Chapitre 1- Bonnie

4 minutes de lecture

" Le temps passe, le souvenir reste "

BONNIE

New York, la métropole qui ne dort jamais. Voilà quatre mois que j’y vis. Choisir la Grosse Pomme n’était pas anodin de ma part. Outre mon goût prononcé pour l’agitation des grandes villes, décrocher le poste de Styliste Designer chez Models Art, l’une des maisons de couture les plus prestigieuses au monde, était une occasion en or.

Une chance de tout recommencer.

Assise confortablement, je contemple les immenses baies vitrées de mon bureau qui s’ouvrent sur un panorama vertigineux de gratte-ciel. Cette tour de verre, perchée à des centaines de mètres au-dessus du sol, me fait souvent l’effet d’un aquarium.

Ici, pas de noctambules dans les rues, pas l’ombre d’un air de jazz. L’odeur envoûtante du gumbo a laissé place à celle, beaucoup moins agréable, des déchets entassés dans les nombreuses poubelles. La Louisiane me manque, mais il était temps pour moi de la quitter. Je n’avais plus le choix.

Depuis six ans, chaque jour a creusé un peu plus ce trou béant dans ma poitrine. Si seulement je pouvais effacer ces souvenirs…

J’aurais dû partir bien avant.

La porte de mon bureau s’ouvre brusquement, me tirant de mes pensées. Je reste immobile, dos à l’entrée. Je n’ai pas besoin de me retourner pour deviner l’identité de celle qui ose s’inviter ainsi. Une seule personne ici prend cette liberté sans hésitation. Le claquement vif de talons sur le sol en marbre me le confirme avant même que la douce voix de Tessie, ma secrétaire, colocataire et unique amie, résonne :

— Il est absolument… canon ! s’exclame-t-elle, en s’affalant sur le fauteuil en face de moi.

Je pivote sur mon siège et la découvre, les joues rougies, s’éventant avec un dossier.

— De qui parles-tu ?

— Du nouveau boss, évidemment ! Ne me dis pas que tu as oublié qu’aujourd’hui on échange nos PDG avec celui de Londres !

En effet, c’était bien le cas.

Mais cela n’a absolument aucune importance pour moi. Qu’on perde un homme en costume pour en gagner un autre, cela ne change rien ! Il n’aura pas plus d’emprise sur moi que le précédent.

— Je sens qu’avec lui, ça va être différent. Il est là depuis deux heures à peine, et il a déjà fait licencier trente-sept personnes.

Je me force à rester concentrée, rangeant les esquisses qui traînent sur mon bureau dans une pochette en carton. Ces dessins n’ont rien à voir avec mon travail ici. Pourtant, je n’arrive pas à m’en détacher. Chaque trait sur le papier est un exutoire, un besoin viscéral. Je sais que je finirai par tenir mes délais, comme toujours. Ce bureau, ce travail, est mon refuge. Mon échappatoire. C’est peut-être pour cela que je n’hésite pas à sacrifier ma vie personnelle au passage. En m’investissant corps et âme, il me reste peu de temps pour autre chose. Mais mon métier ne comble pas ce vide qui m’oppresse. Cette solitude, elle, persiste.

— Même Madison a été renvoyée ! poursuit Tessie, amusée par les derniers potins.

Je devrais peut-être éprouver de la compassion pour notre hôtesse d’accueil, mais non. Plus rien ne me touche depuis qu’il a disparu de ma vie, emportant avec lui tout ce que j’étais. Je ne suis plus qu’une coquille vide.

— Il a peut-être un problème avec les blondes !

— Tu dis ça pour moi ? demandé-je en me levant afin de ranger ma pochette à dessins.

— J’espère bien que non, parce que mon avenir ici dépend maintenant de toi.

Je la regarde, interloquée.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Pour faire simple, Boss Man rencontre chaque employé de l’entreprise. Si tu ne lui parais pas indispensable, tu prends ton chèque et tu t’en vas. Alors, fais en sorte d’assurer, parce que je te rappelle que je suis ta secrétaire, et que nous avons un loyer à payer.

Je me réinstalle dans mon fauteuil, réfléchissant à sa remarque.

— Je trouve que malgré la situation où ton avenir professionnel est en jeu, tu sembles relativement calme.

— Peut-être ai-je une confiance aveugle en ton talent ou bien parce qu’il est tellement sexy que je lui pardonne son arrogance.

Je lève les yeux au ciel.

— Attends de le voir avant de juger ! Il est grand, et quelle prestance !

Vu sa petite taille, tout le monde lui paraît immense.

— Et, cerise sur le gâteau, il est tatoué !

Je grimace. Quelle horreur !

Tessie gesticule comme une groupie devant son idole, et je ne peux m’empêcher de sourire.

— Il s’appelle comment, Boss Man ?

— Aucune idée.

— Comment ça, tu ne sais pas ?

— Il s’est sûrement présenté, mais j’étais trop occupée à mater son cul, plaisante-t-elle en tapant sur mon bureau.

Je ris malgré moi. Tessie est une véritable croqueuse d’hommes, tout le contraire de moi.

— Et avec Julian ? Je ne t’ai pas entendue rentrer cette nuit.

Je soupire à ma vie amoureuse chaotique.

— Il est resté attaché au lit, lançé-je, blasée.

Tessie se redresse, choquée.

— Attends, quoi ?

— Ne fais pas cette tête, Tessie !

Une fois encore, l’excitation n’a pas suivi. Comme une punition pour m’avoir laissée insatisfaite, je l’ai privé de sa propre jouissance.

Y a-t-il un seul homme capable d’apprivoiser mon corps et de le mener vers le plaisir ?

À cette pensée, un visage unique surgit dans mon esprit, ravivant cette blessure béante. Le temps n’y fait rien.

— Bonnie… Allô, la Terre ?

— Hein ? Désolée, je divaguais.

Son téléphone sonne. Je la vois pâlir à vue d’œil lorsqu’elle raccroche.

— Boss Man te demande.

***

Merci d'avoir pris le temps de découvrir ce premier chapitre ! J'aimerais beaucoup savoir ce que vous en avez pensé. N'hésitez pas à partager vos impressions en commentaires !

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire SandElina AntoWan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0