Vivre à travers lui
Il y avait bien sa tante, Sofia, la sœur de sa mère, qui avait toujours été là pour elle. Sa disparition soudaine et inexpliquée l'avait elle aussi affectée. Sa mère, en apparence aimante et heureuse, était partie un jour, sur un coup de tête, pour l'amour d'un acteur en vogue, en laissant derrière elle Marielle à un âge où le rôle d'une maman est fondamental. Son père n'avait jamais expliqué son geste, ne s'était jamais exprimé sur cette fuite. Il n'en parlait pas. Si on abordait le sujet, il disait qu'il ne pouvait pas tout raconter, qu'il était désolé. Il serrait très fort sa fille dans ses bras et lui assurait que lui, il l'aimait.
Bien souvent, elle retrouvait son père, dans le noir, adossé à la fenêtre de la cuisine, celle qui donnait sur le parc en bas de l’immeuble. Il passait des heures à fumer dans le silence de la nuit. Ses doigts jaunis par le tabac était crispés sur le mégot incandescent, son regard triste en disait long. Elle n’osait pas rajouter sa peine à sa tristesse bien visible. Cette histoire familiale l’avait faite mûrir.
Marielle avait grandi avec ce vide immense. Un jour, elle chercherait à savoir. Mais seule, elle avait vécu, seule, elle resterait. Encore une fois, la vie lui réservait des épreuves. S'enticher d' un homme qui aimait le risque était forcément un pari sur l'avenir, une gageure.
Sa peau lui manquait. Elle pensait sans cesse à son regard noir, envoûtant, pénétrant et doux, à ses gestes emplis de tendresse. Comment résister à ces corps-à-corps tendres et fougueux à la fois ? Chaque nuit lui réservait des moments intenses, tout son être frissonnait, se donnait à cet amoureux de l'amour. Il la serrait très fort, parcourait de sa langue, ses seins, son ventre, sa toison.
Ses cuisses s'écartaient, s'offraient. Il la pénètrait d'abord doucement, puis sauvagement, les laissant épuisés, transpirants, mais heureux. Elle lui apppartenait.
Que faire sans lui ? Heureusement, son emploi du temps de petit rat de l'Opéra de Paris ne lui laissait que peu de répit pour penser, s'apitoyer sur son sort. Elle avançait, elle assumait ses choix, elle croyait en des jours meilleurs.
L'avocat de Léo lui fit passer une lettre :
Ma chérie, j'ai fait une bêtise, nous avons fait une erreur qui m'a mené à ta perte. Tu sais comme je t'aime, ne l'oublie jamais. Tu m'as fait confiance, je t'ai aimé du mieux que je pouvais, je t'ai fait prendre des risques, je t'ai entraînée dans une spirale infernale. Personne n'est infaillible. En voici la preuve aujourd'hui. J'espère sortir dans trois mois, m'attendras-tu ?
Ton homme, Léo.
Elle pressa la feuille sur son coeur, elle avait du mal à réaliser que son amoureux était en prison, parmi d'autres hommes, purgeant sa peine dans ce milieu carcéral si dur. C'était sûr, il ne serait plus le même.
Léo et ses complices passèrent en comparution immédiate et écopèrent de vingt-quatre mois de prison. La sentance était lourde bien qu'il n'y ait eu ni violence, ni blessé et que peu de dégâts. (L'équipe de Léo y tenait).
Le juge avait retenu le préjudice moral subi par le bijoutier qui, armé, veillait chaque nuit dans son commerce. Il voulait faire la justice lui-même mais heureusement n'avait pas tiré sur les cambrioleurs. Tous s'en sortaient bien. Le bijoutier avait l'intention de fermer sa boutique. Il prenait des antidépresseurs depuis des années, pour lui c'était le vol de trop.
L'avocat lui assura que la peine était conforme à ce qu'il avait fait, leur bande organisée avait prémédité leurs actes, ce qui avait forcément influé sur la décision du juge. Il ne lui restait plus qu'à attendre.
Elle s'allongea sur son lit, amère, touchée au plus profond de son être, elle qui, contre l'avis de tous, avait choisi un voleur de quartier, au lieu d'un élégant fils de bonne famille. Elle ne pourrait voir Léo au parloir que dans quinze jours. Elle alluma la télévision et regarda toutes les séries que Léo aimait tant, celles où le héros s'en sort toujours.
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