Les affaires rangées, Kévin se dirige vers la porte.

• Je vais m’occuper du maître et récupérer nos repas. Je reviens rapidement. Pour votre sécurité, n’ouvrez à personne.

Il attend, une réponse de ma part qui tarde à venir.

• Dépêchez-vous, j’ai faim après ce voyage. Je vais me reposer en attendant.
• Très bien, Madame.

Il sort et je verrouille derrière lui. Je regarde rapidement nos bagages avec leurs contenues. Les tissus de mes vêtements sont doux et splendidement, certains changent de couleur au toucher. Une malle est remplie de bijoux étincelants et une autre déborde de produit de beauté. Je laisse les valises et m’assois sur le lit. Je pose mes mains tremblantes sur mes genoux. Est-ce que j’ai fait le bon choix de revenir ici ? Est-ce que je supporterais ces vautours tournés autour de ces pauvres enfants ? Est-ce que je reconnaîtrais certains visages ? Est-ce que Avarlas sera là ? Est-ce qu’il me touchera à nouveau avec ses mains poisseuses ? Mon cœur s’emballe, mes pensées s’emmêlent, mon souffle est court. Je m’allonge pour rassembler mes esprits et calmer mon angoisse. Je repense à mon rêve, à cet homme. J’essaie de revivre ce moment, de comprendre les sensations qui m’ont traversé. Je repense au sable sous mes pieds, au soleil qui me réchauffe le visage. L’air est doux, le bruit des vagues m’emporte au loin. Je marche le long de la plage en regardant les coquillages échoués. Un fracas m’arrache à mon rêve. Quelqu’un frappe à la porte.

• Madame, c’est Kévin. J’ai nos repas. Pouvez-vous m’ouvrir ?

La tête un peu embuée, j’ai du mal à comprendre où je me trouve.

• Madame, ouvrez s’il vous plaît, le maître attend.

Le marché aux fleurs, Octave et M. Leconoistre, Kévin, c’est vrai. Je reprends mes esprits et me lève. Je me suis assoupie sans m’en rendre compte. J’ouvre la porte et les laisse entrer.

• Mon joyau, tes yeux sont à moitié clos. Nous t’avons réveillé. Le voyage t’a fatigué.

Pendant qu’il parle, il se balade dans toute la chambre avec un appareil. Il trouve d’autres micros et des caméras. Lorsque la pièce est sécurisée, il se rapproche.

• Vous êtes en sécurité, maintenant. Nous vous protégerons. Je suis obligé de verrouiller la porte derrière moi, mais s’il y a un problème contactez-moi avec votre montre. Je vous promets que tout ira bien.

Il sort et j’entends des tiges s’enfoncer dans les murs, le sol et le plafond. Je suis à nouveau enfermée dans une cage. Cette ancienne angoisse remonte à la surface. Mes oreilles se bouchent et je n’entends que les battements rapides de mon cœur. J’ai mal à la poitrine et j’ai envie de m’arracher le cœur pour le faire taire. J’ai le souffle coupé, je n’arrive plus à respirer. Ma vision s’embrume.

• Madame !

Mon corps tremble.

• MADAME !

Les secousses sont de plus en plus violentes.

• ELENA !

Kévin est devant moi. Il me secoue les épaules.

• Je…
• Vous faites une crise de panique. Respirer, tout va bien.

Je touche mon visage. Mes doigts sont mouillés. Je n’ai pas senti les larmes coulées sur mes joues. Je m’agrippe à Kévin pour ne pas tomber. Il m’aide à m’asseoir sur le lit.

• J’ai l’impression d’être revenu un an en arrière.
• Vous êtes plus forte que vous ne le pensez. Vous n’êtes plus une pauvre proie, vous êtes maintenant en haut de la chaîne alimentaire. Certains vous vénèrent, d’autres vous envient. Mangez un peu et je pourrais ensuite vous expliquer notre plan.

Il apporte les repas, frugal, mais bon. Le repas m’a calmé et savoir que je ne suis pas seule me rassure un peu, même si c’est avec Kévin.

• Le but est attiré tous les regards sur vous, sans que personne ne vous voie. Pour susciter l’intérêt de tous et leur faire oublier leurs achats. Pour ça nous avons conçu une cape blindée, aucune arme ne peut la traversée. Elle est opaque à l’extérieur et transparente à l’intérieur. Vous ne pourrez être vu, mais vous pourrez tout voir. Vous aurez un voile devant le visage qui vous donnera un maximum d’information sur les personnes présentes, leurs noms, leurs richesses, leurs désirs. Nous aurons des appareils de communications pour que vous puissiez nous entendre et nous parler. Souvenez-vous, vous devez chuchoter en public, sinon vous pouvez parler uniquement si M. Leconoistre ou moi vous adressons la parole. Vous êtes une perle cachée dans un écrin. Il faut que vous restiez caché, jusqu’au grand final. Vous avez compris ?

Je hoche la tête. Il me prend le menton et plante ses yeux dans les miens.

• S’il vous plaît, répondez-moi !
• Oui j’ai tout compris. Je ne dois pas parler, rester à vos côtés et les laisser me désirer telle une récompense.

Il enlève sa main et détourne son regard, légèrement triste.

• Je sais le sacrifice que vous nous faites et je vous en suis grandement reconnaissant. Je vous promets de vous protéger et vous ramener à Paul. Je ne vous demanderais plus rien. Vous pourrez trouver un autre lieu où vivre, je ne vous retiendrais plus dans votre chambre 222. Vous serez libre.

Ai-je vraiment un autre endroit où aller ? Il m’a offert des amis, de la bonne nourriture. Il m’a aidé à surmonter mes peurs. Il est vrai que je n’aime pas cette chambre, mais je n’y suis pas enfermée. Mon esprit vagabonde et repense aux derniers instants avec Paul qui me font rougir. Je ne sais pas si mes sentiments pour lui sont aussi forts que ce qu’il ressent.

• Il est temps de se coucher. Je sais qu’il n’y a qu’un seul lit, mais je peux mettre des vêtements entre nous si vous voulez.
• Non, je vais rester de mon côté, et vous du vôtre, et tout ira bien.

Nous nous allongeons et le sommeil m’emporte.