Chapitre 7
PDV Elena
- Ça va, ma rouquine ?
Comme à son habitude, Alex entrait dans la chambre de la jeune femme pour l’aider avec les cours. Depuis que sa rééducation avait commencé, elle avait manqué de nombreux cours. Elena fronçait les sourcils en voyant Alex débarquer.
- Mes cheveux ne sont pas roux, mais blond vénitien. Il y a une nuance.
Alex levait les yeux au ciel. Est-ce qu’elle allait être contente de le voir un jour ? Il se le demandait. Il décidait de l’embêter un peu plus.
- Tu rigoles ? Tes cheveux sont orange. Ça veut dire que t’es rousse chérie.
Contrairement à ce qu’il attendait, Elena posait ses mains sur son cœur et faisait semblant d’être blessée. Alex souriait. Ça n’arrivait pas facilement qu’elle se prête au jeu.
- Zut. Tu brises mes rêves. Il paraît que les roux n’ont pas d’âme.
- Et tu y crois ?
- Non.
- Cesse d’être aussi dramatique alors.
Alex sortait les manuels de son sac et s’asseyait au bureau. La jeune femme rouspétait régulièrement sur la présence d’Alex dans sa maison, mais elle semblait avoir compris qu’il allait continuer à venir. Au départ il était venu à la demande de sa mère, mais maintenant il se trouvait être intrigué par la danseuse. Tous les deux assis devant le MacBook d’Elena, Alex essayait de charger une page de recherche. Or, rien ne se passait et le curseur de progression dansait devant leurs yeux. Alex soupirait.
- Je déteste ce petit cercle coloré.
- Moi aussi, mon cher.
Il décidait d’être aussi dramatique qu’elle.
- Regarde-moi ça ! On a un point en commun. Tu vas voir, on va se lier d’amitié grâce à ce qu’on déteste.
Elena haussait un sourcil. Elle essayait de rester impassible, mais les coins de sa bouche se levaient. Alex comprenait qu’il était sur la bonne voie.
- Je doute qu’on ait vraiment des points en commun.
Son attitude était un peu snob, mais cela faisait partie du deal. Alex avait compris comment elle fonctionnait désormais. Sous son attitude hautaine et froide, Elena cachait un cœur sensible qui avait été blessé bien trop souvent. Sa façade servait de protection. Il décidait de continuer sur sa lancée.
- Alors, que détestes-tu ?
- Je hais l’hypocrisie.
- Moi aussi
- Et la pitié
Elle essayait de faire passer un message. Alex n’allait pas se laisser abattre. Il était si près du but.
- Moi aussi ! Tu vois ? Pleins de points en communs.
Elena fronçait les sourcils. Elle avait espéré trouver une faille chez Alex, mais elle n’arrivait pas à passer à travers sa bonne humeur. Elle soupirait et décidait de jouer le jeu.
- Et toi qu’est-ce que tu détestes ?
- Le coca cerise et le coca vanille. C’est immonde.
- Tu rigoles ? Le coca vanille c’est super bon !
Alex ne pouvait s’empêcher de grimacer, ce qui causait l’hilarité de la jeune femme.
- J’arrive pas à croire que tu aimes cette horreur. Ça a un goût tellement chimique.
- Et le goût du coca classique c’est pas chimique peut-être ?
- Touché.
Ils reportaient leur attention sur l’écran, mais la page ne chargeait toujours pas. Alex fermait l’ordinateur et sortait ses notes de son sac.
- Bon, peu importe si la vidéo ne charge pas. Je l’ai déjà visionnée, alors je peux t’expliquer. Ce n’est pas bien compliqué.
- Il s’agit d’une vidéo qui explique le rayonnement radioactif. D’où c’est pas compliqué ?
Elena fronçait les sourcils, visiblement pas convaincue.
- Tu as des difficultés en physique ?
- Tu n’en as pas ?
- Non j’aime bien.
- Oh tu aimes les sciences ?
