D'une blancheur assourdissante
Cette salle semble calme, et pourtant. Tout paraît stérile, inerte, comme si la blancheur de ses murs avait absorbé toute vie présente, à part la mienne. Ces murs, ce silence m’angoissent, accélèrent mon rythme cardiaque. J’essaie désespérément de le calmer, mais en vain. Je n’entends que ça : boum,Boum,...bouM boUM …, bOUM, BOUM ! Mon cœur qui comme moi me hurle de sortir de cette pièce et de ce silence. Et quand ce n’est pas mon cœur qui brise le silence, c’est l’air que je respire et que j’expire qui gonfle et dégonfle mes poumons et siffle dans ma gorge et entre les dents. J’essaie de bouger et de m’étirer, mais mes articulations craquent si fort que j’ai l’impression qu’on me broie les os. Tous ses bruits, ses sons que je n’entendais pas me font prendre conscience de mon corps, de son fonctionnement et de la monstruosité que je suis. Je marche, espérant que le bruit de mes pas atténuera, ces battements horribles. Au bout d’un certain temps, je me calme et la fatigue retombe, je m’allonge et dors. Un bruit de trappe me réveille. Un plateau avec une bouillie infâme et de l’eau sont près de la porte. Je mange tout. Le bruit de la cuillère en métal contre mes dents me semble assourdissant. Ce son métallique strident me donne envie d’utiliser mes mains pour manger, mais je ne veux pas montrer mes faiblesses. Je sais qu’il m’observe, qu’il m’écoute. Je finis de manger et me rendors.
Une alarme me réveille en sursaut. Je plaque mes mains contre mes oreilles. J’ai mal, j’ai peur. Je ne sais pas combien de temps cette torture dure, mais mon souffle est court et mon cœur s’affole. Je mets encore un certain temps à le calmer. La même alarme retentit plus tard et encore plus tard et encore… Je n’arrive plus à dormir. À chaque fois que cette alarme retentit, je commence à peine à me rendormir et ce bruit me terrifie. Je deviens folle, je ne sais plus au bout d’un certain temps si elle tonne encore. Je frappe ma tête contre le mur, espérant que ça s’arrête.
- STOP
Une voix, une femme.
- Qui êtes-vous ?
Le silence bercé par les battements de mon cœur me répond. J’ai dû halluciner, cette pièce m’amène lentement vers la folie. Je tape à nouveau ma tête contre le mur.
- Arrête, c’est ce qu’il veut.
- Il veut te faire craquer.
Des voix de femmes encore, peut-être des autres sosies de ma mère.
- Qui êtes-vous ?
Mon hurlement disparaît dans cette salle morte. Combien de jours dois-je encore supporter cet endroit morbide ? Il m’avait dit 5 jours, mais c’est peut-être un autre mensonge. Cette sirène ne s’arrête jamais, je ne dors pas, je suis l’ombre de moi-même, je somnole dans un état entre la réalité et le rêve.
- Tu dois rester forte.
- Ne cède pas.
- Il cherche à te briser.
- BATS-TOI !
- SORTEZ MA TÊTE. Vous n’existez pas. Même pendant mes années d’isolement, vous n’étiez pas là. L’esprit s’affaiblit, lorsque le corps est fragile. Vous n’êtes qu’une divagation de mon cerveau fatigué. Je pourrais me libérer de vous, de toute cette vie miséreuse. Est-ce qu’elle est réellement si misérable ou est-ce simplement qui est choisi qu’elle le soit ? J’aurais pu me battre, ne pas rester dans mon abri. Tout ça arrive parce que je n’ai pas été assez courageuse, assez combative, assez vivante. Je me suis laissée porter par mes parents, j’ai attendu que les malheurs me tombent dessus. Je n’ai jamais cherché à vivre, mais seulement à survivre. Je n’ai pas cherché le bonheur, mais seulement à me réveiller un nouveau matin. Si une seule fois, j’avais cherché à être heureuse, est-ce que je serais là aujourd’hui ? Maintenant, je suis piégée dans cette cage, avec trois échappatoires possibles : céder, subir ou mourir. Réellement, je suis épuisée.
Ma voix se déforme sous l’émotion et mes yeux se voilent de larmes.
- Je veux uniquement que tout s’arrête ici. Qu’il ne reste de moi que des souvenirs qui disparaîtront avec le temps.
Je cherche et trouve un couteau qu’il m’a laissé. Intentionnel ou non ? Je l’attrape et le pose sur mon poignet.
- Je regrette de ne pas t’avoir sauvé Maman. Je suis désolée Papa de ne pas t’avoir protégé.
Je prends une profonde inspiration avant d’armer mon bras pour trancher la veine de mon poignet. "Il t’a abandonné, parce que le monde était trop dur ? Il a juste renoncé par faiblesse." Les mots que j'avais dits à Galahad me reviennent. "Je comprends ta rage. Mais le suicide n’est qu’un acte égoïste où l’on cède simplement à cette douleur qui nous ronge. On ne souhaite qu’une seule chose que cette angoisse qui nous tourmente se termine, que tout s’arrête." Je lâche le couteau et m'effondre en larme dans mes genoux. Galahad, je ne serais qu’une peureuse, si je me suicidais aussi et que je te laissais comme ton père. J’ai l’impression de sentir la chaleur de ses mains sur mes épaules. “Respire Elena, respire.” J’entends ses mots résonner à l’intérieur de moi. J’aurais pu rester auprès de lui et vivre paisiblement. Au lieu de foncer tête baissée dans la gueule du loup. Est-ce qu’il était un ami ou un ennemi ? En réalité, je ne voulais juste pas toucher à ce bonheur qu’on me tendait. Je suis qu’un animal farouche prêt à mordre la main qui la nourrit et la cajole avec tendresse. Mais maintenant, je ne suis qu'un animal en cage que l’on bat et que l’on dresse brutalement. J’aurais pu goûter à une vie heureuse, à savoir ce que l’on ressent quand on est avec un ami et peut-être que cette attirance que j’avais pour lui était bien plus forte que je ne le pensais. Peut-être que nous aurions pu être plus que des amis. J’aurais peut-être appris ce que c’était d’être amoureuse. Mais tout cela n’arrivera jamais, mon cœur ne sera qu’une terre sèche et infertile qui finira en cendre.
L’alarme continue à retentir encore et encore, mais je n’entends que ces voix qui me hurlent de continuer à vivre et à me battre. Jusqu’au jour où la porte s’ouvre à nouveau et le bruit des pas d’une autre personne me réveille.
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