adresse où elle s'est rendue est chez un dénommé Christian Sinclair. Un détective privé. Que ferait notre fille chez un détective privé si elle n'avait pas commencé à avoir ses visions ?
– Effectivement, mais tout de même Laurianne ! Imagine si elle voit ce que tu as fait !
– Je sais, mais j'étais inquiète. Dès qu'elle revient, nous devons lui parler. Nous ne pouvons plus reculer. Si nous voulons la protéger, nous devons savoir où elle est et avec qui.
Kevin approuva. Seuls Laurianne et lui pouvaient protéger Sydney contre certains dangers.
***
Quand Sydney revint devant la demeure des Deveaux, elle fut surprise de voir ses parents assis devant la table de la terrasse. Quand ils la virent, leurs visages s'assombrirent.
– Oui, je sais. Je suis partie longtemps, mais…
– Assis toi, Sydney ! l'invita Kevin. Nous devons parler.
– Encore une fois, je suis partie faire une longue marche, mais je vais bien et je n'ai rien fait de grave.
– Nous le savons, chérie, la rassura Laurianne. Mais assois-toi ! Nous avons des choses à dire.
Inquiète, Sydney se posa face à ses parents.
– Qu'est-ce qu'il y a ?
– Nous avons remarqué, commença Kevin, que depuis Marilyne, tu n'es pas dans ton état normal…
– Je vais bien, le coupa Sydney.
Cette conversation la mettait mal à l'aise. Elle voulait en finir rapidement.
– Nous pensons savoir ce qui se passe, continua Laurianne. Ma chérie, vois-tu des choses étranges ?
La jeune femme fixa sa mère, complètement hébétée.
– C’est quoi cette question ? finit-elle par dire.
– Ce midi, tu as fixé un coin et tu es devenue toute blanche, s’expliqua Laurianne. Nous supposons que tu vois des choses qui se sont passées ou qui vont se passer. C’est comme ça que tu as retrouvé Marilyne.
Sydney sentit une pointe de colère dans son ventre. Se pourrait-il que…
– Vous êtes au courant de ça ?
– Oui, affirma Laurianne. Nous sommes au courant même si nous aurions aimé que tu n’aies pas ce poids sur tes épaules.
– Je ne… je ne comprends pas.
– Ma mère, ta grand-mère, avait ce don : celui de voir des personnes se faire tuer, déceler les sombres secrets de personnes qui semblent honnêtes et bonnes. Jusqu’à présent, nous n’avions rien dit, car je n’ai pas développé ce don. Je pensais – j’espérais – qu’il en soit de même pour toi et que tu vives une vie normale.
– Et au lieu de ça, vous avez gardé le secret et laissé une inconnue m’expliquer ce qui était en train de m’arriver !
– Une inconnue ? Quelle inconnue ? intervint Kevin. Qui t’a parlé ?
Sydney remarqua que ses parents s’affolaient. En colère, elle décida malgré elle de jouer avec leurs nerfs.
– Je vous le dirai peut-être un jour.
Elle commença à se lever.
– Sydney !
Le ton de son père la surprit. Il s’énervait et cet état était rare chez lui.
– Ce n’est pas un jeu !
– Parce que tu crois que je joue ? Que je me suis réveillée un matin en me disant : « eh, et si je commençais à rêver de meurtres, de tueurs et que je décidais de devenir une chasseuse de monstres pour éviter qu’une puissante démone réussisse à sortir des profondeurs d’Isle ».
Kevin et Laurianne se jetèrent un regard surpris. Puis, Kevin reporta son attention sur sa fille :
– Tu es au courant pour les démons ? C’est cette inconnue qui t’en a parlé ?
– Oui, elle s’appelle Amandine Saint-Pierre. Elle fait partie d’une organisation appelée Lo Sguardo. Ils aident les gens comme moi à lutter contre les démons et, apparemment, nous en avons une puissante à Isle : Lilith.
Sydney vit sa mère frissonner. Son père ne laissait rien transparaître.
– J’ai entendu des histoires sur Lilith, révéla Laurianne. Nous ne savions pas que sa prison se trouvait à Isle, sinon nous n’aurions jamais habité cette ville. Mais cela expliquer la réputation de la ville. Ça aurait dû nous mettre la puce à l’oreille.
– Et vous ne semblez pas connaître Lo Sguardo.
– Non, nous n’en avons jamais entendu parler, confirma Kevin. Cette Amandine Saint-Pierre que tu as rencontrée, peux-tu lui faire confiance ?
– Elle ne semblait que vouloir m’aider. Elle n’était pas seule. Un homme de l’organisation, Christian Sinclair, est en ville. Je suis allée le voir tout à l’heure. En ce moment, j’ai des visions sur...des enfants qui se font tuer et mangés par un homme. Nous essayons de le trouver avant qu’il y ait d’autres victimes.
Laurianne se retenait de pleurer.
– Tu ne devrais pas vivre ça.
– C’est ce que je me dis aussi, mais je commence à l’accepter. Est-ce qu’oncle Jo est au courant ?
– Non, répondit Kevin. Il n’est pas au courant. Il est parti promener Tako sur la plage. Il reviendra pour dîner. Nous lui avons dit que nous avions besoin de te parler à ton retour, que l’on s’inquiétait pour toi.
– Raconte-nous ton après-midi !
Sydney s’exécuta. Elle donna tous les détails. Lorsqu’elle eut terminé, Laurianne fit part de son opinion :
– Je ne vois pas Jean-Paul faire une telle chose, mais il est normal d’envisager toutes les possibilités. Nous allons te donner son nom de famille pour que ton ami puisse enquêter.
– Pour la suite, nous allons devoir poser quelques règles, prévint Kevin. Pas de secret. Nous avons besoin de savoir où tu es et avec qui. Quand une affaire est en cours, nous voulons tous les détails. Tous les déplacements que tu dois faire dans le cadre d’une enquête, tu le fais avec ta mère, Christian ou moi. D’ailleurs, il est primordial que nous rencontrions cet homme. Interdit de mettre en danger. Tu fais ta part du travail, c’est-à-dire trouver et donner des informations, mais pas plus. Tu ne vas pas en mission sauvetage, en mission d’arrestation ou autres. Est-ce que tout est clair ?
Oui, mais à une condition. Le pas de secret s’applique pour vous. Je veux tout savoir au sujet de grand-mère et de ce que vous savez sur les démons.
Annotations
Versions