Le tournoi du meilleur épéiste de Sudéranie, aussi appelé "Grand Tournoi", se tenait une fois par an depuis plus d'un millénaire. Les meilleurs guerriers de Sudéranie venaient pour tenter de décrocher ce sacre. Le roi lui-même, dans sa jeunesse y avait participé à plusieurs reprises et était arrivé à le remporter à quatre reprises.

Le tournoi se déroulait dans une arène entourée par de grandes tribunes pouvant accueuillir plus de mille personnes. Les combats d'épée étant très populaires auprès des sudéraniens, les places pour assister à cet évènement étaient très cher. La plupart des sudéraniens ne pouvaient que suivre cet évènement à la télévision.

Les participants étaient protégés par une armure quasi intégrale et armés d'une épée non aiguisée. Le principe était de faire tomber l'adversaire ou de le désarmer. Si au bout de vingt minutes, aucun des deux combattants n'était arrivé à atteindre l'un de ces objectifs, un jury composé de trois maîtres d'arme devait alors désigner le vainqueur, en jugeant les prestations techniques des deux adversaires.

X appréciait regarder ces combats. Il trouvait cela spectaculaire. Il ne pouvait s'empêcher de penser qu'autrefois, toutes les armées utopiennes, et exotiennes également, se battaient avec des armes de corps à corps. La poudre à canon et l'invention des armes à feu les ayant peu à peu rendu obsolètes et inefficaces. Même si certaines armées, certains guerriers, continuaient d'en utiliser. Plus par honneur que pour leur efficacité.

Les combats s'enchainèrent. Certains étant plus longs que d'autres. Le champion en titre réussit une fois encore à se tailler un chemin jusqu'en finale. Aucun participant n'avait pour le moment réussi à faire tomber ou à battre, sur le plan technique, cet incroyable guerrier. Ses compétences à l'épée étaient impressionantes et exceptionnelles à la fois. On le présentait comme le meilleur épéiste sudéranien et probablement l'un des meilleurs au monde.

Son adversaire lors du duel final était le Capitaine Garik D'obert, de la garde royale sudéranienne. Un homme le dépassant d'une tête et à la corpulence une fois et demi plus imposante. Son gabarit ne suffit cependant pas à inquiéter le jeune homme qui réussit à démontrer l'évantail de ses qualités techniques. Tant dans les attaques que dans les parades. Même si le capitaine n'avait pas à rougir de sa propre prestation. Lui qui avait déjà remporté à trois reprises le tournoi. Il s'agissait d'ailleurs du dernier duelliste à l'avoir remporté, avant que son adversaire ne remporte à son tour le fameux titre.

En regardant le combat, X ne pouvait s'empêcher de repenser à Jakaï. Ce dernier avait un style précis et éléguant. Deux choses qui se retrouvaient chez le champion sudéranien qui réussit à se défaire du capitaine de la garde remportant ainsi le tournoi pour la seconde fois d'affilée.

Le désormais double champion se dirigea face à la tribune du roi qui se leva, suivi du reste du public, qui déversa un torrent d'applaudissements.

— Peut-être que votre mystérieux chevalier bleu ferait un redoutable adversaire pour notre champion, dit le roi au général Robb, presque en criant, pour couvrir le brouhaha des spectateurs.

Ewan Robb esquissa un sourire, tout en déviant la tête vers Jo qui lui répondit d'un "non" de la tête.

— Je crois qu'il pourrait vous impressioner, répondit Robb au roi.

— Tu as complétement perdu la... commença Jo avant d'être interrompu par son ami qui l'emmena à quelques mètres du monarque.

— Ecoutes... Tu m'as dis que cette armure était très résistante, non ? Alors tu ne risque rien. Et les épées ne sont même pas dangereuses.

— Mais...

— Tu as réussi à tenir contre Jakaï, non ?

— Oui.

— Alors tu tiendras contre leur champion, j'en suis sûr.

— Sauf si leur champion est plus doué que Jakaï.

— J'ai foi en toi.

Jo se résigna et accepta le défi sans le moindre enthousiasme. Même s'il était dissimulé par cette armure, il n'aimait pas se donner en spectacle. Lui qui était à l'origine une personne très discrète, et légérement taciturne, prenant la parole en public qu'à de très rares occasions.

— Mesdames, Messieurs, lança l'annonceur du tournoi. Pour prolonger le spectacle, son altesse royale a décidé d'organiser un dernier combat. Entre... Notre champion et un guerrier Impérial.

Sur cette déclaration, Jo s'avança, munit d'une épée fournie par les organisateurs, vers son adversaire. Un guerrier Impérial, pensa-t-il. Je ne suis pas un guerrier.

