A chacun ses peurs
Je me retrouve à nouveau enfermée dans une cage trop petite pour me mettre debout ou bien allonger les jambes. Je suis nue recroquevillée sur moi-même et leurs yeux me fixent. Je ne vois que leurs regards perfides et leurs mains grasses me toucher en laissant un liquide gluant sur la peau. L’heure de la vente est arrivée. Avarlas me libère et me menotte les pieds, les mains et le cou. Je ne suis qu’un animal pour eux, une bête de foire. La lourdeur des chaînes m’empêche de marcher correctement et un homme me pousse le dos. Je n’entends pas leurs voix, mais seulement le bruit métallique de mes chaînes qui s’entrechoquent. Je me trouve une nouvelle fois dans cet amphithéâtre, mais quelque chose a changé. Au centre, un large lit est installé. Je comprends ma sentence et tire sur mes chaînes pour m’enfuir, mais Avarlas tire sur ma laisse et je me retrouve au sol. Ils sont tous là pour moi et lui : Léandre. Je me débats, mais rien n’y fait.
- Ma belle, tout va bien, nous allons tous prendre soin de toi. Il faut que tu te calmes, sinon nous serons obligés de t’attacher. Calme-toi, ma douce.
Je me débats autant que possible. Léandre m’attache au lit. Je suis écartelée, ma poitrine et ma vulve à la vue de tous. Il commence à toucher mon corps, quand soudain tous disparaissent. Je suis libre de mes mouvements et chaudement habillée. Je suis une nouvelle fois sur cette plage à contempler le soleil couchant. Je suis seule avec le bruit de l’eau, le souffle du vent et le cri d’une mouette au loin. Je m’assois sur le sable mouillé et laisse les vagues me chatouiller les pieds. Je remets en place le col de mon long manteau en laine bleu pour me protéger de la brise fraîche. Le soleil finit sa lente course et se perd au-delà de l’horizon. Le ciel encore orangé laisse place au bleu profond de la lune. La lune presque pleine s’installe tranquillement suivie par les nombreuses étoiles.
J’ouvre les yeux et me rends compte que tout cela n’était qu’un rêve ou un cauchemar ou bien les deux. Une masse noire se trouve devant moi, c’est Kévin. Je suis contre son torse avec une de ses mains sur mes cheveux et son autre bras sous mon cou. Il m’entoure de ses bras protecteurs. Je m’éloigne précipitamment de lui et me cache dans un coin de la pièce. Qu’est-ce qui s’est passé, cette nuit ? Que m’a-t-il fait ? Je savais que ce n’était pas une bonne idée de revenir ici. J’entends sa voix enrouée qui m’appelle. Je ne réponds pas et reste discrète. Je l’observe se relever en sursaut et j’entends sa voix tremblante crier mon nom. Dès qu’il me voit, il se précipite vers moi et se met à genoux.
- Elena, que se passe-t-il ?
Je murmure : « Que m’avez-vous fait ? »
- Comment ?
- QUE M’AVEZ-VOUS FAIT ?
- Je ne comprends pas, je n’ai…
Il approche sa main et je lui hurle de ne pas me toucher à nouveau.
- Quand je me suis réveillée, j’étais dans vos bras. Je vous ai déjà dit de ne pas me toucher et je ne suis pas venu par moi-même. Alors, dites-moi cE qUE VOUS M’AVEZ FAIT ? Que m’avez-vous donné pour m’endormir ?
Il essaye encore d’approcher sa main, mais je la repousse violemment. Il passe ses deux mains sur son visage. La peur m’envahit, il est en colère, il va me faire du mal. Je lève mes mains prêtent à me protéger. Je scrute entre mes mains ses yeux, je suis sûre le qui vive prête à me battre. Il comprend enfin la peur qu’il me fait ressentir. Un voile de tristesse traverse son regard avant de laisser place à nouveau à la colère. Il se mord les lèvres, puis s’éloigne de moi, avant de s’asseoir en tailleur. Il reprend cette même posture que lors de sa venue dans ma chambre : les coudes sur ses genoux, le menton posé sur ses mains croisées. Comme la dernière fois, un sentiment se propage en moi, que je ne comprends pas. Quelque chose m’attire, telle une flamme, mais je sais pertinemment que je m’y brûlerais.