Contrairement à beaucoup de gens, Alex aimait bien tout ce qui était en rapport avec des chiffres. Il y avait des règles et de la logique. Et tout ce qui avait des règles bien définies était prévisible. Et Alex aimait ce qui était prévisible.
- Juste la physique et les maths. Tout ce qui est chimie et bio me paraît plus abstrait.
- Moi c’est l’inverse. Je comprends la chimie et les maths. Mais plus j’essaye de comprendre la physique, moins je comprends.
Alex lui souriait et ouvrait son bloc de feuilles. Il lui expliquait et l’aidait à résoudre les exercices. Pendant qu’ils étudiaient, Alex comprenait comment Elena avait réussi à être en tête de classe chaque année. Elle était une bosseuse. Même quand elle ne comprenait pas, elle s’entêtait et recommençait jusqu’à ce qu’elle y arrive. Alex était impressionné. Au bout de quelques heures, ils s’arrêtaient enfin. Méritant une pause, ils décidaient d’aller chercher une glace. Alex fut étonné de voir qu’Elena ne prenait qu’une boule de glace vanille et un bubble tea. C’était un choix de parfum étrangement basique pour quelqu’un qui avait un caractère aussi ronchon, mais il décidait de ne faire aucun commentaire. S’il disait quoi que ce soit, elle serait capable d’écraser son cornet sur le haut de sa tête. Ils s’asseyaient sur un banc dans le parc et regardaient les canards nager dans l’étang. Alex ne comprenait pas trop pourquoi elle aimait tant observer des canards dans une mare. Après tout, ils faisaient la même chose tous les jours.
- Parle-moi de toi.
Alex se retournait vers Elena en fronçant les sourcils. Son regard était toujours rivé sur l’eau.
- Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?
- Peu importe. J’ai l’impression que tu sais presque tout à mon sujet, même si cette idée ne me plait guère. Or moi je ne sais rien à ton sujet. Ça semble plutôt injuste, tu ne crois pas ?
Elena se retournait vers lui. Quelque chose dans son regard indiquait qu’elle n’avait pas l’intention de le laisser se défiler. Elle avait encore du mal à soutenir son regard, mais au moins elle essayait d’aller vers lui. Alex se passait une main dans les cheveux en réfléchissant. Il avait voulu qu’elle s’ouvre à lui, mais maintenant qu’elle semblait attendre la même chose de sa part, Alex ne savait pas trop quoi lui dire. Que pouvait-il bien dire qui n’était pas trop personnel, mais suffisamment personnel pour qu’elle soit satisfaite de la réponse ? La seule idée qui lui venait n’était pas brillante, mais il n’avait pas trop le choix.
- À l'école primaire, j'avais le plus gros béguin imaginable pour toi.
Elena avalait son bubble tea de travers et attrapait un mouchoir dans son sac. Elle frottait son nez tout en toussant. Comment une fille aussi élégante arrivait à faire sortir du thé par son nez était un mystère. Alex la regardait à moitié dégouté et à moitié amusé. Au bout de quelques secondes elle semblait retrouver son allure habituelle.
- Décidément. Tu avais des goûts de chiotte à l’époque.
- Pourquoi tu dis une chose pareille ?
- De toutes les filles en primaire, je n’étais pas la plus jolie ni la plus raffinée.
C’était vrai. Lorsqu’ils étaient en début de primaire, Elena était complètement différente de la jeune femme qu’elle était aujourd‘hui. Ses cheveux roux lui arrivaient juste au-dessus des épaules et ses yeux brillaient toujours de malice. À l’époque, Alex la trouvait très cool. Même si elle ressemblait plus à un garçon manqué, son grand sourire aux dents inégales l’avait toujours charmé. Quand il était enfant, il était si timide alors qu'elle était un rayon de soleil très bruyant. Les temps avaient changé et ils avaient grandi. Maintenant ses dents étaient toutes droites, mais son sourire avait disparu.