En voyant son opposant arriver, le champion sudéranien fit virevolter son épée, dans le but de l'intimider. De son côté, Jo, ne voulant pas prendre l'initiative, attendait calmement qu'il vienne l'attaquer.

Le guerrier sudéranien était impressionné par l'armure que portait son nouvel adversaire, ainsi que par la façon dont il tenait son épée. Jo faisant plus confiance en son armure qu'aux parades à l'épée. Il gardait constament sa garde baissée.

C'est le champion sudéranien qui porta le premier coup, aisément paré par le garçon en armure MOCH qui recula ensuite de quelques pas. Ne sachant pas à quoi s'attendre, Bradley avait décidé de commencer doucement. Histoire d'étudier son adversaire.

Il se passa en effet quelques secondes durant lesquelles les deux adversaires s'observèrent sans trop attaquer. Le public était impatient que le combat commence réellement. Puis le champion décida de rapasser à l'offensive avec un coup plus franc et plus rapide. Paré de justesse par l'Impérial qui enchaina avec un coup violent, bloqué par le champion sudéranien qui l'avait parfaitement anticipé. Après quoi, Jo recula de quelques mètres pour se positionner hors de portée de son adversaire.

Il ne s'agissait pas du combat le plus dynamique que le public eut observé. La posture attentiste du chevalier bleu, le surprit au plus haut point.

De son côté, le champion devina que son adversaire n'avait pas l'habitude de se battre à l'épée. Il était lent et trop défensif. Après tout, le combat à l'épée n'était pas une tradition chez les Impériaux. En revanche, ses rares attaques étaient portées avec violence.

Il repoussa Jo qui trébucha et tomba à la renverse. Le combat était fini. Le roi applaudit tout en se levant, suivit par le reste du public et les Impériaux qui l'imitèrent.

Le champion retira son casque, dévoilant le visage d'un jeune homme à peine plus âgé que Jo, approchant le mètre quatre-vingt dix, les cheveux blonds ébourrifés. Il s'avança vers son adversaire et lui tendit le bras pour l'aider à se relever. Jo le saisit et se releva.

— Impérial ? lui demanda le guerrier.

— Oui.

— Bradley, se présenta le champion. Je suis à moitié Impérial moi aussi. Par ma mère.

— X, répondit Jo ne souhaitant pas lui révéler sa véritable identité.

— Comme la lettre ? s'étonna Bradley.

— Comme la lettre.

— Bah ça doit pas être facile tous les jours.

***

Quelques heures plus tard, alors que les Impériaux s'apprêtaient à quitter Fort Kesnia, le roi, accompagné de son conseiller, de quelques éléments de sa garde, ainsi que Bradley, vint saluer une dernière fois ses nouveaux alliés.

— Puisse la chance être de notre côté, lança-t-il. Je n'ai jamais vu les guerriers de l'ombre à l'œuvre, mais selon les dires, ils figurent parmis les meilleurs combattants du monde.

— Et bien, commença le général Robb. X ici présent a déjà croisé la route du seigneur Jakaï en personne.

— Attendez, fit Bradley avant de s'adresser au garçon en armure. Tu as déjà affronté Jakaï ?

Jo répondit d'un oui de la tête.

— On dit que très peu sont ceux qui peuvent se vanter d'avoir survécu à un combat contre lui.

Si tu savais, pensa Jo en se ressassant l'opération des MOCH contre Jakaï. Même les Commandos MOCH n'étaient pas à la hauteur de Jakaï.

— Si vous comptez l'arrêter, je voudrais vous prêter main forte.

Le roi regarda le champion, surprit par ses déclarations.

— Je sais que les guerriers de l'ombre s'en prennent à des villages isolés. Mon oncle se trouvait dans l'un d'eux. Il était commerçant. Il n'a pas survécu à l'assaut.

— Nous sommes profondément désolés, répondit Robb.

Le Général considéra quelques instants la demande du guerrier sudéranien. Les motivations du jeune homme étaient compréhensibles et légitimes. Il admirait son courage. Mais il ne pouvait pas le faire entrer dans l'armée Impériale comme ça du jour au lendemain. Même s'il était Impérial par sa mère, ça ne le dispenserait pas de devoir faire ses classes. En revanche, il y avait bien un moyen de le rendre immédiatement opérationnel.

— Qu'en dis-tu X ? Tu crois qu'il pourrait s'intégrer à ton équipe ?

Jo fixa quelques secondes Bradley. Un guerrier tel que lui, pourrait être utile à son groupe.

— Oui, répondit-il.

— Alors c'est d'accord, conclut Robb avant de s'adresser à Bradley. Une navette Impériale viendra te récupérer dans trois jours ici même.

— Je vous remercie, fit Bradley, honoré de pouvoir participer à une cause qui lui semblait juste.