Chapitre 1: Un amour d'elfe

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Il était une fois, durant la période médiévale, un magnifique royaume elfique nommé Alfheim. Le peuple des elfes était dirigé par un grand et puissant elfe : le seigneur Galduil de la maison Elidrak. Ce majestueux royaume était bordé par une forêt profonde et mystique connue sous le nom de bois elfique. Proche de ce bois se trouvaient deux royaumes peuplés par des humains : le royaume de Fédolion et celui de Clivaros. Ces trois royaumes avaient un blason pour les représenter. Alfheim avait un blason vert avec un arc, une épée et deux symboles elfiques en diagonale. L'emblème de Fédolion était rouge et blanc, un puissant lion d'or en son centre. Celui de Clivaros était bleu et argenté avec une grosse couronne dorée.

Dans le royaume d'Alfheim, dans une petite province verdoyante nommée Valquiche connue auparavant pour ses plantations de qualité mais dont le rendement depuis un moment était faible et peu de fruits arrivaient à maturité, Là demeurait un très jeune elfe nommé Daren Baradras. Il vivait avec ses parents dans une agréable maison sculptée et ornée de motifs elfiques verts et de vitraux décorés avec soin par des arbres et des fleurs. Au-dessus de la porte, se trouvaient les armoiries de la maison Baradras, dont le symbole était une fleur verte. Le jeune elfe était un enfant à la peau pâle, aux yeux de couleur ambre. Ses cheveux verts au carré laissaient entrevoir ses longues oreilles pointues. Il affichait souvent un sourire malicieux qui illuminait son visage. Durant son temps libre, Daren s'amusait avec une elfette du même âge que lui, nommée Solène de la maison Celeborn, au visage rayonnant comme un soleil, avec des cheveux qui étaient de la même couleur que le blé. Daren la considérait comme une sœur avec qui partager ses jeux et ses confidences. Les deux elfes allaient régulièrement dans le bois elfique, soit pour jouer, soit pour s'entraîner au tir à l'arc.

Un soir, la famille Baradras but un bouillon aux noisettes dans des bols en terre blanche en forme de fleurs autour d’une table raffinée. Près des bols se trouvaient des cuillers argentées dont le manche était en forme de branches entortillées. La mère de Daren se nommait Dame Elora. C’était une grande dame elfe aux longs cheveux verts vêtue d’une robe longue aux motifs floraux. Le père de Daren, nommé messire Erval, avait ses cheveux bruns en natte, et portait de somptueux vêtements brodés avec une épée à la ceinture. La mère de famille s'adressa à son fils : « Lorsque tu seras plus grand, il faudra que tu te trouves une bonne épouse afin de donner naissance à un héritier qui assurera la continuité de la lignée des elfes. Je pense que Solène et toi feriez un couplé tout à fait présentable.

— Désolé mère, mais je ne l'aime pas davantage qu'une sœur. Je pense qu'il y a mieux quelque part...

— Oui c'est possible. Tu sais, au temps où j'ai rencontré ta mère, nous étions issus de deux peuples d'elfes en conflit sous le règne de Systénin le Sanguinaire, le grand frère de notre bon seigneur Galduil. Il était à deux doigts de me pendre. Heureusement que Galduil lui a fait entendre raison et c'est comme ça que j'ai pu épouser ta mère. Explique le père de Daren.

— Père ! Pourquoi n'est-ce plus Systénin qui règne sur nos terres? demanda le jeune garçon.

— On raconte qu'il est mort en voulant conquérir un royaume. Pendant sa dernière bataille, alors que le tonnerre grondait, et qu'il était proche de vaincre, ce tyran riait comme un démon sous le toit d'un temple que la foudre frappa. Sous le choc, un gros morceau du toit s'est écroulé et a cogné le crâne de Systénin. Certains ont évidemment considéré cela comme une punition divine. » expliqua son père.

Après avoir fini de boire sa soupe, Daren quitta la table pour aller dormir dans sa chambre à coucher tandis qu’une servante débarrassait la table.

Au royaume de Fédolion, derrière plusieurs rues et fermes protégées par une grande muraille de pierres dont l'entrée exhibait fièrement aux yeux de tous l'emblème du royaume, se dressait un puissant château-fort édifié en pierres brunes, venant de la carrière proche, propriété du monarque. Dans cette forteresse, régnaient le roi Marius V, la reine Ysolda et leur fille qu'ils chérissaient plus que tout au monde, la jeune princesse Mélissandre. Ses longs cheveux bruns légèrement roux encadraient son visage aux doux yeux couleur de châtaigne.

Un matin, alors que la princesse s'ennuyait, comme si souvent au château, elle osa sortir à l’insu des autres, et franchit la muraille du royaume, discrètement, vêtue d'une simple robe, avec l'intention de se promener dans le bois elfique. Elle tenait fermement un panier d'osier. Sur le chemin, une paysanne la salua : « Bonjour votre majesté !

— Je vous salue.

— C'est curieux qu'une princesse comme vous s'aventure hors de son royaume sans gardes du corps. La vie au château ne vous plaît-elle pas ?

— Cette forêt est si belle et pleine de magie. Pour moi, elle a plus de valeur que tous les trésors d'un royaume.

— Si vous vous y aventurez, faîtes attention aux elfes ! Ils se mettent rapidement dans une colère noire, si l'on abîme leur forêt. »

En entendant cela, la princesse eut encore plus envie de s’aventurer dans la forêt, souhaitant de toutes ses forces rencontrer un elfe !

***

Au même moment, Daren, équipé de son arc, quelques flèches acérées et d'une petite cape verte à capuche, entra dans le bois elfique, afin s'entraîner tranquillement, croyait-il. Sur un chemin opposé, il aperçut la princesse Mélissandre cueillant des fleurs sur un buisson. L'elfe fronça légèrement les sourcils, mais lorsque la princesse leva la tête, l'elfe fut intrigué par ce visage doux et innocent, auquel il manquait juste les oreilles pointues pour être parfait, puis essaya de l'approcher discrètement en se cachant dans les branches des arbres. En voyant celles-ci bouger de manière inhabituelle, la princesse ne s'en laissa pas conter, pris son courage à deux mains et demanda : « Qui est là ? » Mais aucune voix ne répondit, à part le chant des oiseaux et la brise qui secouait doucement les branches. Mélissandre se dit alors : « Il s'agit probablement d'un petit écureuil. » Au moment où elle était sur le point de ramasser des noisettes qui jonchaient le sol, Daren descendit brusquement de l'arbre et atterrit devant Mélissandre qui tomba en arrière, sur son royal séant, surprise par cette soudaine apparition. L'elfe la taquina en riant : T’ai-je fait peur ?

— Es-tu un elfe ? On m'a dit que des elfes se trouvent dans cette forêt, demanda timidement (et un tantinet vexée !) Mélissandre en regardant les oreilles de l'elfe.

— Exactement, je suis un elfe et je me nomme Daren de la maison Baradras. Mon peuple garde cette forêt. En revanche, toi tu n'es pas une elfette, c'est certain.

— Je suis la princesse Mélissandre du royaume de Fédolion. Je suis une humaine, se présenta la princesse.

Daren répondit, intrigué : « C'est bizarre... Tu parais différente par rapport à ces brutes qui détruisent lentement mais sûrement notre forêt, tout ça pour y construire leurs immondes habitations. A cause de cela, certaines plantes comestibles se font rares désormais, et nous luttons contre la famine. De plus, les plantations de ma province ne donnent presque rien. Le seigneur Galduil est sûrement en querelle contre les humains. Si mes congénères apprennent qu'une humaine s'aventure ici, ils pourraient fort mal le prendre. Mais je ferai comme s'il ne s'était rien passé. Veux-tu que je te fasse visiter la forêt ?

— Avec joie ! » Répondit la jeune fille d'un air amusé.

En saisissant la main de la princesse, l'elfe sentit son cœur s'affoler. Sur un chemin bordé de hauts arbres aux feuilles bien vertes, Daren expliqua: « Ici, les arbres sont sacrés. Pour récolter de la nourriture ou du bois, nous devons faire une prière à Dhanir, le dieu et gardien de la forêt pour le remercier après chaque cueillette.

— C'est très intéressant ! Comment fais-tu ? » Demanda la princesse. L'elfe cueillit quelques baies d'un arbre et les mit dans le panier de Mélissandre. Puis il caressa l'une des racines de l'arbre couvertes de mousse en fredonnant une prière dans un vieux dialecte oublié par beaucoup: «Beleg a man aen Dhanir, hir o i glad! Hannad cin an hi ant! » Ce qui voulait dire « Grand et bon dieu Dhanir, seigneur des forêts! Je vous remercie pour ce don! »

L'elfe se releva puis allait continuer la promenade avec la princesse, quand tout à coup, Solène les rejoignit et demanda : « Daren ! Qui est cette fille ?

— Je me suis fait une nouvelle amie. Elle n'a rien fait de mal ici.

— Les humains n’ont pas le droit d’entrer dans cette forêt !

— Allons, cette fille est jeune et innocente, tu le vois bien! Je veux qu’elle reste !» supplia Daren.

L'elfette plissa les yeux, hésita pendant quelques instants mais en voyant le regard triste de Daren, elle se résigna à sympathiser avec elle et s'excusa : « Pardon ! Je m'appelle Solène.

— Enchantée ! Je suis la princesse Mélissandre. »

Ensuite les trois enfants s'amusèrent pendant longtemps, mais en voyant le soleil qui commençait à disparaître au loin, annonçant l'arrivée de la nuit, Solène dit à Mélissandre : « Il commence à se faire tard. Princesse, vous devriez rentrer chez vous.

— Ah oui ! Merci, Solène. Je ne m'étais pas rendue compte du temps écoulé !

— Je l'accompagnerai. Elle pourrait se perdre, ajouta Daren en couvrant sa tête avec sa capuche.

— Très bien ! Dépêche-toi et sois prudent Daren ! » S’inquiéta Solène.

Les deux compagnons quittèrent la forêt et franchirent la muraille de Fédolion. Ils traversèrent les rues sales et malodorantes dans lesquelles les marchands braillaient pour vendre leurs produits, les forgerons fabriquaient des armes ou des écus, les potiers créaient de leurs habiles mains des pots en terre plus ou moins grands... Mélissandre dit : « Ceci est mon royaume. Mon château se trouve au fond de la ville.

— Ce n'est pas très beau...En plus, ça puire ! Répondit l'elfe en voyant des villageois jeter des légumes moisis et autres déchets nauséabonds par les fenêtres. A cause de l'odeur de moisissure et de purin qui traversait les rues, Daren se boucha les narines, un peu dégoûté.

— Ce n'est pas gentil de dire ça ! » Gronda Mélissandre.

