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Sur le dos et sur la couverture, pas de titre ni de nom. Le livre était usé, les coins arrondis. Il l’ouvrit.
Il arrêta sa lecture perturbée par un bruit venu du fond de la pièce. À côté de son image reflétée dans le miroir, une femme montait sur une échelle à plus de deux mètres de hauteur. Il ferma le livre et se faufila entre les piles de livres. Dans son parcours jusqu’au bout de la pièce, il devait parfois revenir en arrière pour ne pas enjamber les piles et les renverser. Arriver au niveau de la femme lui prit un temps fou. Il la regardait. Elle retira un livre et en mit un autre à la même place.
— Chaque livre n’a-t-il pas une place unique dans cette bibliothèque ? demanda-t-il.
— Il ne faut surtout pas qu’il manque un seul livre dans chaque rangée. Ça bouleverserait l’équilibre. Tout pourrait s’effondrer.
— Mais après on ne les retrouve plus. Et dans cette immense bibliothèque, un livre perdu c’est un livre qui n’existe plus.
— Pour qu’il soit perdu, il faut d’abord qu’il soit recherché. Ici, personne ne recherche aucun livre. On les prend au hasard. De toute façon, un livre n’existe pas tant qu’il est fermé.
Il tira un livre de l’étagère devant lui.
— N’oubliez pas d’en mettre un autre à la même place, dit la femme.
— Lequel ?
— Un de ceux qui sont par terre.
— Ce livre va se perdre. Pourquoi ne pas les cataloguer, les classer ?…
— Sous quel nom ? Quel titre ? Ici, les livres ne se perdent pas, ils s’oublient.
Il inséra dans l’espace vide le livre qu’il avait pris auparavant. Il ouvrit le livre. Pas de titre, pas d’auteur. Encore une fois, les premières pages étaient vides. Il trouva le début d’un texte.
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