Un rat de laboratoire
J’arrive à l’accueil d’un complexe médical. Aissata discute avec un homme. Je regarde les gens présents, pour la plupart des enfants apeurés. Le personnel médical est calme et patient avec eux. Le peu d’adultes présent attend patiemment leur tour, mais ne semble pas malade. Un homme se dirige vers moi, il semble être un patient. Je me décale pour le laisser passer.
- Vous venez avec moi !
L'homme me regarde avec un grand sourire.
- Suivez-moi, on va regarder votre épaule.
- Il y a d'autres gens qui attendaient avant moi.
- Ne vous inquiétez pas, quelqu'un d'autre les prendra en charge.
Je le suis, seule. Nous entrons dans une pièce. Il me demande de s'asseoir sur le tabouret au centre.
- Je suis le Dr Aydin, vous êtes ?
Je ne réponds pas.
- Très bien, où avez-vous mal ?
- Je pense que tout va bien, je vais partir, merci.
Je me dirige vers la porte, quand M. Anme rentre au même instant.
- Elena, bonjour. Vous allez bien ?
- Oui, mais je dois y aller.
- M. Leconoistre m'a appelé, il a eu un accident et votre épaule s'est déboîtée.
- Oui, mais tout va bien maintenat.
- Je sais que vous avez peur, mais il faut soigner votre omoplate. Est-ce que vous voulez que quelqu'un d'autre soit là ?
- Non.
- Est-ce que vous souhaitez qu'une femme vous ausculte ?
- Non.
- Est-ce que je dois sortir ?
- Oui.
- Si vous avez besoin de moi, j'attends à l'extérieur.
Il me sourit et ferme la porte derrière lui. Je me rassois sur le tabouret.
- Vous êtes Elena, c'est bien ça ?
- Oui.
- Le dernier médecin qui m'a touché, m'a brutalisé et humilié.
Il semble gêné et s'éclaircit la voix pour me parler doucement.
- Je ne suis pas là pour vous humilier ou vous brutaliser. Je veux seulement vous soigner, rien d'autre. Je vais vous expliquer ce que je vais faire et comment. Ça vous convient ?
- Oui.
- Si vous êtes gêné ou que vous avez mal, on arrête. D'accord ?
- M. Leconoistre m'a déjà remis le bras. Je ne peux pas juste partir ?
- M. Leconoistre n'est pas médecin. Si vous n'êtes pas soigné, vous perdrez de la mobilité dans le bras. De plus, vous risquez de l'arthrose prematurée. Sinon je peux prendre 20 minutes pour vous soigner et avec du repos votre épaule n'aura aucune séquelle.
- Pas plus de 20 minutes ?
- Non.
- D'accord, allez-y.
- D'abord, je vais faire une photo 3D de votre épaule avec cette machine. Je pourrais voir vos muscles, nerfs, os et tissu pour trouver quel dommage a causé votre blessure. C'est parti ?
- Oui.
Il place une grosse machine autour de mon bras. Au bout de quelques secondes, il l'enlève.
- J'analyse les clichés et je vous dis ce que l'on fait ensuite.
Il prend quelques minutes pour regarder sur sa feuille. Il projette avec son holomontre les résultats.
- Regarder votre clavicule, il n'y a aucune lésion des vaisseaux sanguins ou des nerfs. Il y a juste votre cartilage qui est légèrement abîmé. Je vais injecter un produit pour qu'il ne se fragilise pas. Pour ça, je vais appliquer un pansement anesthésiant et passer une aiguille jusque dans votre cartilage pour introduire le produit. Je vais replacer l'appareil pour m'aider. Vous êtes d'accord ?
J'acquiesce. Il replace la machine, place le pansement et enfonce l'aiguille. Je ne sens rien et reste le plus immobile possible. Il retire l'aiguille et la machine.
-C'est terminé. Vous ...
Je me lève. J'avance vers la sortie. Dr Aydin m'empêche de sortir.
- Nous n'avons pas fini le rendez-vous. Je vais demander à M. Anme de rentrer, cela sera plus simple.
M. Anme rentre, se place dans un coin de la pièce et laisse le médecin parler.
- Elena, comment vous êtes-vous blessé ?
- C'est M. Leconoistre qui m'a déboîté l'épaule lors de notre combat.
- D'accord. Est-ce que c'était volontaire de sa part ? Est-ce qu'il a déjà été violent envers vous avant ?
- Il ne l'a pas vraiment fait exprès. Je l'ai menacé et il s'est défendu. C'est la première fois.
- Est-ce que vous souhaitez porter plainte ?
- Plainte ? Mais c'est votre chef, roi ou je ne sais quoi ? Il a créé cet endroit. Il est intouchable.
- M. Leconoistre n'est pas au-dessus des lois. Si vous le souhaitez, vous pouvez l'empêcher de vous approcher à nouveau.
- Non, c'est de ma faute si j'ai été blessé.
- Très bien, vous êtes sûre que vous allez bien ?
- Oui.
- J'ai une dernière question. D'après ce que j'ai compris depuis que vous êtes arrivé ici, vous n'avez vu aucun médecin. C'est bien ça ?
- Oui.
Dr Aydin semble énervé et soupir. Il se tourne vers M. Anme.
- Dis-lui qu'il doit TOUJOURS nous amener les nouveaux arrivants. Aucune exception.
- Elena, a vu Mme Duval lors de son arrivée et elle a effectué les vérifications nécessaires.
- Je le sais. Son dossier est sous mes yeux, mais nous n'avons pas toutes les informations. J'aurais pu ...
- Quelles informations ?
Ma question les stoppe dans leur discussion. M. Anme m'explique, lors de notre arrivée ici, un check-up complet est réalisé pour vérifier l'état de santé, les virus, les maladies, les allergies, les antécédents pour savoir si le patient est un risque pour lui ou le reste de la population.
- Donnez-moi ces informations, je veux savoir ce que vous avez sur moi.
- Ces informations sont confidentielles et uniquement pour la sécurité de la population.
- J'ai dit, donnez-les-moi.
M. Anme fait un signe au médecin et il me tend à contrecœur son papier. Il y a des informations partielles sur mon identité, mes origines, mon été de santé qui est plutôt bonne. Mais la partie la plus importante porte sur mon été de santé mentale avec une liste de symptôme interminable : anorexie, dépression, trouble post-traumatique, solitude ...
- C'est vous qui avez rédigé ça ?
Je lui tends la feuille en pointant la liste.
- Oui, mais certains ont disparu.
- Je ne suis pas votre rat de laboratoire. Je ne veux plus de vos séances. Vous êtes tous les mêmes, à tirer profit des autres. Vous n'avez pas le droit de renseigner des informations me concernant sans me demander.
- Elena, c'est aussi pour vous. Pour vous aider, comme aujourd'hui.
- Partez, je ne veux plus vous voir.
- D'accord, mais vous devez passer ces examens et répondre aux questions de Dr Aydin.
M. Anme sort et laisse un silence de mort derrière lui.
- Je dois juste faire encore quelques photos et prendre un peu de votre sang. Après quoi j'aurais une série de questions et vous pourrez partir. Vous êtes d'accord ?
Je ne réponds pas. Je hoche juste la tête.
Au bout d'une heure, je sors avec mon bras en écharpe et des anti-inflammatoires. Je ne dois pas bouger mon bras pendant au moins 2 semaines.
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