Après avoir traversé de nombreuses rues désormais dans la pénombre, le château fort se dressait enfin devant eux. La princesse pointa du doigt une haute tour qui se situait au fond du château : « Ceci est ma demeure et ma chambre se trouve dans cette tour au cas où tu souhaiterais me rendre visite !

— Merci ! A très bientôt, princesse ! » Salua l'elfe.

Avant de rentrer chez lui, Daren se plaça derrière la tour de la princesse pour y semer les graines des plantes grimpantes et put accélérer leur croissance de façon expresse, grâce à un liquide magique qu'il avait sur lui dans une fiole. Soudain, d'épaisses branches feuillues et fleuries grimpèrent jusqu'à la fenêtre de la princesse. L'elfe décida alors de rentrer à Alfheim tout en pensant à Mélissandre. Lorsqu'il fut arrivé à Alfheim, Solène lui parla assez froidement : « Eh bien ! Tu en as mis du temps !

— Pardon de t'avoir fait attendre, Solène, s'excusa Daren, surtout afin d'éviter tout conflit inutile, en réalité…

— Oublions ça. C'est vrai que cette princesse paraissait une bonne amie. Mais avec ce qui se passe, je me méfie. Tu as pris de gros risques en t'aventurant chez les humains. » Remarqua Solène, sur un ton un peu froid.

En allant se coucher, Daren ne songeait plus qu'à la princesse, et se dit qu'il allait lui rendre visite dès le lendemain, après le déjeuner.

***

Au château de Fédolion, la princesse déjeunait avec sa famille dans des couverts en cuivre, lorsque le roi demanda à sa fille : « Que faisais-tu hier? Tu n'étais pas au château pendant tout l'après-midi.

— Je me promenais ! J'étais dans les bois et ai cueilli des baies et des noisettes. Elles sont excellentes, raconta la princesse en cachant prudemment sa rencontre avec les elfes.

— Une princesse ne devrait pas faire ce genre de choses. Ce sont les paysans qui font la cueillette, dit la reine. C’est une tâche réservée aux serfs, et c’est très bien ainsi,

— Je me lasse de ce château et de voir chaque jour le même décor, les mêmes assiettes remplies des mêmes denrées. J'aimerais découvrir d'autres endroits ! » Expliqua Mélissandre.

Le souverain hésita un instant, mais ne souhaitant que le bonheur de sa fille, il répondit sur un ton affectueux : « Très bien ! Tant que tu es une enfant, tu peux te promener ! Mais tu prendras un cor avec toi au cas où tu tomberais sur des ennemis.

— Père ! Merci ! » S’écria la princesse tandis que la reine haussait les sourcils, furieuse que son royal époux cède à sa fille, comme d’habitude...

Après le déjeuner, la princesse monta dans sa chambre. Elle aperçut soudain Daren, assis sur le rebord de la fenêtre. Mélissandre s'écria : « Que fais-tu là, Daren ? Et comment es-tu arrivé jusqu'ici sans te faire prendre ?

— J'ai escaladé une plante grimpante qui se trouve en bas de ta fenêtre. Je voulais prendre de tes nouvelles. »

La princesse fit entrer l'elfe dans sa chambre vit qu’il était en train de manipuler une boîte remplie de pierres précieuses. La jeune fille lui demanda : « Ces pierres t'intéressent-elles ?

— Pas tout à fait, mais ce genre de chose intéresse le seigneur Galduil, le roi des elfes. Cet elfe est aussi un grand magicien.

— Ton peuple me fascine de plus en plus ! Mais tu as pris bien des risques en venant ici. Mon père est très protecteur et ne veut pas d'intrus dans son château. Les elfes sont perçus comme des ennemis.

— C'est compliqué... se désola Daren.

— Ne fais pas cette tête-là petit elfe ! Chaque jour, je déposerais une de mes pierres au bord de ma fenêtre pour ton roi. » Le consola la princesse en remettant une pierre bleue dans le creux de la main de l'elfe.

Soudain, il leur sembla entendre des voix se rapprocher dans le couloir proche de la chambre de la princesse ; le roi et un homme de la cour parlaient de diplomatie. Mélissandre chuchota : « Vite Daren ! Pars ! Mon père arrive ! » Et l'elfe sortit aussitôt par la fenêtre et descendit de la tour grâce à la plante grimpante.

En rentrant à Alfheim, le petit elfe entra dans la forteresse du seigneur Galduil. Le palais était blanc avec plusieurs colonnes en forme de branches dont l'entrée était sculptée de motifs elfiques bleus. En entrant dans la salle du trône, il trouva le seigneur Galduil, pensif. C'était un grand elfe avec de longs cheveux noirs coiffé d'un diadème argenté orné d'une pierre bleue lumineuse. Ses yeux étaient bleu océan et son visage inspirait le respect et la sagesse. Il était vêtu d'une longue robe bleue brodée de motifs argentés. Il demanda d’une voix calme : « Que veux-tu, mon garçon?

— Votre majesté ! J'ai trouvé ceci pour vous ! répondit Daren qui plia le genou en présentant la pierre que la princesse lui avait donnée.

— Un saphir... plusieurs pierres comme celle-ci servent à recharger les sorts d’une baguette magique elfique. Je t'en remercie, mon garçon. » Répondit Galduil avec bienveillance, en posant sa main sur la tête du jeune elfe.

Daren sentit une connexion avec le roi des elfes. Galduil lit dans les pensées du jeune elfe : « C'est très intéressant...Tu aimes une humaine...C'est vrai qu'elle n'est pas comme ses semblables. C'est donc elle qui t'a donné cette pierre... Mais cette histoire risque d'être compliquée, sachant que je ne suis pas en très bon termes avec son père. Je crains qu'il ne rase une autre partie de notre forêt. Mon petit Daren, je te conseille donc d'être prudent ! Cet amour peut causer bien des conflits, des souffrances autres trahisons ! » Puis, Galduil laissa Daren quitter son château avec un air inquiet.

Les jours suivants, Daren alla voir la princesse, que ce soit chez elle ou dans la forêt, et rapportait ensuite une pierre précieuse à Galduil.

Quelques années plus tard, de l’eau avait coulé sous les ponts. Daren était devenu un magnifique guerrier elfe : ses cheveux étaient devenus mi- longs, il était vêtu d'une chemise verte sous une veste brune et une cape verte avec des parures en forme de feuilles ornait ses épaules. Il possédait un arc vert et doré et à sa ceinture, une épée elfique très légère y était accrochée. Solène le trouvait tellement beau qu'elle en était tombée amoureuse en lui promettant de le protéger quoi qu'il arrive.

Quant à Mélissandre, elle était à présent devenue une magnifique jeune femme, au point que le roi la protégeait de plus en plus, en lui interdisant de sortir seule du château.

Un jour, au château de Fédolion, Daren observait, à l’abri des regards, la princesse qui était aux côtés du roi et de la reine ainsi que d'un chevalier. L'homme en armure dit au roi : « Sire, en ce moment nous avons affaire à une autre menace. Dans des temps fort proches, le terrible roi Gruzub, un sorcier aux pouvoirs démoniaques compte semer la destruction dans notre royaume.

— Ceci est très problématique. Sachant que de l'autre côté, les elfes paraissent menaçants, et notre royaume s'appauvrit, réfléchit le roi.

— Je pense qu'une éventuelle alliance avec le roi Gavin IV de Clivaros, pourrait permettre de renforcer notre défense et d'augmenter nos ressources pour nourrir le royaume, suggéra le chevalier.

— Comment va-t-on s'y prendre ? demanda le roi.

— Avec le mariage entre votre fille et le jeune fils de Gavin IV, cela pourrait unir vos deux royaumes, répondit le chevalier.

— Ce serait en fait une excellente solution, répondit la reine avec enthousiasme.

— Quoi ?! s'écria la princesse.

— Je ne veux pas perdre ma petite fille, même pour l’intérêt du royaume! Elle ne se mariera point contre son gré! hurla le roi.

— Si nous ne le faisons pas, le royaume mourra! rétorqua la reine. Et peut-être… nous aussi.

— Très bien, mais ce ne seront que des fiançailles. Si ma fille n'est pas heureuse avec lui, le mariage n'aura pas lieu. Je parie que Jocelyn est un bellâtre qui va mettre ma petite Mélissandre sous son emprise! » Protesta le roi.

En voyant la scène, l'elfe eut un mauvais pressentiment et pensa : « Oh non ! Si ce mariage a lieu, je risque de perdre Mélissandre ! » Puis il rentra chez lui, soucieux. Il partagea ses inquiétudes à Solène : « La reine veut pousser le roi à accepter un mariage entre Mélissandre et le prince de Clivaros ! C'est mauvais !

— C'est une princesse ! Ce n'est pas si grave ! Au moins, je suis là ! Dit doucement Solène.

— Ce qui est grave, c'est l'union de deux royaumes humains et notre peuple craint le pire. S'ils s'unissent, une partie de la forêt risque fort d'être détruite. Donc, il faut que je surveille la princesse pour savoir ce qu'ils mijotent. »

Quelques jours plus tard, la famille royale de Fédolion reçut celle de Clivaros. Le roi les salua : « Roi Gavin, reine Gisèle et prince Jocelin, je vous salue.

— Bonjour, votre majesté. » Répondit la famille de Fédolion, en chœur.

La princesse regarda le prince. C'était un jeune homme aux yeux bruns. Ses cheveux étaient courts et ondulés et portait des vêtements bleus et dorés ainsi que de longues bottes brunes. Il avait une légère pilosité faciale.

La princesse lui trouvait un certain charme, alors que le prince, lui, était un peu distant.

La reine Gisèle fronça les sourcils : « J'espère que Mélissandre est assez bien éduquée pour mériter mon fils.

— Ne vous en faîtes pas, mère ! Elle fera certainement une excellente épouse, dit Jocelin.

— Si elle n'est pas à la hauteur de ce qu'on attend d'elle, je ferais en sorte qu'elle le soit. » Répondit la reine de Clivaros, à la limite du mépris.

Jocelin et Mélissandre décidèrent d’aller se promener dans le jardin du château, afin d’y faire plus ample connaissance. Jocelin commença : « Je suis le prince Jocelin du royaume de Clivaros. Je suis un excellent guerrier car mes parents m'avaient envoyé le meilleur entraîneur du royaume. J'ai donc appris à me battre avec une lourde épée et toutes sortes d’armes. J’ai aussi traversé des endroits plein de brigands, de ruelles mal famées en campagnes boueuses.