- C’est vrai, mais tu étais la plus chouette de toutes. J’essayais de t’impressionner.
Elle ne pouvait pas s’empêcher de pouffer.
- Ce n'est pas comme ça que je m'en souviens. Un jour tu m’as offert un bracelet avec des coquillages, et le lendemain tu me lançais tes crayons à la figure.
Alex rigolait à son tour. Il avait été très pataud avec les filles en primaire. À plusieurs reprises il s’était dit qu’il irait lui confesser ses sentiments, mais à chaque fois il finissait par se dégonfler. C'était agréable de penser à ces moments où ils avaient été deux enfants normaux que la vie n'avait pas encore bousillés. C'était bon de renouer avec quelqu'un à qui il avait tant tenu autrefois.
- Je n’ai jamais dit que ma tactique pour t’impressionner allait fonctionner.
La jeune femme secouait la tête, mais elle s'amusait. Au moins un tout petit peu.
- Merci. disait Elena en fourrant une cuillère de glace dans sa bouche. Je te dois une fière chandelle.
- Tu ne me dois rien du tout.
Elle lui lançait un regard en coin. Elle avait vraiment envie de lui écraser son cornet sur la tête. Il le voyait à son regard.
- Tu viens de passer toute l’après-midi à m’expliquer le rayonnement et de m’aider à résoudre tous les exercices préparatoires alors que tu n’étais pas obligé. Je te suis reconnaissante.
- Avec plaisir.
Léna reposait ses yeux sur les canards. Parfois il se demandait ce qui passait dans sa tête. À quoi elle pensait ? Comment elle voyait le monde ? Elena se retournait à nouveau vers lui. Maintenant qu’elle s’était réveillée, elle commençait à creuser.
- Pourquoi tu es aussi gentil avec moi ? Depuis le début je me comporte mal avec toi.
Alex souriait. Il était vrai qu’elle avait été vache par moments, mais ça ne le dérangeait pas. Contrairement à beaucoup de personnes, Elena lui tenait tête. Parce qu'il avait une réputation de mauvais garçon très dangereux, qui était juste basée sur des rumeurs et des malentendus, les gens avaient tendance à rester loin de lui. Surtout quand ils avaient tort. Elena, même quand elle savait qu’elle avait tort, elle ne démordait pas. Était-ce de la mauvaise volonté où de l’entêtement, Alex n’en savait rien. Mais c'était divertissant. Si seulement elle pouvait le regarder dans les yeux quand ils se prenaient la tête. Ce serait pour plus tard.
- Je ne suis pas aussi gentil que tu le crois.
Alex n'était pas un mec sympa. Il n'allait pas prétendre qu'il l'était, mais il y avait toute une partie de lui qu'il ne voulait pas qu'elle connaisse. Une partie de lui pleine de ténèbres. Et s'il le pouvait, il l'effacerait de sa mémoire pour toujours. Mais elle ne pouvait pas savoir. Ça entacherait la façon dont elle le voyait, et il ne pouvait pas vivre avec ça. Léna le regardait comme si elle savait ce qu'il pensait. C’était impossible, mais son regard lui donnait toujours la chair de poule.
- Tu l’es avec moi. Pourquoi ?
- Disons que je crois que ma présence peut être bien pour toi. Je sais que tu traverses une période difficile en ce moment. Il fut un temps où moi aussi j’ai traversé une période difficile, et si j’avais eu un ami qui était resté auprès de moi à cette époque, je crois que ça m’aurait permis d’avancer plus facilement.
- Tu veux être mon ami juste parce que tu ne veux pas que je sois seule ?
- J’appréciais aussi ta compagnie.
- Tu le penses vraiment ?
Elle avait l'air si vulnérable, mais si pleine d'espoir. À ce moment-là, elle ressemblait à la petite fille qu'il avait tant adorée.
- Bien sûr. Soyons amis ?
- J’aimerais beaucoup.
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