chapitre 5
Nous nous étions installées dans la cour la plus basse, près de l'olivier sacré, à profiter de la nuit tout en discutant. Il faisait doux. J'ai appris à ce moment-là de nombreuses choses, que je révélerai en temps voulu, mais sachez qu'il y a une multitude d'univers, tous liés les uns aux autres par leurs puissances dites supérieures. Chez nous, les dieux Grecs de notre Antiquité sont maîtres. Chez d'autres, il y a Dieu, Allah, les dieux nordiques, etc. Tous ces mondes vivent dans une certaine harmonie et communique beaucoup entre eux. Il n'y a qu'une seule particularité : chez nous, les dieux sont Grecs et Romains, ils possèdent deux facettes intimement liés. Cette particularité leur confère beaucoup d'avantages, comme par exemple plus de puissance, mais également des désavantages : on peut plus facilement briser la mince membrane séparant notre univers des autres, ce qui explique pourquoi notre monde est scindé en plusieurs religions, au lieu d'être unifié comme c'est le cas généralement.
Ma mission consistait en voyager entre ces univers et à remettre de l'ordre lorsque l'équilibre Bien-Mal, pour faire simple, était compromis. De fait, si l'un des univers tombait, tous les autres étaient affectés. Malheureusement, je ne sus pas pourquoi moi seule devait prendre cette charge, alors qu'il y avait des gens beaucoup plus qualifiés, avec beaucoup plus d'expérience de vie dans chaque univers. Le silence d'Athéna m'avait mise mal à l'aise : déjà que je m'étais engagée sur un coup de tête, que je regrettais déjà, mais en plus j'ignorais encore tout de ce qui me paraissait le plus important.
Elle m'avoua ensuite que je n'aurais aucune aide divine dans aucun univers car il y a une loi "universelle", si je puis dire, qui régit tout : on n'interfère pas avec les mortels dont on a la charge.
Je n'avais pas compris à l'époque en quoi cela pourrait me porter préjudice, mais je l'avais mentalement noté au cas où. Heureusement.
- Pourquoi Arès m'a-t-il traitée de "gamine d'Athéna" ? demandai-je soudainement, sans faire de transition avec le reste de la conversation.
Athéna tressaillit et baissa les yeux, et je compris que le sujet était délicat.
- Tu connais la mythologie grecque, commença-t-elle lentement, tu sais donc que parfois les dieux et les humains peuvent avoir des enfants.
Je blêmis, considérant toute la portée de ces quelques mots : j'avais donc vécu toute ma vie dans le mensonge.
- Oh en t'en fais pas de ce côté-là, s'empressa de préciser la fille de Zeus, ayant deviné mon malaise. Contrairement à ce que vous pensez, on ne prend pas l'apparence de la compagne du mortel. Je n'ai pas non plus débarqué dans la vie de ton père pour repartir ensuite. Je ne sais pas pourquoi tout le monde pense ça. Peut-être est-ce parce que la possession est assez mal vue. Enfin quoi qu'il en soit, quand on... passe un moment avec un mortel, on le fait dans l'esprit de quelqu'un d'autre, comprends-tu ?
- Vous avez possédé le corps de ma mère pendant une nuit.
- Oui. Je sais, cela peut...
- Je me fiche des détails, j'ai compris, grommelai-je. Si j'ai une mère mortelle, alors quel est le lien avec vous ?
- Tu es de mon sang aussi. Tu es une demi-déesse. Quand tu mourras, tu me rejoindras dans le monde divin et là tu abandonneras ton côté mortel.
- D'accord, dis-je lentement, soulagée que ma maman l'était vraiment. Et ils le savent ?
- T'es parents ? Non. Personne ne le savait jusqu'à ce qu'Éris, la Discorde, s'en mêle et le dise à tout les dieux.
- Eh ben en tout cas elle ne vous aime pas, ironisai-je. Et c'est à cause de ça que je me retrouve dans cette histoire ?
La moue laconique d'Athéna était claire.
- Bien bien bien, dis-je en me frottant les mains. Je vais rentrer voir mes parents, en discuter avec eux et ensuite je vous dirai quoi.
Athéna parut surprise :
- Tu ne peux plus retourner dans le monde mortel maintenant.
- Pardon ?! Je crois que j'ai mal entendu : je ne peux pas retourner chez moi ? Et vous espérez que je vais suivre tout ce que vous me direz ? c'est qui qui a besoin de qui ici ? me hérissai-je. J'exige de rentrer chez moi tout de suite.
- Tu ne peux pas, fit la voix grave du dieu de la mer venant du magnifique porche des Caryatides.
Je passai outre le fait que Poséidon avait, de là où il était, probablement écouté toute la conversation et m'en pris à lui.
- Je me contrefiche de ce que vous pouvez penser, lançai-je, de fort mauvaise humeur. Et arrêtez de dire tout le temps "tu ne peux pas", ça ne me fera que faire cela précisément. Donnez moi au moins une bonne raison de ne pas retourner voir mes parents, de les rassurer et de discuter de tout cela avec eux ?
- Tu ne peux pas parce que maintenant que tu as atteint le monde céleste et que tu as accepté ta mission, tu n'as plus accès au monde des mortels. Tu devras d'abord accomplir tes missions. C'est la loi. Nous n'y pouvons rien.
Je restai bouche-bée, furieuse contre le dieu, mais surtout contre moi : comment avais-je pu me laisser entraîner là-dedans ?
- Qu'est-ce qu'on fait alors maintenant ? demandai-je d'une voix cassante.
- Tu t'entraînes, puis tu vas en mission.
- Mais avant vas te reposer, m'invita Athéna. Viens.
Je fis quelques pas, indécise, puis je soupirai : je n'avais pas vraiment le choix, alors à quoi bon rechigner ? Au plus vite j'aurais fait leurs missions, au plus vite je rentrerais chez moi .
Je soupirai une seconde fois et suivis la déesse.
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