— Je suis la princesse Mélissandre de Fédolion. Ma mère m'a donné l'éducation adéquate pour être une bonne épouse, mais je préfère me promener dans la nature. La vie au château m'ennuie... »

Daren qui espionnait le jeune couple derrière un arbre maugréa : « Pousse-toi de là, faraud1! L'un de nous deux est de trop ! »

Le roi de Clivaros accompagné du chevalier qui ne le quittait jamais arriva au jardin et s'adressa à son fils : « Mon fils ! Il est temps de montrer tes talents de guerrier à cette noble dame. Voici ton partenaire. C'est un des meilleurs chevaliers de Fédolion.

— Oui, père... » Répondit Jocelin en saisissant la poignée de son épée.

Puis, Jocelin salua le chevalier, avant de commencer un échange à coups d'épées avec lui. Mélissandre admira la façon dont Jocelin se battait. Lui qui avait l'air si timide en présence de ses parents paraissait devenu courageux et débordant d'assurance au combat. Il se défendait comme un lion et mit son adversaire au sol en le pointant avec son épée en criant : « Et voilà ! »

Après ce spectacle, Mélissandre applaudit : « Bravo Jocelin ! Tu t'es bien battu ! Mais c'est inutile de crier en combat...

— Comme le disait mon entraîneur, quand on se bat contre un ennemi, il faut lui apprendre le respect !

— Quel caractère ! » Commenta Mélissandre.

Le prince rangea son épée dans son fourreau et accompagna la princesse à l'intérieur du château pour le dîner. Sur la table, la graisse des volailles grillées au feu de bois dégoulinait sur les chairs brunies trempant dans une multitude de plats. Pour accompagner ce festin, un barde jouait du luth et chantait. En voyant tout cela, le roi de Clivaros s'exclama, enthousiaste : « Ce festin a l'air exquis ! Je tiens à féliciter le cuisinier ! » Puis un serviteur du château arriva à la table avec un pichet et proposa au roi et au prince : « Messires ! Voulez-vous un peu d’hydromel ?

— Volontiers ! répondirent les deux souverains, en tendant leurs coupes aussi dorées que vides.

— Je n'en veux point beaucoup. » Répondit le prince, sa coupe à la main. La tête me tourne, lorsque j’abuse du raisin fermenté !

Le domestique remplit les coupes des deux rois à ras bord, et obéit en ne remplissant la coupe du prince qu’à moitié. Pendant que les rois et le prince trinquaient à la future l'union des deux royaumes, la princesse mangeait un morceau de viande dans son assiette sous le regard sévère de la reine Gisèle. Sa bouche aux lèvres fines lâcha sèchement : « Mélissandre ! En tant que dame de la cour, apprenez à manger proprement, que diable!

— Oui, dame Gisèle. Répondit Mélissandre, la bouche emplie de volaille.

— Et on ne parle pas la bouche pleine ! »

Par une petite fenêtre du château, Daren voyait ce que Mélissandre endurait et eut pitié d'elle : « La vie au château parait mille fois plus désagréable que chez nous, les elfes ! Pauvre princesse ! »

Le prince, à force d'entendre sa mère aboyer sur la princesse, décida de la défendre, sachant comment cela allait se terminer. Il se leva et cria : « Mère ! Laissez Mélissandre tranquille, nom de Dieu ! » Tout le monde se tut. Mélissandre s'étonna du courage dont faisait preuve le jeune homme pour la défendre, tandis que les rois et les reines écarquillaient les yeux vis-à-vis de l'attitude irrévérencieuse de Jocelin. Conséquence, le repas se termina dans un silence de plomb.

Après le repas, la princesse quitta les convives, monta vers sa chambre et mis sa robe de nuit après avoir pris son bain. Alors qu'elle s'apprêtait à dormir, Daren entra par la fenêtre de sa chambre. Mélissandre aperçut l'elfe et lui demanda : « Que fais-tu là ?

— Tu n'as pas parlé de nous deux à ton petit prince ? Si je ne te connaissais pas aussi bien, je penserais que tu le préfères à moi. Après tout, je suis bien mieux que lui. Au fond de toi, tu sais que chez les elfes la vie serait meilleure qu’ici ! Alfheim est le seul endroit dans lequel tu seras libre et nous serons tous les deux ensemble et heureux. Allons le lui dire ! suggéra Daren en saisissant le menton de Mélissandre avec douceur.

Étrangement, la jeune fille ne réagit pas comme il l’attendait.

— Daren ! Tu ne devrais pas être là ! C'est dangereux ! Si mon père apprend qu'il y a un elfe au château, tu risques de te faire emprisonner, ou tuer ! Il y a plein de lois ici contre les elfes ! répondit la jeune femme en reculant.

— Quel dommage ! Ces leçons de bonnes manières au château t'ont bien changée. Nous nous reverrons un peu plus tard ! Salua l'elfe en sortant par la fenêtre de la chambre.

— C'est ça, laisse-moi dormir ! » Répondit la princesse en éteignant sa chandelle.

La princesse posa sa tête sur son oreiller rempli de plumes d’oies, et se couvrit avec le gros édredon rouge orné des éternels motifs dorés. Pendant ce temps, le prince allait se coucher dans une chambre voisine, mais avant, il entrouvrit doucement la porte de la chambre de la princesse. Il l'aperçut, les yeux fermés et chuchota : « Tout va bien. Elle dort comme un ange. », Puis ferma la porte avant d'aller dormir à son tour.

Le lendemain, le prince et son père se tenaient aux côtés du roi Marius V et de son épouse. Le roi de Fédolion recevait la visite d'un chevalier qui vociférait en postillonnant : « Sire ! J'ai mis la main sur un maraud que je soupçonne de s'être allié avec les elfes et je n'arrive point à le faire parler.

— On dirait que c’est la dissidence ! s’exclama Jocelin, un petit sourire moqueur éclairant son visage.

— Eh bien, il va falloir utiliser les grands moyens. Sir Gavin, Prince Jocelin, suivez-moi. »

Après avoir descendu de nombreuses marches, le roi et son épouse, suivis du prince Jocelin et de son père entrèrent dans une salle où régnait une inquiétante pénombre. Des instruments de torture couvraient quasiment les murs. Le prince dit : « Je ne pense pas que la torture soit une bonne solution.

— Pourtant, ce ne sont pas les solutions qui manquent pour faire parler un traître, ici ! affirma la reine, toujours aussi rude.

— Lorsque je serai roi, il n'y aura plus de torture pour des sottises comme celles-ci, dit Jocelin.

— Donc, si un judas cavale dans ton royaume, vous le laissez tranquille, conclut le roi Gavin IV.

— C'est juste que ne vois pas l'intérêt d'utiliser de telles pratiques extrêmes, sur un maraud qui veut simplement être ami avec les elfes, argumenta Jocelin.

— Vous savez, ici, nous arrivons à faire parler les criminels rien qu'en leur montrant les machines de tortures. Si les criminels ne parlent pas, c'est la boucherie. » Expliqua le roi de Fédolion.

Puis, l’homme qui officiait aux tortures intervint : « Sire ! Quel bon vent vous amène ici ?

— Je vous suggère de faire une visite guidée pour expliquer le fonctionnement de vos outils et machines. »

Le tortionnaire en chef montra d'abord avec zèle un appareil qui servait à transpercer le pied de quelqu'un avec une aisance déconcertante. La reine se sentit mal à l'aise, tandis que Jocelin se demandait qui pouvait bien inventer des trucs pareils. Le roi de Clivaros demanda : « Avez-vous une méthode plus spectaculaire ? » Le préposé aux horreurs montra une énorme croix en X avec des sangles et un couteau et expliqua : « Cet appareil est réservé aux pires criminels. Pour les faire parler, on leur coupe des membres un à un avec ce couteau. Efficace !

— J'ai envie de vomir devant tant de barbarie... » Dit la reine Ysolda.

En voyant le malaise de sa femme, le roi de Fédolion fit abréger la visite, et tout le monde rentra dans les appartements royaux. Le prince avait emporté une petite cage avec un rat empaillé à l'intérieur et alla voir la princesse pour la taquiner un peu. Mélissandre demanda : « Qu'est-ce que c'est que ça ?

— Vous mettez cette aiguille dans un orifice. expliqua Jocelin.

Un orifice ? demanda Mélissandre, aussi intriguée que choquée.

— Oui. Vous prenez l'aiguille et vous piquez le rat par derrière. Bon, ceci est un rat empaillé mais c'est pour vous montrer. Le rat sort de la cage par le trou qui est devant et dévore tout. » Expliqua Jocelin avec un air taquin, tandis que la princesse était dégoûtée, ce qui fit rire le prince. Mais Jocelin, en s'apercevant du malaise de la jeune femme décida de la rassurer : « Pardon ! Je vous taquine ! Bien, allons-nous promener dehors pour se changer les idées et se détendre...

— Je préfère ça. Votre farce n'était pas drôle du tout. » Répondit Mélissandre d'un air fâché. Et elle n’en avait pas que l’air.

Le prince déposa la cage sur une table, et décida de sortir du château avec la princesse, équipé d'un bouclier et de son épée.

Pendant ce temps, Daren racontait à Solène ce qu'il avait vu : « J'ai vu Mélissandre dans les bras d'un autre ! Ceci est la pire souffrance que j'ai pu ressentir.

— Je comprends. Mélissandre est la cause de ta douleur. C'est dommage. Nous avons joué ensemble, mais cette fois-ci c'est terminé.

— Ils vont probablement visiter notre précieuse forêt.

— Si c'est le cas, nous les accueillerons comme il se doit. » Dit Solène en préparant son arc et ses flèches.

Puis, les deux elfes montèrent à deux sur un cheval blanc pour se rendre au bord de la forêt. Près d'un ruisseau non loin de l'entrée de la forêt, Solène ordonna à sa monture de s'arrêter et l'attacha près de l'eau afin qu'elle puisse boire. Daren interrogea son amie : « Pourquoi attacher ton destrier loin du lieu du rendez-vous ?

— Si nous nous battons, il faut éviter qu'il soit blessé.

— Je comprends.

— Maintenant, cachons-nous dans les arbres et nous attaquerons au moment opportun. » Décida Solène, prête à en découdre.

Les elfes décidèrent de se cacher dans les arbres et s'assirent côte à côte sur une branche de chêne bien solide. Solène demanda à Daren : « Pourquoi ne te caches-tu pas dans un autre arbre ?

— Je ne veux pas que tu blesses Mélissandre. C'est son amant qu'il faut viser.

— Toi alors ! » Râla Solène. Les hommes...

A l'entrée de la forêt, la princesse Mélissandre et le prince Jocelin discutaient. La jeune femme dit : « Cette forêt me rappelle mon enfance ! J'y ai joué avec des elfes.

