chapitre 8

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Quand je rouvris les yeux, tout était noir. A vrai dire je sentais que j'avais les yeux ouverts car je ne voyais absolument rien, pas même une ombre ou un mouvement. Je fronçai les sourcils en me demandant ce qu'il se passait : étais-je morte ? Était-ce déjà la fin, avant même d'avoir commencé ? Cela ne ressemblait pourtant pas à ce que j'avais vu quand j'étais allée voir Hadès. Au contraire, là-bas, tout était beau et tranquille.

Je ne pu mener ma réflexion plus loin car je me sentis aspirée vers l'arrière. Je partis dans un tourbillon puissant, très lumineux, puis atterris sans douceur dans un buisson.

Je me relevai en grommelant, remarquant au passage mes habits : j'étais habillée à la mode moyenâgeuse avec une somptueuse robe vert émeraude au col rond et aux épaules en partie dénudées. Je me figeai, la main à quelques millimètres d'une brindille se trouvant sur ma hanche droite. Je venais de penser à quelque chose d'horrible. Horrible mais tellement réaliste que je retins même mon souffle.

En trébuchant, je montai sur le sentier que bordait mon buisson-tapis-d'atterrissage et je fis quelques pas chancelants. Je compris vite, aux traces récentes de chariots sur le sol, que je ne m'étais pas trompée.

J'étais en mission. Ma première mission venait de commencer.


Je m'écroulai sur le côté du sentier, les mains serrées contre moi, pleurant à chaudes larmes. Pourquoi m'étais-je engagée dans cette histoire ? Qu'avais-je fait ? Je savais maintenant à quel point j'avais été naïve : comment avais-je pu croire que je pouvais sauver des mondes alors que je ne savais même pas m'occuper de moi ? Comme d'habitude, j'avais sauté sur une occasion de faire quelque chose de nouveau, sans penser aux conséquences. Sauf que cette fois je n'avais personne pour m'aider. Je repensai alors aux paroles de Carole, une peste que j'avais connue à l'université et qui m'avait un jour balancé que je n'étais qu'une gosse pourrie gâtée qui comptait trop sur ses parents. Que je verrais, le jour où j'aurais vraiment des problèmes, que j'étais incapable de faire quoi que ce soit par moi-même. A l'époque, je l'avais envoyée balader : elle ne m'aimait pas, ce n'était que pure méchanceté. 

Aujourd’hui je mesurais l'étendue de ses paroles : avec une mère maire et un père cavalier professionnel de niveau international, je n'avais jamais eu à vraiment me battre pour obtenir quelque chose. Les seules difficultés rencontrées étaient scolaires : une mauvaise interrogation tout au plus. 

Je soupirai en me frottant les yeux. Il fallait que je me ressaisisse, j'avais autre chose à faire. Je relevai la tête mais ne pu me résourdre à me lever. J'étais déjà épuisée tant moralement que physiquement. Des milliers de questions me traversaient l'esprit :  comment avais-je atterris là ? Etais-je morte ou pas ? Pourquoi tout simplement m'être engagée avec des dieux ? Pourquoi m'avoir crue capable de tenir tête seule à Aphrodite ? Comment allais-je prendre contact avec les autochtones ? J'avais aussi atrocement mal à mon adducteur droit, ce tourbillon m'ayant malmenée comme une poupée de chiffon.

Je posai les mains sur le sol, devant moi et respirai profondément : les questions, ce serait pour plus tard. D'abord m'inventer une histoire plausible, puis trouver de l'aide et, enfin, voir comment rentrer chez moi. Tant pis pour leur mission. Je n'étais pas à la hauteur, comme l'avait dit Arès le tout premier jour.

Je me relevai, tout de suite plus confiante : je savais ce que j'avais à faire. J'allais trouver un seigneur de la région et lui demander de me renvoyer chez moi. Si la magie n'existait pas ici non plus, j'allais alors m'adresser aux dieux de cet univers. Après tout, qui dirait non à chasser un intrus ?

Je venais de me mettre en route, lorsque j'entendis un bruit de sabots derrière moi. Je contrai mon instinct qui me criait de me jeter dans les buissons et de me cacher et fis face à l'inconnu. 

C'était un soldat, d'assez haut rang au vu de la richesse apparente de sa cuirasse et de son coursier. Un anglo-arabe, aux environs de quatre ans, à première vue.  L'homme, dans la trentaine, s'approcha de moi en ralentissant. Il me détailla de la tête au pied sans aucune gène, ce qui m'agaça. Me rappelant que moi aussi je devais avoir l'air riche, je croisai les bras d'un air hautain.


- Que fait une jeune demoiselle dehors à une telle heure ? demanda-t-il d'un ton sec. Vous devriez être auprès de votre père ou de votre mari. 


Je serrai les mâchoires. Cela commençait à merveille : un macho.


- Eh bien, soldat, je me suis perdue. Mon cheval s'est enfui par là-bas, dis-je en désignant une direction au hasard. J'essaie donc de rentrer dans mon château.


Je l'avais bien vu se raidir lorsque j'avais insisté sur sa condition de soldat mais il n'avait pas bronché. Je devais avoir l'air plus confiante que je ne l'étais vraiment. 

Encore une fois, j'avais tort : 


- Par là-bas, il y a un à-pic à moins d'une lieue et une haquenée d'une noble demoiselle ne partirait pas toute seule, elles sont bien dressées. De plus, vous n'êtes pas du coin, sinon je vous reconnaîtrait, dit-il, d'un ton amusé -ce qui m'agaça prodigieusement-. Enchanté, continua-t-il en levant son chapeau, Seigneur Idris de Montfaucon, autrement dit propriétaire légitime de toutes les terres qui vous entourent à 200 lieues à la ronde.


Je déglutis et rougis : complètement à côté de la plaque la pauvre fille. 

Je fis une légère révérence:


- Excusez ma maladresse, Monseigneur, mais en effet, je ne suis pas d'ici. Il n'empêche que je suis quand même perdue. 


Idris haussa les sourcils devant tant d'audace, ce que je me reprochai aussitôt.


- Peut-être voudriez-vous vous reposer avant de reprendre la route ? J'ai mon château à quelques milles d'ici. 


- Ce serait avec plaisir, Monseigneur. Je vous en remercie de tout cœur. 


- Ne me remerciez pas, les écuries de sont pas si confortables qu'elles en ont l'air, lança-t-il nonchalamment.


Je du avoir l'air drôlement surprise car il éclata de rire. Je pinçai des lèvres, encore un peu plus vexée. 


- Savez-vous monter en croupe ? demanda-t-il, toujours hilare.


- Bien sûr, dis-je en remontant le menton, je suis une excellente cavalière.


- Très bien, répondit-il en me tendant la main, pas impressionné pour un sous, venez alors.

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