Un retour difficile

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Le vaisseau atterri. Je reste assise, quelques instants à réfléchir aux mots justes que je doive dire à Paul. Il est mieux d’éteindre la flamme d’un amour naissant, avant qu’il ne s’embrase. Kévin vient m’aider une nouvelle fois pour ma ceinture.

  • Merci, Kév…, pardon M. Leconoistre, je peux le faire toute seule.

  • Tu peux m’appeler Kévin, si tu veux.

  • Nous devons chacun sortir de notre rôle. Si vous avez encore besoin de moi, vous savez où me trouver.

Je me lève et me dirige vers la plateforme où je vois Paul aidé aux déchargements du véhicule.

  • Elena, tu n’es plus obligé de mettre cette distance entre nous, tu le sais.

  • Je préfère au contraire, je ne suis pour vous, qu’un outil pour arriver à vos fins.

Je laisse M. Leconoistre à ses réflexions et prends une grande inspiration, avant de descendre vers le quai. J’évite au maximum Paul, mais il court vers moi et me prend dans ses bras.

  • Elena, je suis tellement content de te revoir. Tout cela n’a pas été trop dur ?

  • Un peu, je suis aussi heureuse de te revoir. Mais je suis fatiguée, j’aimerais me reposer. On pourrait parler demain ?

  • Oui, je comprends. Si tu as besoin de moi, n’hésite pas à m’appeler. Je serais là pour toi.

  • Merci, Paul, à demain.

Je marche jusqu’à la porte 222. Tout est resté à l’identique, mais moi, je ne suis plus la même que la première fois où je suis rentrée ici. Maintenant, j’ai une raison de me battre.

Je ferme la porte à clef, j’éteins mon holomontre, mon ordinateur, coupé de ce monde qui me répugne au plus au point. Je prends des vêtements et file dans la salle de bain pour me couler un bon bain chaud.

L’eau brûlante nettoie la crasse accumulée par les mains sales qui m’ont tripoté pendant ses dernières semaines. Mes membres ankylosés se dénouent lentement et je laisse la chaleur m’envelopper comme un cocon. Après avoir détendu tout mon corps, la fatigue se fait ressentir. Je sors du bain, me sèche et m’habille. Il est encore tôt, quelques rayons de lumière réchauffent la pièce. Je m’installe dans le lit sous la couette et remets une ambiance de plage dans la pièce. Le bruit des vagues m’emmène une nouvelle fois loin de ce monde hideux. Nous sommes là tous les trois : Maman, moi et Papa. La chaleur est étouffante, mais les vagues qui me chatouillent les pieds me rafraîchissent. Maman se repose sur le sable en maillot de bain et moi je regarde Papa qui nage à contre-courant.

  • Elena vient, elle est bonne. Tu verras, ça te fera du bien. Viens ma chérie !

  • Papa, tu sais bien que je ne sais pas nager. Apprends-moi !

Il continue à nager vers le large. Ses mouvements sont rapides.

  • Viens, Elena ! Tu peux le faire !

  • Papa, je ne peux pas. Reviens !

Je ne vois que sa tête qui sort parfois de l’eau pour m’appeler à venir.

  • Papa, reviens. Tu pars trop loin. Tu vas te noyer.

Je surveille encore mon père, mais j’ai du mal à le voir.

  • PAPA !

Je n’ai plus de réponse.

  • Maman, je crois que Papa se noie. Maman, aide-le !

Je me tourne vers elle, mais il n’y a personne. Je regarde une nouvelle fois au large, mais la mer est calme. Des larmes coulent sur mes joues, le ciel s’assombrit rapidement. La chaleur étouffante fait place au froid. Je tremble, même avec mon gros pull en laine, mon lourd caban, mon jean et mes bottes. Je suis à genoux, à pleurs dans mes mains. Ils sont partis, ils ont disparu. Je reste seule sur cette plage déserte. Le vent est de plus en plus fort, un orage se prépare. Je serais noyé par la pluie ou la mer m’emportera. J’entends le tonnerre qui éclate, des flashs de lumière percent entre mes doigts. Je regarde les nuages qui fondent sur moi. L’orage approche. Les arcs des éclairs illuminent de façon sinistre le ciel. Une autre lumière perce, qui va et vient. Je regarde autour de moi et un grand phare blanc se détache de la mer. La lumière m’appelle et je me laisse guider à son pied. Une silhouette se dessine, la même que la dernière fois. C’est encore cet homme, le vent est si fort que je n’entends pas ses paroles. Je plisse les yeux pour voir son visage, mais il fait trop noir. Il ouvre, la porte et se glisse à l’intérieur. Je sens la chaleur d’un feu. J’ai de plus en plus froid, j’entre avant de rester frigorifier dehors. Je me retourne, lorsque le vent referme violemment la porte derrière moi. Il me pose une couverture sur les épaules. Je me blottis à l’intérieur. J’entends le bruit de ses pas sur le plancher en bois et le crachement des bûches dans la cheminée. Je me rapproche de la source de chaleur et frotte mes mains pour les réchauffer. Il m’apporte un siège sur lequel je m’assois. Dès que j’essaie de voir son visage, il se détourne. Qui est cet homme ? Pourquoi est-il là avec moi ? J’aimerais lui dire quelque chose, mais je sais qu’il ne me répondra pas. Il pose ses mains sur mes épaules. Son contact me rassure. Mes nerfs lâchent et je fonds encore en larmes. Il descend ses mains jusqu’à m’entourer de ses bras. J’agrippe ses avant-bras pour qu’il ne parte pas. Il pose sa tête contre la mienne. Je reste dans ces bras un moment et laisse ma peine se dissiper. Il s’en va et revient avec un mouchoir.

  • Merci !

Il s’arrête, mais je ne perçois aucun bruit de sa part. Je reste là près du feu avant de m’assoupir dans le fauteuil.

Je me réveille désorienté dans mon lit. Mon oreiller est mouillé. Tout cela était un rêve, mais ma peine est bien réelle. Cet homme, un doux baume sur mon cœur meurtri. Il est le seul, auprès de qui je peux me confier. Il est le seul qui ne pourra me trahir. Il est le seul, que je ne verrais jamais. Je me lève et me prépare. J’ai dormi plus de douze heures, mais il est encore tôt. Je prends une pomme sur mon bureau, avant de partir voir Paul.

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