— J'ai lu beaucoup de livres sur les elfes. Et je connais cette forêt. C'est étrange que vous ayez pu sympathiser avec les elfes. Ils auraient pu vous tuer. Étrange race.

— Ils paraissaient tout à fait fréquentables, gentils et semblaient avoir le même âge que moi.

— Pourtant, ce sont bien des elfes qui ont tué mon oncle, ma tante et mes cousins, dit tristement le prince Jocelin.

— Expliquez-vous ?

— J'avais 8 ans lorsque ce malheur est arrivé. Mes parents et moi voulions rendre visite à mon oncle ainsi qu’à sa famille, quand tout à coup, nous vîmes leur château qui flambait, et dans le ciel, il y avait deux elfes, à califourchon sur le dos d'un dragon. Depuis ce jour, mes parents ont voulu que j'apprenne à guerroyer pour protéger les innocents si cela se reproduit. Mais je veux aussi mettre un terme à cette querelle car il y a des fautifs dans les deux camps. Nous avons exploité cette forêt qui est comme un temple pour les elfes. Et de leur côté, ils suppriment des personnes qui ne leur ont rien fait. » Expliqua Jocelin, mélancolique.

Soudain, une voix féminine se fit entendre du haut des arbres : « Que c'est émouvant, de la part de deux personnes qui ont fait souffrir un elfe ! » Alors une flèche surgie des feuilles du chêne fonça en direction de la princesse. Jocelin eut le réflexe de la protéger avec son bouclier. Les deux elfes descendirent de l'arbre. Mélissandre s'écria : « Daren et Solène ? Pourquoi agissez-vous de la sorte ? Nous étions amis lors de notre enfance ! Solène ! Toi qui fus si gentille, pourquoi as-tu autant changé ?

— Mon Daren ne supporte pas de te voir dans les bras d'un autre. Ta traîtrise a mis un terme à notre amitié. Par le fait, tu ne mérites pas l'amour que Daren éprouve à ton égard. » Répondit Solène en visant Mélissandre avec son arc.

Au moment où l'elfe décocha une nouvelle flèche, Daren en tira également une, mais pour protéger Mélissandre. Solène s'énerva : « Daren ! Ce n'était pas ça, le plan !

— Occupons-nous du prince en premier, suggéra Daren.

— Comme tu veux. » Répondit Solène.

Les deux elfes se positionnèrent devant le jeune prince qui sortit son épée, et donna son bouclier à la princesse afin qu'elle se protège au mieux. Jocelin s'adressa aux elfes : « Que voulez-vous ? Laissez cette demoiselle tranquille !

— Si tu veux une demoiselle, va-t'en trouver une autre ! Mélissandre est à moi ! s'écria Daren, furieux. Et jaloux.

— Cette querelle n'a aucun sens ! Personne ne mourra ! Je connais la cause de votre haine envers les humains ! J'ai lu des tas d'ouvrages sur vous et je mettrais un terme à votre colère, lança Jocelin, un tantinet présomptueux.

— Je vois ! Tu as charmé Mélissandre en faisant le cuistre . C'est ridicule ! J'en sais tellement plus que toi sur notre peuple. Et puis Mélissandre serait plus heureuse avec moi ! Se moqua Daren.

— Nous avons assez discutaillé ! Battons-nous. Daren ! Prépare ton arc.

— Avec plaisir, Solène. Il est temps d’en finir. »

Les elfes envoyèrent des flèches sur Jocelin qui utilisa son épée pour les contrer en criant : « Parade ! » Daren s'écria : « Quoi ? Il sait se servir de son épée comme d'un bouclier ! Il est inconscient, ou bien présomptueux !

— Nous allons lui en lancer d'autres. »

Tous deux s’exécutèrent donc, mais contre toute attente, le prince les contra aisément avec son épée en criant : « Trop lent...Trop faible, amateurs ! Beaucoup trop facile… Belles tentative, mais encore raté ! » Soudain, les elfes se rendirent comptent qu’ils n’avaient plus de flèches en réserve. Solène s'écrie : « On est à sec !

— Vous avez épuisé vos carquois, bande de guerriers de pacotille! s'exclama le prince, en balayant l’air son épée, tout en pointant sur les elfes du doigt inquisiteur.

— Tu as osé nous insulter ? Tu vas me le payer ! S’énerva Daren en sortant son épée.

— Daren ! Il suffit ! Nous n'avons plus de flèches ! Replions-nous ! » Lui intima Solène en saisissant son bras.

Les elfes récupérèrent leur cheval et rentrèrent au galop à Alfheim, en laissant Mélissandre et le prince qui lui proposa de rentrer au château. A peine arrivés à Alfheim, les deux elfes se disputèrent aussitôt descendus de leur monture. Solène gronda son ami : « Si tu n'avais pas dévié ma flèche, j'aurais pu éliminer Mélissandre ! Elle était à ma merci !

— A aucun moment, il n’a été question de la supprimer, je te rappelle ! S’insurgea Daren.

— Avec tout ce que j'ai fait pour toi, tu aimes encore cette humaine pitoyable !

— Pour moi tu es comme une amie, voire une sœur, mais je ne peux pas te considérer comme ma future femme. Je ne peux pas encore choisir qui est l'élue de mon cœur. C'est ainsi, et je n'y peux rien. Pardonne-moi, Solène.

—Très bien Daren. Mais je veillerai quand même sur toi et resterai à tes côtés quoi qu'il arrive, promit Solène. Tu ne débarrasseras pas si facilement de moi...

— Un jour, je prendrai ma revanche sur Jocelin. Il ne manque pas de culot pour insulter des elfes, et je lui ferai ravaler ses paroles.

— C'est vrai. Mais j'avoue qu'il a du cran pour un humain. »

***

Quelques jours passèrent. Mélissandre et le prince Jocelin se baladaient hors du château, près du bois elfique. La princesse se plaignit : « Ce matin, votre mère m'a encore assaisonnée avec ses leçons de savoir-vivre !

— C'est-à-dire ?

— Une dame de la cour ne va pas se promener dans les bois, il faut penser au mariage, être polie, bien habillée, surveiller ses fréquentations...

— N'y faîtes point attention. Ma mère était également très dure avec moi. Elle avait insisté pour que je sache lire, connaître la diplomatie, prier, vivre en communauté...

— C'est vraiment triste la vie à la cour. On ne peut pas faire ce qu'on veut.

— Lorsque je serai roi, je changerai beaucoup de règles. Je serai plus souple envers les elfes en interdisant à votre père d'agrandir son royaume en détruisant leur forêt. »

Au moment où le jeune homme touchait la main de Mélissandre, Darren et Solène surgirent de la forêt. Jocelyn s'écria : « Encore eux !

— J'en ai assez que tu me voles ce qui m'est cher ! Je vais te le faire payer ! Gronda Darren en saisissant son épée.

— S'il te plaît, jeune elfe ! Peut-être t'ai-je contrarié en étant avec ta demoiselle ! Je te propose cette bourse de pièces d'or en guise de compensation. Je n'ai point envie de faire de mal à qui que ce soit. » Supplia Jocelyn en présentant un petit sac plein de pièces d'or.

Mais l'elfe refusa : « Je ne veux point de ta fortune ! C'est Mélissandre que je veux ! On ne m’achète pas, sache-le !

— Soit, je n'ai donc d'autre choix que de me battre contre toi, répondit Jocelyn, résigné, en sortant son épée.

— Combattons dans les règles de l'art, je n'utiliserai donc pas mon arc. Nous ne nous servirons que de nos épées. » Déclara Darren en confiant son arc et son carquois à Solène.

« Si je gagne, Mélissandre rejoindra le camp des elfes, ajouta l'elfe, sentencieux.

— Darren ! Tout ceci devient parfaitement ridicule ! » S’écria Mélissandre.

Tout à sa colère, l'elfe n'eut que faire des paroles de la princesse et fonça droit sur le prince lame en avant. Jocelyn contra l’acier de l'elfe en criant : « Yahvé ! Prends donc une leçon! » Abattant son arme d’un grand coup, Jocelyn désarma Darren qui se retrouva sans défense tandis que l'épée elfique glissa au sol. Face à cet inégal duel, Mélissandre était dans la confusion, ne sachant en fait pas dans quel camp se ranger, tandis que Solène cria : « Non ! Darren ! Tu risques de te blesser ! » Ce fut à ce moment que Jocelyn infligea à l'elfe une profonde blessure au ventre. Darren se tenant à peine debout, couva sa plaie, dont le sang coulait sur son flanc puis par terre, avec sa main et s'adressa en grimaçant à la princesse : « Mélissandre ! Je te laisse le choix. Viens avec moi, et nous vivrons heureux ensemble, ou alors, je serai obligé de t’ôter la vie, à mon corps défendant, et te rejoindrai ensuite, » Il tomba dans les bras de Mélissandre en suppliant : « Il est temps de faire ton choix !

— Non Daren ! Je ne peux pas trahir ma famille !

—Tu refuses ? Pourquoi ne veux-tu pas devenir mienne ? Ne suis-je pas assez bien pour toi ? » Demanda l'elfe en tombant au sol.

Sans attendre une réponse qui décevrait forcément au moins une des personnes présentes, Solène saisit Daren puis déposa le corps de son ami sur le dos de son cheval blanc en disant : « Je ne comprends pas comment Daren peut éprouver de l'amour envers une humaine.

— Dis, Solène ! Tu devrais avoir honte ! Depuis quand toi et tes semblables êtes-vous en guerre contre ma famille et cherchez à faire du mal à des innocents ? demande Mélissandre.

— Depuis que les tiens s’acharnent à faire mourir nos forêts. C'est toi qui devrais avoir honte ! Tu n'as fait de mal à personne peut-être ? Quel égoïsme !

— Hein ?

— C'est à cause de toi si Daren est blessé. Et c'est également à cause de ton père si nous sommes en guerre contre les humains ! Il a détruit une partie de notre précieuse forêt pour agrandir son royaume et n'a que faire du fait que ce lieu sacré soit rien moins qu’un temple, pour nous les elfes ! Ta famille est un fléau !

— Je suis désolée... Pauvre Daren ! Sanglota Mélissandre.

— Tu pleures, mais il est trop tard ! Le mal est déjà fait ! Je vais d'abord faire soigner Daren. Mais si jamais nos chemins se croisent à nouveau, cette fois je serai sans pitié ! »

Solène monta sur son immaculé destrier tout en déposant ses armes et celles de Daren sur la selle et repartit vers Alfheim.

Le prince Jocelin se désola : « Je ne voulais pas blesser cet elfe ! Pardon Mélissandre !

— Je ne sais plus quoi faire...Maintenant, je veux rentrer au château.

— Puis-je vous accompagner ?