- Elena, je ne vous ai rien fait avaler. Vous êtes simplement endormi, car vous étiez fatiguée. Concernant cette nuit, j’en suis désolé. Je n’aurais pas dû, je vous avais promis et je n’ai pas tenu ma promesse.
- Pourquoi l’avoir fait alors ? Vous m’avez touché, vous m’avez fait du mal ?
- Je ne vous ai fait aucun mal. Je vous ai prise dans mes bras, car vous étiez agitée et que vous hurliez. Vous faisiez un cauchemar. J’ai essayé de vous réveiller, mais vous commenciez à vous débattre. J’avais peur de vous faire mal. Alors, j’ai trouvé que la meilleure solution était de vous serrer contre moi. Tout de suite, vous étiez à nouveau calme, paisible. Je me suis rendormi et je n’ai rien fait d’autre.
Est-ce qu’il dit la vérité ou est-ce… ? Cet homme m’a-t-il une seule fois menti ou ma violentée ? Peut-être que je peux lui laisser le bénéfice du doute. Mon cauchemar, c’est soudainement apaisé et rien n’avait de sens. Je n’ai pas encore pansé les blessures de cet endroit. Le fait de revenir ici me rappelle mes épreuves passées.
- Je suis désolée de vous avoir réveillé, mais la prochaine fois secouez-moi ou pincez-moi. Ne faites plus jamais ça !
- Très bien.
Il ne dit pas un mot de plus, mais il continue à m’observer, à m’examiner comme s’il cherchait à comprendre quelque chose. Ces yeux me transpercent et j’ai la sensation qu’il cherche à me faire avouer qui je suis, qu’il veut savoir ce que renferme ma chair. Je détourne les yeux sachant que je ne suis personne en réalité, juste une pauvre coquille vide. L’angoisse a disparu et la tension retombe. J’ai besoin de me passer sous l’eau froide pour me nettoyer et me réveiller. Je me lève et me dirige vers le coin d’eau. Il n’y a qu’un simple rideau qui nous sépare.
— Euh, j’aimerais me laver, mais vous êtes là.
Il reste dans la même position et fixe le mur.
- Vous comptez faire un trou dans le mur en le regardant ?
Il ne répond pas. Je place à côté de lui.
- KEVIN !
Il sursaute et place sa main sur son oreille.
- Enfin, revenu parmi nous.
- Pourquoi m’avoir crié dans l’oreille ?
- Vous ne répondiez pas. J’aimerais me doucher, mais il n’y a qu’un simple rideau et je ne vous fais pas confiance. Donc je vais vous bander les yeux le temps de me laver.
- Je ne…
Je lui place un foulard sur les yeux et fais plusieurs nœuds.
- Retirez-moi ça, vous n’avez pas le droit.
- J’ai tous les droits que le Maître m’a donné sur vous Kévin.
Je ricane. Je l’entends se plaindre et essayer de retirer le bandeau. Je pars prendre ma douche. Je le regarde continue à se débattre avec les différents nœuds. Cet homme dont j’avais si peur me paraît beaucoup moins effrayant maintenant.
- Ne refaites plus jamais ça !
- Vous n’êtes qu’un esclave et je suis un diamant rare. Je fais ce que je veux de vous.
Il s’approche de mon oreille et m’attrape le bras.
- Je suis sérieux Elena, ne refaites jamais ça !
Son ton est dur et sa poigne est forte. Une boule d’angoisse me monte à la gorge. Je soutiens son regard, jusqu’à ce qu’il me lâche. Il laisse une marque rouge sur mon bras.
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