— Non merci. Je veux y aller seule. » Répondit la jeune femme, mélancolique. Elle rentra au château en traînant les pieds. Une page se tournait.

***

Pendant ce temps, Solène déposa le corps de Daren aux pieds du seigneur Galduil. Les parents de Daren, affolés, se précipitèrent vers leur fils. La mère de l'elfe sanglotait : « Mon fils ! Qui lui a fait du mal ?

— Votre fils était éperdument tombé amoureux de la princesse Mélissandre et ne supportait pas de la voir dans les bras d'un autre. Il a perdu un duel face au prince Jocelin qui était plus expérimenté et plus fort que lui que lui. » Expliqua Solène, encore furieuse contre le noble.

La mère de Daren supplia le roi des elfes en pleurant toutes les larmes de son corps: « Votre altesse ! S'il vous plaît ! Faîtes quelque chose pour soigner mon fils !

— Ne pleurez plus, dame Elora. Je vais en appeler aux dieux, grâce à un rituel magique qui devrait soigner ses blessures, répondit le seigneur Galduil , avec sa voix douce et rassurante.

— J'espère que vos enchantements suffiront ! » Souhaita Solène en son for intérieur.

Les trois elfes quittèrent le palais en laissant Daren entre les mains de Galduil. Le roi des elfes prit le jeune homme dans ses bras puissants, alla le déposer délicatement sur un autel de pierre blanche et entoura l’elfe imprudent avec des gemmes et des plantes magiques. Daren ouvrit alors doucement les yeux et s'adressa au seigneur elfique : « Que me faîtes-vous, votre majesté ?

— Garde le silence ! Il s’agit d’un rituel magique pour te guérir. » Répondit Galduil en déposant une large feuille de bruyère pourpre sur la plaie de Daren.

Celui-ci se sentit en confiance, et le laissa donc faire, même s'il geignit lorsque Galduil toucha sa plaie. Le seigneur Galduil positionna ses mains au-dessus du jeune elfe en fredonnant trois fois la divine formule : « Parcorum Tormectus ! » Soudain, une lumière blanche recouvrit le corps de Daren et se concentra sur sa plaie douloureuse. Le jeune elfe hurla au début, et au moment où la plaie commença à s'estomper, Daren se détendit, et se sentit apaisé. La lumière disparut et Galduil s'adressa au jeune elfe : « J'ai soigné ta blessure physique, mais je ne peux guérir ta blessure intérieure. Les souffrances comme celles que tu endures sont les plus dures à guérir.

— J'aime Mélissandre plus que tout au monde. Mais le fait de la voir dans les bras d'un autre me fait éprouver tant de douleur ! avoua Daren.

— Je sais ce qu'il s'est passé. Solène m'a tout raconté.

— Elle ne sait pas tenir sa langue, se froissa le jeune elfe.

— C’était pour ton bien, mon garçon. Pour ton épineux problème, il va falloir que tu fasses preuve de sagesse et de patience. La colère et la jalousie sont deux poisons que tu dois rejeter.

— Que dois-je faire alors ?

— Si tu souhaites vraiment quelque chose, espère-le. On n'obtient rien par la violence et la haine. Que ce qu'il t'est arrivé te serve de leçon, à l’avenir.

— Pourquoi toutes ces paroles bienveillantes, seigneur Galduil ?

— Je suis en conflit avec le roi Marius V car dans le passé, il a détruit des parcelles importantes de notre forêt pour agrandir son royaume. Je voulais lui faire entendre raison sans que l’on ait à provoquer un massacre inutile dans chaque camp. Mon grand-frère Cystéine ne savait que discuter les armes à la main, et faisait preuve d'une grande violence même avec ses semblables. Les dieux lui ont donné une juste punition. En ce qui concerne le roi Marius V, j'espère un jour lui faire entendre raison pour que les humains et les elfes puissent vivre en paix. Mais pour l'instant, le roi de Fédération est aveuglé par son orgueil. » Expliqua le seigneur Gadouille en réconfortant Darren.

Grâce à ces paroles, le jeune elfe fut rasséréné autant que pouvoir se put, et remercia son roi en quittant le château. En dehors du palais, il leva les yeux vers le ciel et se dit : « J'aimerais que Mélissandre revienne sur sa décision ! Sa vie au château l'empêche de vivre librement. Si elle allait avec moi, elle serait plus libre et nous pourrions nous rendre où bon nous semblerait ! » Incapable de ranger la jeune femme sur l’étagère poussiéreuse de ses souvenirs. En chemin, il aperçut ses parents et Solène qui semblaient fort inquiets. Sa mère s'écria : « Mon Darren ! Tu vas bien ? On dirait que le seigneur Gadouille a fait des merveilles ! Tu as l’air totalement rétabli, grâce aux Dieux !

— Oui mère. Grâce à sa magie et ses paroles pleines de sagesse et de bienveillance, qui m'ont fait tant de bien ! répondit Darren d'une voix sereine.

— Des elfes comme Gadouille, il n'y en a pas deux. Il porte bien son titre de roi, ajouta le père de Darren.

— Je suis ravie que tu ailles mieux. Si je croise Mélissandre, elle paiera ce qu'elle t'a fait subir. » Maugréa Solène.

En entendant ces paroles haineuses, Darren commença à se méfier de son amie. Ne devenait-elle pas un danger pour Mélissandre, ou n’était-ce que l’expression maladroite d’une amie-amoureuse ?

***

Au château de Fédolion, dans le salon, Mélissandre était de moins en moins heureuse aux côtés du prince Jocelin, l’ennui régnait de nouveau dans l’immense demeure, et elle pensait de plus en plus à Daren autant qu’aux paroles de Solène. Abattue, découragée, elle mangeait de plus en plus et prenait un peu de poids, au fur et à mesure qu’elle s’enfonçait dans sa dépression. En voyant le visage mélancolique de la princesse, le prince lui demanda avec un sourire forcé : « Comment allez-vous ? Vous semblez « ailleurs »...

— Je vais bien, je vais bien, autant qu’on peut aller, entourée de ces murs froids, oui ça va on ne peut mieux, vous êtes content, ainsi ?! S’énerva Mélissandre

— Pourtant, ça ne semble pas être le cas. dit Jocelin.

— Vous vous rappelez de l'elfe Daren ?

— Oui, comment l’oublier, vous ne cessez d’en parler à tout bout de champ. Et alors ?

— Je pense avoir fait le mauvais choix en restant ici. J'aurais peut-être dû l'accompagner. S'il souffre c'est à cause de moi. Je suis sûre que moi-même, je serais plus heureuse parmi son peuple.

— N'êtes-vous donc point heureuse ici ?

— Ici ? De quelle vie parlez-vous, vous m'entendez ?? Ah oui, recevoir le seigneur de ci, le chevalier de là, toujours polie, bien éduquée, pas de promenades en forêt, surveille tes fréquentations, la princesse de Fédolion... ah il en faut bien des compensations pour toutes ces bêtises hein ! Personne ne me comprend ! Je n'ai pas de loisirs ! Je serais sûrement plus heureuse à Alfheim ! En guise de compensation, j'ai mangé un faisan en entier et une demi-tarte! Sanglota Mélissandre.

— Vous avez l'air d'aimer réellement cet elfe. Je ne vous en veux pas. Si vous allez chez les elfes, n'essayez pas de revenir. C'est une question de survie. Vous n’êtes pas sans l’ignorer.

— Vous ne m'en voulez pas ?

— Un peu, je ne saurais vous duper, mais étant la fille du roi de Fédolion, il est possible que vous puissiez convaincre le chef des elfes de cesser d'envoyer des gens de sa race tuer des innocents. Seulement s'il vous accepte dans son royaume en espérant qu'il ne vous tienne pas prisonnière. »

Mélissandre resta silencieuse pendant un bon moment, réfléchissant à la décision qu’elle devait prendre, écouter son cœur ou la raison diplomatique...

Au dîner, la princesse interrogea son royal père : « Père, j'ai une question à vous poser.

— Je vous écoute, ma toute belle, répondit le roi, tout à son écoute.

— Si quelqu'un trahit son royaume...en se liant d'amitié avec un elfe, que risque-t-il ? C'est juste par curiosité toute féminine.

— Selon la Loi, une personne qui trahit effectuera une marche de la honte, puis sera exécutée.

— D'accord... Mais si la personne en question est en couple avec l’elfe ?

— Le coupable et l’elfe devront traverser les rues, dénudés, main dans la main, puis seront exécutés ensemble.

— Un sort bien peu enviable... » Répondit Mélissandre.

Un frisson parcourut l’échine de la jeune femme, qui s'imagina mortifiée, ridiculisée par son peuple, puis décapitée et sa tête accrochée en haut d'une pique, à l’entrée principale de la Cité… Horrible destin.

Dans son lit, la princesse se sentait prisonnière d'un cruel dilemme : « J'ai été égoïste ! Je rate plein de choses en refusant d'aller avec Daren. Si je me joins à lui, je trahis ma famille et devrai subir la Loi des hommes, et être mise à mort avec Daren. Si je reste avec Jocelin, je resterai prisonnière de toutes ces règles de vie et je deviendrai ce que je ne veux pas être en m'empêchant d’être libre… Mais Daren a besoin de moi! La dernière fois, il avait l'air de tellement souffrir. »

Elle n’avait que deux choix possibles, pensa l’innocente : risquer de mourir d’ennui avec l’héritier d’un roi dont l’épouse ne la portait pas dans son cœur, ou sans doute finir raccourcie, sa jolie frimousse piquée à côté de celle de son tendre ami, juste pour l’exemple, à cause d’une Règle stupide et désuète !

La jeune femme regard le crucifix accroché au mur au-dessus de sa tête de lit, en réfléchissant aux deux solutions possibles qui se présentaient à elle, puis se mit à s'excuser par avance, intérieurement : « Chère famille, pauvre Jocelin ! Pardon pour les désagréments que je m'apprête à vous causer ! »


Puis, elle s'assit sur une chaise face à une table de sa chambre, trempa une plume d’oie dans un encrier et écrivit sur une feuille de parchemin, tandis qu’une larme coulait le long de sa joue :

Père, mère,

Pardonnez-moi pour mon acte! Je suis allée rejoindre l'élu de mon coeur chez les elfes. Je pense que là-bas, je serai plus heureuse qu'au château. Avec la vie que je menais, je me sentais comme un oiseau en cage.

Je vous embrasse.

Mélissandre

endossa une cape dont elle mit la capuche afin de cacher ses cheveux. Elle sortit du château en descendant la plante grimpante que Daren avait plantée sous sa fenêtre. Une fois au sol, la jeune femme se rendit discrètement au bois elfique en pleine nuit. Dans la forêt, la princesse s'éloigna de plus en plus au point de ne plus apercevoir les hautes tours de la forteresse. Elle ne savait pas exactement où se trouvait le royaume des elfes. Dans l'obscurité, après une longue marche, elle murmura à elle-même : « Il fait froid, me voilà épuisée et affamée ! » Puis elle trouva une souche d'arbre recouverte de mousse aussi douce que du velours et s'y endormit en s’enroulant dans sa cape.

A l'aube, le seigneur Galduil accompagné de deux gardes elfes faisait un tour de surveillance dans la forêt lorsqu’il découvrit la princesse endormie. Le monarque ordonna aux gardes de la fouiller en espérant que ce ne soit pas une ennemie. Les gardes cherchèrent dans les vêtements de la princesse et ne trouvèrent ni armes, ni poison, tandis que Mélissandre répétait le prénom de Daren pendant son sommeil. Le roi des elfes souleva la capuche de la jeune femme pour voir son visage avec son bâton magique et avisa : « Cette femme n'est pas une ennemie. C'est la femme dont Daren ne cesse de nous parler, et qu’il dit aimer. Ramenons-la donc au palais, pour prendre soin d'elle. Elle semble épuisée » Les gardes se regardèrent, étonnés de cette surprenante décision. La princesse se réveilla et murmura : « J'ai faim… Fatiguée... » Le roi des elfes la souleva aisément, et l'emmena jusqu’au château. En chemin, il croisa des elfes curieux qui se demandèrent ce que pouvait bien faire leur souverain bien aimé avec une humaine dans les bras.

Au palais, Galduil déposa la princesse sur un lit qui se trouvait dans une chambre dont les colonnes étaient sculptées en forme de branches complétées par un grand balcon. Un elfe cuisinier déposa un plateau d'argent garni de volaille rôtie et de fruits à côté de Mélissandre qui se réveilla après un moment. La jeune femme demanda : « Où suis-je donc, et qui êtes-vous ?

— Je suis le seigneur Galduil, roi des elfes d'Alfheim. Ceci est ma demeure. Et cette nourriture est pour toi. Tu parais en avoir grand besoin.

— Je vous remercie du fond du cœur ! » Remercia en souriant la future première Dame du Royaume, avant de commencer à manger les victuailles offertes si gentiment.

***

Chez lui, Daren écoutait la conversation de ses parents. Sa mère racontait à son père : « C'est très étrange. Il paraît que notre roi héberge une princesse humaine chez lui.

— Les humains sont nos ennemis héréditaires. Mais connaissant la grande sagesse de notre roi, il a forcément une bonne raison d'agir ainsi. C’est à n’y pas comprendre, sinon. »

Daren sentit son cœur battre en songeant : « Il s'agit sûrement de Mélissandre ! Je dois aller vérifier ! » Il partit aussitôt de chez lui, puis courut tel un dératé vers le château de Galduil.

A son arrivé, celui qui régnait sur le peuple elfe le salua : « Bonjour mon garçon ! J'ai trouvé une humaine dans la forêt. Tout en dormant, elle ne cessait de prononcer ton prénom. J’en conclus aisément qu'elle pense beaucoup à toi, cette jeune femme.

Un sourire complice ornait son visage.

— Puis-je la voir ? S’impatienta le jeune elfe.

— Suis-moi. »

Daren accompagna Galduil et entra à sa suite dans la chambre dans laquelle Mélissandre mangeait. Les yeux de Daren s'illuminèrent aussitôt, en prononçant son nom :

« Mélissandre !

— Daren ! Pardon de t'avoir causé tant de souffrance ! C'est de ma faute si tu as été blessé ! Je reviens sur ma trop empressée résolution, et je t'accompagnerai donc! Pleura la princesse en sortant du lit et en serrant Daren dans ses bras. »

L'elfe répondit doucement : « N’en parlons plus. Je suis bien trop heureux de ta décision.

— Depuis la dernière fois que nous nous sommes vus, j'étais en détresse et je culpabilisais. Pour compenser ma tristesse ainsi que le mal-être de ma vie au château, j'ai abusé de nourriture, cela palliait à mon ennui. De plus, j'étais victime d'un cruel dilemme. Soit je demeurais malgré tout avec Jocelin, soit je t'accompagnais, au grand dam de mon entourage. En restant avec Jocelin, je faisais honneur à ma famille ainsi qu’à la tradition, mais en vivant tel un pauvre oiseau en cage. Alors qu’en allant avec toi, je prenais le risque d’être accusée de haute trahison et nous aurions dû subir l’opprobre de tout un peuple puis être tués de manière ignominieuse. Seulement, avec toi, je l’avoue désormais, je ne pourrai qu’être plus heureuse. Ton monde doit abriter tellement de merveilles et d’aventures. Et j’y serais enfin libre d’évoluer à mon gré...

— Je l'ai vite compris. J'ai senti rapidement que la vie de princesse parfaite sous toutes les coutures ne te convenait pas. Tu étais prisonnière de toutes ces règles qui te retournaient la tête. En revanche, il va falloir affronter mon amie Solène qui est rancunière et a toujours envie de te supprimer.

— Donc, que je sois ici ou à Fédolion, je dois être prête à affronter d’éventuels ennemis, où que je me trouve.

— Sauf si je suis là. Elle ne te fera rien si je me mets en travers de son chemin. »

En sortant de la chambre, Mélissandre admira l'intérieur du château de Galduil: « Je n'ai jamais vu de château comme celui-là! Tout est si joli et si magique! C’est plus beau que dans mes rêves! Ton roi a de très bons goûts!

—Et tu n'as pas vu les rues d'Alfheim.» dit Daren en ouvrant la grande porte d'entrée.

L'elfe et la princesse sortirent du château afin de faire quelques pas dans les rues pavées de la ville. Mélissandre n'en croyait pas ses yeux: «Cet endroit est plus beau que mon royaume! Tout est si propre! Les rues ne sentent pas le purin, l'air est si pur et parfumé!

— Penses-tu pouvoir être heureuse ici?

— Et comment? Je me demande si au-delà d'Alfheim il y a d'autres contrées à explorer.

— D’après les nombreuses histoires que l’on m’a racontées, au-delà d’Alfheim se trouvent d’autres peuples, des cités inconnues, des trésors mais aussi des dangers à affronter, répondit Daren.

—J'aimerais savoir si les elfes savent aimer… demanda timidement Mélissandre.

—Puis-je poser mes lèvres sur les tiennes?

— J'en ai tellement rêvé!» lâcha Mélissandre, émue.

L'elfe posa ses lèvres sur celles de la princesse. Puis les deux amants se serrèrent dans les bras avec la passion des jeunes tourtereaux qu’ils étaient encore.

***

Dans la forêt, Mélissandre et Daren se promenaient main dans la main, tout à leur amour naissant, quand soudain, Solène surgit et visa directement la princesse à l'aide de son arc. Elle menaça Daren : « Pousse-toi! Comme promis, je vais régler le compte de cette idiote. Souviens-toi que c'est à cause d'elle que tu as souffert ! » Aussitôt, Daren se plaça devant la princesse et rétorqua: « Si tu veux vraiment supprimer Mélissandre, mieux vaut que tu me tues d'abord !

— Je suis bien mieux qu'elle et tu serais plus heureux avec moi ! Cette pathétique femme humaine ne te mérite pas !

— Tu te trompes ! C'est Mélissandre qui me rend heureux. En la supprimant de ma vie, tu ne feras que me rendre malheureux pour le restant de mes jours. Et tu n’auras plus droit qu’à mon mépris»

Solène ne voulant pas gâcher la profonde amitié de son ami en le faisant souffrir inutilement, hésita un instant à planter une flèche dans le cœur de cette empêcheuse de tourner en rond, puis se ravisa et baissa son arc et se résigna : « Très bien Daren ! Tu as gagné. » Puis elle menaça la princesse : « Ecoute-moi bien ! Si tu fais souffrir Daren encore une fois, tu le paieras de ta vie, cette fois. Et c’est une promesse !

Les yeux furibards de l’archère montraient bien qu’elle n’exagérait pas, à cet instant précis.

— Promis, je ne le blesserai plus. Il sera heureux avec moi, je t’en fais la promesse ici-même, jura Mélissandre.

— A présent, tout ce que je peux faire, c'est veiller sur vous deux, vous allez en avoir besoin, conclut Solène.

— Je suis ravie que nous soyons enfin réunis, tous les trois, malgré quelques divergences de départ! » Sourit la princesse.

Enfin, Daren put présenter Mélissandre à ses parents. Son père s'étonna quand même : « Mon petit ! Tu es amoureux d'une humaine ! Cette histoire d'amour risque d'être compliquée !

— Doucement mon amour ! Ne te souviens-tu pas? Notre situation était comparable, par certains côtés! Nos clans étaient ennemis lorsque nous nous sommes connus ! On dirait que l'histoire se répète à nouveau, dit la mère de Daren.

— Je suis la princesse Mélissandre et vous salue affectueusement, dit-elle à ses peut-être futurs beaux-parents.

— Appelle-moi Dame Elora, dit la mère en se disant qu’elle était fort aimable, cette petite ?

— Et moi, Messire Erval. » Ajouta le père, pensant qu’elle était plutôt mignonne, pour une « ennemie ».

Dame Elora regarda Mélissandre et la complimenta sincèrement : « Vous êtes ravissante ma chère. Je comprends pourquoi mon fils vous aime tant. » Mélissandre entama la conversation, posant plusieurs questions sur ce qu’il y pouvait y avoir, au-delà d’Alfheim. Daren lui fit signe de s’asseoir, pendant qu’il jouait de la lyre. La princesse s’assit sur une chaise et regarda l’elfe en souriant. D’une voix mélodieuse, Daren chanta tout en pinçant les cordes de la lyre :

Au-delà d’Alfheim
Attendent des mondes plus beaux que des gemmes
Mais sorciers et dangers
Il faudra affronter
En quête d’aventures
Au sein de contrées enchantées.

Au cœur des sombres donjons
Se trouvent trolls et démons.
Avec bravoure et courage,
De batailles en batailles
Lors du voyage
Nous serons récompensés par de belles trouvailles.
Lors des jours de fête,
Les elfes chanteront cette chansonnette.

Après cela, Mélissandre, décidément sous le charme, applaudit.

***

Pendant ce temps, le roi et la reine de Fédolion s’étaient aperçus de la disparition de leur fille et organisèrent une réunion autour d'une grande table avec la famille royale de Clivaros, ainsi que quelques seigneurs. Le roi déposa avec rage le mot de Mélissandre sur la table et grogna : « Je ne sais pas quoi faire dans cette situation ! Ma fille est entre les griffes de ces maudits elfes !

— Sire, permettez-moi de vous avouer qu’elle n'était pas bien ici. Et étant donnée votre façon de régner, cela ne m'étonne guère qu'il y ait eu des trahisons dans votre royaume, commenta Jocelin, s’avançant sans un peu.

Le souverain furieux paraissait ne pas avoir entendu ses paroles.

— Je parie que ce démon de Galduil l'a ensorcelée !

— Il faut arrêter de tout mettre sans cesse sur le dos des elfes, dit Jocelin.

— Vous, la ferme ! Coupa sèchement le roi de Fédolion.

— A force de se quereller contre les elfes...

— La barbe !!! s'écria le roi Marius V, hors de lui.

— Alors, que fait-on pour la petite ? demanda son épouse.

— Nous nous rendrons chez les elfes et je leur ferai un procès pour avoir ensorcelé ma fille et l’avoir détournée de son devoir. » Décida le roi, au bord de la crise de nerfs.

***

Dans la ville d'Alfheim, Mélissandre, vêtue d'une robe locale se promenait tranquillement avec Daren, quand soudain, elle entendit résonner des trompettes, et tous les elfes se retournèrent. Un carrosse royal, arborant les couleurs de Fédolion, entouré d'une dizaine de chevaliers en armure dorée et rouge entra dans Alfheim. Le seigneur Galduil se plaça devant la foule avec un air curieux, tandis que Mélissandre et Daren se dissimulèrent parmi la foule. La princesse marmonna à l’oreille pointue de Daren: « C'est sûrement pour moi...

— Ne t'en fais pas ! Je suis là ! »

La porte du carrosse s'ouvrit lentement. Le roi et la reine sortirent alors. Le seigneur Galduil les salua : « Vos majestés de Fédolion, puis-je savoir ce qui vous amène dans ma cité ?

— Je viens arracher ma fille Mélissandre de vos griffes, sorcier ! Coupa sèchement le roi, sans plus de diplomatie.

— Calmez-vous, votre Majesté. Il n’a rien été fait de répréhensible à votre fille et j'aimerais que notre querelle cesse avant que toute cette situation s’envenime. Et par conséquent, pour commencer, si vous arrêtiez d'exploiter la forêt des elfes, qui ne vous appartient pas, jusqu’à preuve du contraire ?

— Je cherche ma fille, pas des arbres à couper ! » Brailla le souverain, rouge de colère.

Mélissandre s'avança d’un pas timide, suivie par Daren, et dit : « Je suis là, père. J'ai quitté le château pour retrouver celui que j'aime vraiment. Je vous présente Daren, de la maison Baradras, et il ne m'a jeté aucun sort pour que je sois amoureuse de lui. C’est la nature qui en a décidé ainsi. Et nul n’y peut mais.

— Dis-moi, maraud ! Comment oses-tu approcher ma fille sans ma royale permission ? Tu mériterais d'être pendu, rien pour cela, ne gronda le roi en s'adressant à l'elfe.

— Père ! Je vous interdis de le menacer ainsi! Il sera sûrement un bon mari pour moi, dit Mélissandre.

— Chéri ! Avant de faire une dangereuse erreur ne vaudrait-il pas mieux lui faire un juste procès, et juger s'il est digne de Mélissandre ? Par le passé, vous disiez sans cesse que Mélissandre n'épouserait qu'un homme qui la rendrait heureuse, suggéra prudemment, mais finement, la reine.

— Bien. Si cela vous convient, ma tendre épouse… Demain, un procès laïc aura lieu au tribunal de Fédolion. Daren devra venir avec ses proches et la présence du seigneur Galduil est bien sûr obligatoire ! » Annonça le roi sur un ton formel, avant de rentrer chez lui aussi rapidement qu’il était entré dans la cité.

Mélissandre se plaignit aussitôt auprès de Daren : « Il ne manquait plus que ça ! Mon père veut te traîner en justice !

— Je me défendrai, répondit Daren.

— Et puis je ne laisserai pas mon fils être pendu au bout d'une corde sans m’y opposer, ajouta le père de l'elfe, indigné.

— Mais c'est ridicule de faire un procès parce que mes choix contrarient mon royal géniteur. » Dit Mélissandre.

Le lendemain, tout le monde tint à être présent t au tribunal de Fédolion, du plus riche commerçant au plus humble paysan. Darren était à la barre en face du roi qui lui demanda tout d’abord : « Darren Barakas ! Depuis quand côtoyez-vous ma fille ?

— Depuis l'enfance, votre altesse, répondit Darren tandis que la foule s'étonnait qu’il ait été si prompt à répondre à cet homme impressionnant.

— Qu'avez-vous fait avec elle ?

— Je lui ai fait visiter la forêt et nous avons joué avec mon amie Solène. Et dans mon cœur, aucune autre femme ne pourrait remplacer Mélissandre. J'ai veillé sur elle chaque jour qui passait, et ce qui m’a hérissé le poil, si vous voulez que je sois tout à fait honnête, c'est que vous la forciez à épouser un sot tard de prince, simplement pour vos intérêts personnels ! »

Alors, Mélissandre se leva, encouragée par les mots de son amoureux, et s'exclama à la cantonade : « Père ! J'aimerais moi aussi que vous arrêtiez de détruire la forêt des elfes ! Et que vous arrêtiez de les accuser pour un oui ou pour un non, en leur mettant sur le dos toutes les misères qui font souffrir ce monde. » Jocelin se leva à son tour, se tint bien droit, comme la grande tour du château, et ajouta, tout fier de son effet : « Je suis totalement d'accord avec elle. Si elle a quitté votre nid, cette cage dorée, force est d’avouer que je la comprends parfaitement. Moi non plus je n'aime guère que l’on détruise cette belle forêt, à bien y réfléchir. De plus Mélissandre n'était point heureuse au château, vous le savez aussi bien que toute la cour, votre majesté. Je ne suis pas surpris que certains de vos sujets ainsi que la princesse vous quittent. Cessez de vous cacher la vérité» A cet instant, le prince eut la fugace pensée que c’était peut-être lui qui allait finir par se balancer au bout d’une belle corde en chanvre toute neuve, s’il avait trop contrarié le roi !

Daren ajouta:« Sire, roi de Fédolion! Pendant qu'avec vos proches festoyez, buvez et mangez avec oisiveté, nous les elfes mangeons bien peu, voire pas du tout. Lorsque vous envoyer vos soudards et bûcherons réduire une partie de notre forêt en chaise et armoires, les plantes et les fruits se font rares! De plus, nos terres sont frappées d’une malédiction qui fait que depuis trop longtemps déjà, les récoltes sont précaires dans la province de Valquiche. La famine a semé la maladie et la mort parmi notre peuple pacifique.

— Vous les elfes n'êtes pas mieux non plus! Deux elfes ont brûlé la demeure et tué la famille de ma sœur! Donc, personne ici ne peut s'attribuer le rôle du gentil qu’on martyrise! s'exclama le roi Gavin IV. Il fulminait.

— Donc, que fait-on, Sire Marius V? Mélissandre nous a trahis en éprouvant de l'amour pour un elfe. Votre loi dit que les traîtres doivent être exécutés. Votre fille ne fait pas exception. Si elle aime cet elfe, ils feront une marche de la honte et seront exécutés ensemble, suggéra la reine Gisèle. La cruauté suintait de cette femme aigrie.

— Non, dame Gisèle! Je ne veux pas faire tuer ma fille, ni lui faire subir cette marche de la honte. Ce serait mauvais pour l’image que les livres donneront de mon règne dans les siècles futurs. En ce qui concerne l'elfe, il fera la marche de la honte seul et subira l'exécution. Telle est ma volonté.

— Père! Si vous faîtes cela, je n'hésiterai pas à me donner la mort pour le rejoindre!» s'écria Mélissandre, en larmes.

Désarçonné par la vigueur du ton de sa fille, le roi s'adressa au jeune elfe : « Daren ! Penses-tu donc être un époux respectable pour ma descendante ?

— Bien sûr, sire.

— Dans ce cas, j'organise une ordalie par combat pour laisser la volonté divine répondre à cela.

Décidément, le couple royal semblait décidé à ne pas donner la préférence à l’amour.

— Quoi ? Lâcha Daren, interloqué, alors que tout le monde réagissait avec la même surprise.

— Excusez-moi, mais en quoi consiste cette humaine coutume ? interrogea Galduil.

— C'est un duel judiciaire qui a lieu dans l'arène. Le combat sera jusqu’à la mort. Daren et moi allons désigner un champion pour représenter chacune des parties. Si Daren ne trouve personne, il devra alors être lui-même son propre champion.

— Admettons que je trouve un champion, supposa Daren. Que se passera-t-il ?

— Si tu gagnes, tu pourras épouser sans restriction de notre part Mélissandre, et ta famille sera la bienvenue à Fédolion. Subséquemment, tu seras lavé de toute accusation. Si tu perds, et bien tu feras une marche de la honte et seras pendu, répondit le roi. Suis-je assez clair ?

— Si vous osez tuer un membre de mon peuple pour une raison aussi puérile, je vous enverrai une expédition punitive dont même vous, grand souverain guerrier, vous rappellerez, ainsi que votre descendance jusqu’à la fin des Temps. J'aime tout un chacun chez nous comme mes enfants. J’ai un profond respect pour tous, humble ou fortuné, répondit froidement Galduil.

— Sur quels critères dois-je choisir mon champion ? les interrompit le pauvre Daren, inquiet.

— Ce ne sont que des guerriers. Les armes et la force physique sont autorisées. Bien évidemment, vos dragons et vos pouvoirs magiques sont interdits, ce serait trop facile. Le duel aura donc lieu demain. Que les dieux soient justes! »

Puis, le tribunal se leva avant de se séparer lentement. Personne n’avait contredit le choix du monarque, aucune surprise de ce côté-là. Mélissandre espionna son père pour savoir qui allait être son fameux champion et vit son père en train de sélectionner un chevalier imposant et très musclé vêtu d'une peau d'ours. Une teigne, apparemment. En voyant cela, la princesse se dit en frémissant d’angoisse : « Face à cette montagne, un elfe n’a aucune chance ! » Puis elle alla voir Daren et lui demanda : « As-tu trouvé ton champion ?

— Solène fera l'affaire.

— Mais c'est fichu d'avance ! Tu as perdu la tête ! Mon père a choisi un vrai monstre, il est abominable et semble indestructible. Solène ne fera même pas illusion face à cette machine de guerre. » Gémit Mélissandre.

Une voix se fit entendre dans les couloirs : « Puis-je vous aider ? Mélissandre, ça ne sert à rien de geindre ! » Mélissandre se retourna. C’était le prince Jocelin, l’amoureux éconduit. Daren le regard de travers : « Encore toi ? Tu m'as volé Mélissandre et tu comptes te battre pour moi, à présent?

— Je ne te porte pas tellement dans mon cœur, mais je veux éviter un conflit destructeur entre les humains et les elfes. De plus, si tu perdais, Mélissandre serait triste et je m'en voudrais de ne rien avoir tenté pour elle, malgré ma déception... expliqua Jocelin.

— Tu risques de te faire tuer ! Ton adversaire est à peine humain, dit-on ; certains affirment qu’il peut arracher la tête de ses victimes, à mains nues!

— J'ai un cerveau, sais m’en servir, et ai vaincu de redoutables ennemis dans mon passé. Croyez en moi et mon épée. Je lui trancherai les deux mains, si elles sont si puissantes que des colporteurs de légendes veulent bien le faire croire !

— Je t'en supplie ! Gagne pour Daren. Et pour moi !

— Lorsqu’il s’agit d’un combat à mort, je fonce, et n’ai aucune pitié. » Répondit Jocelin avec un air confiant. Je laisse cela aux faibles.

Il essayait de rassurer les tourtereaux, et un peu lui-même, à cet instant, sachant fort bien le danger réel que représentait le guerrier choisi pour lui faire face sur le sable.

Le lendemain, avant d'entrer dans l'arène, le prince Jocelin annonce à ses parents : « Je suis le champion de Daren.

— Mon fils ! Tu perds la tête! s'écria sa mère.

— Ne vous en faites pas, je compte bien l’avoir encore sur les épaules ce soir, je survivrai à cette journée. J'ai combattu de nombreux barbares et d’autres ennemis de toutes sortes, ici et ailleurs. Je ne suis plus un amateur, mes faits d’armes ont ciselé ma réputation au-delà des limites du royaume.

Dans les tribunes, les elfes et les habitants de Fédolion étaient assis, inquiets. Le roi et la reine étaient à côté du seigneur Galduil. Les parents de Daren priaient pour leur fils. Puis un prêtre entra dans l'arène et annonça : « Sous le regard de dieu, ce duel à mort décidera si oui ou non, Daren Baradras est vraiment digne d'épouser la princesse Mélissandre. » Le prêtre sortit de l'arène, le visage grave. C'est alors qu'un juge, arbitre officiel du royaume, prit place et présenta les combattants, solennel : « Ce combat opposera sire Golord, représentant du roi Marius V, au prince Jocelin de Clivaros, champion désigné de Daren, de la maison Baradras. Que l’affrontement commence ! » L'arbitre se mit à l'écart tandis que le prince regarda son adversaire, qui balançait lentement une imposante hache de guerre. Le colosse, sans attendre davantage, attaqua le premier Jocelin, qui bloqua avec son épée bien aimée l’arme menaçante, aussi grande que la cognée qui sert aux bûcherons à abattre les arbres en criant : « Alors, Golord, tu ne t’y attendais pas, grand benêt ! » Tandis que le public était surpris par l’arrogance de Jocelin face au géant musculeux, le prince fit un bond en arrière et provoqua à nouveau son adversaire : « Allez ! Approche! Laisse-moi te dire bonjour, et adieu ! C’est donc un combat entre toi et moi ! Ta réputation ne m’impressionne pas une seconde ! Tu vas maintenant goûter au tranchant de mon épée ! » Face à cette fanfaronnade, le guerrier aux bras comme des cuissots de sanglier saisit l'épée du prince avec ses deux mains. Daren sursauta, surpris par la vigueur de cet homme qui n’avait selon lui pas grand-chose d’humain. Contre toute attente, Jocelin envoya de toutes ses forces un violent coup de pied dans l'entre-jambe de son adversaire en hurlant « Prends ça fumier ! ». Le colosse grogna, son intimité endolorie : « Tu vas le payer, gredin !

Vexé, le soi-disant increvable choisi par le roi fulminait.

— Ah, ah, aurais-je trouvé ton point faible ? » Se moqua Jocelin.

Pendant que son adversaire avait le souffle coupé et les gonades en train de bleuir sous la tunique, le prince, encouragé par les cris de soutien d’une partie des spectateurs, chargea avec son épée puis acheva sans attendre que son adversaire récupère, un genou à terre, en disant : « Il ne s’est pas assez méfié, l'imbécile ! » Il abattit son arme sur le casque qui ne résista pas et écrasa le crâne du géant, qui s’écroula mollement sur le sable. Une fois son redoutable adversaire éliminé, plutôt facilement d’ailleurs, Jocelin planta son épée dans le sol sablonneux de l’arène, et prit une pose victorieuse, un tantinet exagérée, en braillant à la cantonade : « Qui est le lion, et qui est la gazelle, maintenant ? ». La réponse vint de la foule, qui lui offrit une ovation grandiose, les hurlements de liesse lui allant droit au cœur, y compris de Solène, celle-ci commençant à avoir une réelle estime pour l’ex-futur époux éconduit: « Il s'est battu avec tant de courage et de force pour sauver Daren! Je ne peux que lui en être reconnaissante. » Dit-elle au souverain. Le père de Mélissandre s'avoua donc vaincu en soupirant, faisant contre fortune bon cœur et annonça aux peuples des humains et des elfes: « Les dieux de tous les peuples en ont décidé ainsi, semble-t-il... Fort bien ! Mélissandre peut épouser Daren de la maison Baradras! Mais Galduil, ça ne signifie pas que nous demeurerons en paix pour autant. La maison Baradras sera pourtant la bienvenue à Fédolion, jusqu’à ce que nos dieux en jugent autrement. L’avenir nous le dira. »

Daren et Mélissandre remercièrent chaleureusement Jocelin, lui faisant une accolade bien méritée, puis s'embrassèrent. La princesse murmura au héros du jour:« Il a fallu un duel à mort, une sentence divine, pour que Daren puisse m'épouser... On aurait dit une farce de mauvais goût orchestrée par le Destin! » Les parents de Daren rejoignirent leur fils. Dame Elora s’écria : « Quelle chance ! Tu vas vivre, mon enfant !

— C’est à Jocelin que je le dois. A sa témérité et… au tranchant de son épée !»

Le père de Daren remit cinq pièces d’or à Jocelin qui le remercia silencieusement, mais refusa poliment. Il n’en avait pas besoin, et ne l’avait fait au fond que par pure affection pour une princesse qui ne voudrait jamais de son amour.

Un peu plus tard, dans la salle du trône, les parents de Daren demandèrent à s’adresser au roi : « Sire ! Où et quand aura lieu le mariage de notre fils ?

— Il aura lieu probablement dans un mois sur le parvis de la cathédrale de Fédolion.

— Un mois ? S’étonna Dame Elora.

— Du calme ma douce. Cela nous laisse assez de temps pour faire construire la future maison de notre fils à Alfheim, répondit Erval. » Après tout, ils s’adressaient à un souverain, pas au maréchal-ferrant du coin !

Jocelin se joignit à la conversation : « D’autant plus qu’une nouvelle une menace nous guette. Le roi Gruzub peut nous attaquer d’un moment à l’autre.

— Qui est le roi Gruzub ? demanda la reine Ysolda.

— D’après mon père, c’est un redoutable sorcier qui vit sur les terres ardentes de Rogrora. Mon royaume a combattu quelques-uns de ses sbires. Mais nous ne savons pas à quoi il ressemble, expliqua le prince.

— Qui vous a parlé de Gruzub ? demanda Erval.

— Un chevalier de mon royaume a interrogé l’un de ses hommes demain avant de l’achever, répondit Jocelin.

— Gruzub est un elfe corrompu. C’était un magicien au même titre que notre roi. On raconte que dans sa jeunesse, il était toujours solitaire et avare en paroles. Un jour, deux femmes elfes ont cru bon de jouer avec ses sentiments. Mal leur en prit, car lorsqu’il s’est rendu compte de leur vilenie, il s’est persuadé que personne ne l’aimerait pour lui-même, et a donc décidé, par colère et afin de se venger, de se détourner des saintes croyances officielles, pria alors le dieu interdit et se mit à pratiquer la magie noire interdite. Daren sait ce qu’il a fait des deux imprudentes qui lui broyèrent le cœur, fit Erval.

— Ma mère m’a raconté qu’il les a jetées dans une caverne habitée par des trolls. La première femme a été cuite à la broche et la seconde a été découpée puis mise dans une tourte. Rien que d’y penser, j’en ai des frissons, dit Daren en levant les yeux au ciel.

— Personne n’a essayé de le raisonner ? demanda Mélissandre.

— Le seigneur Galduil a vainement tenté d’être ami avec lui, mais Gruzub a d’abord fait semblant de l’avoir accepté comme compagnon, jusqu’au jour où contre toute attente, le masque tomba, et ce monstre avoua qu’il doutait qu’on puisse un jour l’apprécier simplement pour qui il était. Après un duel de magie qui avait vu la défaite cuisante de Galduil, Gruzub lui dit avec mépris que si un jour maudit il croisait à nouveau sa route, il le donnerait en pâture aux trolls.

— Ah je comprends mieux, répondit la reine.

—Cela me rend nerveuse ! Daren doit absolument donner naissance à un héritier ! Si Gruzub attaque et que notre fils adoré meurt au combat sans avoir eu de descendance, un fils de préférence, notre famille est fichue et condamnée à disparaître ! » S’inquiéta dame Elora, effrayée autant que pragmatique.

Le roi et la reine réfléchirent un moment, puis son Altesse prit une décision : « Très bien. Le mariage aura lieu dans deux jours, le temps de faire en hâte les préparatifs, puisqu’il en est ainsi »

***

Dans une gigantesque forteresse qui située au milieu des terres ardentes de Rogrora, vivait le roi Gruzub. Ce sorcier aux oreilles elfiques avait la peau bleue et des marques noires sur le visage. Il était vêtu d’une armure noire et rouge et une couronne noire reposait sur ses longs cheveux blancs. Au pied de sa forteresse, une armée démoniaque l’acclamait en répétant : « Gloire à notre maître Gruzub ! » C’était un brassage constitué de toutes sortes de monstres : des gobelins, des orcs, des insectes géants, des démons… En guise de monture, Gruzub avait un dragon noir tricéphale aux yeux rouges qui pouvait cracher des flammes violettes. Le sorcier annonça :

« Bientôt, nous sèmerons la destruction et le chaos chez les humains et les elfes ! Leur temps ici-bas s’arrêtera, tandis que celui des ténèbres et du chaos débutera ! Il n’y aura plus de place pour l’amour, les amitiés ne seront plus qu’un souvenir ! Alors, Galduil subira ma colère, et vivra désespoir et tristesse jusqu’à ce que je décide de son sort!»

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