Chapitre 1 - Le commencement
Le baptême a été pour moi le premier acte de foi — imposé de mes parents, eux aussi ancrés dans la tradition catholique. Je n’ai aucun souvenir direct de ce moment : aucune image précise de l’eau versée sur ma tête, ni des prières murmurées autour de moi par la communauté.
Ce que je garde, ce sont seulement des photos : moi, bébé, dans les bras de mes parents, vêtue d’une petite robe blanche. La couleur de la pureté. Cette robe, cette lumière innocente… elle symbolise tout ce que l’on attend de l’enfance. Une promesse. Puis un commencement.
C’est à cet âge-là que la vie se construit. C’est à ce moment précis que l’enfant commence à découvrir qui il est, à prendre forme, à se transformer et à s'ouvrir au reste du monde.
Et même si je n’en ai pas de souvenirs conscients, ce baptême a sans doute été le premier fil conducteur, celui qui m’a liée à Dieu, sans que je ne puisse réellement en être consciente. Celui qui m’a protégée, et qui m’a ouverte à quelque chose de bien plus grand que ce que l'on peut toucher sur cette Terre.
Il est important de savoir que, avant même de naître, chaque enfant choisit minutieusement la famille dans laquelle il viendra au monde. Durant ces neuf mois dans le ventre de la mère, une connexion profonde s’établit entre les parents et l’enfant à venir. Et de ce choix découle une multitude d’événements qui marqueront l’histoire de l’enfant tout au long de sa vie. Je reste intimement convaincue que tout ce qui arrive n’est pas un simple hasard.
Cette connexion est bien plus qu’un simple lien biologique. Elle est tissée de prières non prononcées, d’attentes silencieuses, de gestes d’amour et de sacrifice, souvent imperceptibles, mais ô combien puissants. Les parents, par leur foi et leur amour, deviennent les vaisseaux par lesquels Dieu transmet Sa lumière, préfigurant ainsi ce que l’enfant vivra tout au long de sa vie.
Il ne s’agit pas seulement de donner la vie dans son sens littéral, mais d’accompagner une âme dans sa venue sur Terre. Ce processus spirituel se déroule avant même que l’enfant n’ouvre les yeux, et tout ce qui se joue pendant cette période forge la base de sa future destinée.
Ainsi, le choix des parents, leur manière d’élever l’enfant, d’incarner des valeurs, de manifester l’amour, sont bien plus que des gestes quotidiens : ils font partie d’un plan divin bien plus vaste. Et à travers eux, l’enfant est appelé à s’épanouir et à découvrir son propre chemin vers Dieu.
Pour ma part, je n’ai jamais manqué de rien.
J’étais une enfant assez effacée, timide, silencieuse… mais avec une imagination débordante, un monde intérieur qui débordait souvent de ce que mes mots pouvaient contenir.
Toujours entourée, toujours aimée, et surtout… toujours protégée.
À l’école, cela devenait habituel : "Enfant timide, qui ne parle pas beaucoup — voire pas du tout."
Je n’avais aucune lacune, aucun retard, aucune blessure. Et pourtant pour beaucoup, un enfant sans voix était un enfant sans vie.
Comme si le silence ne pouvait être qu’un vide synonyme de tristesse, de malheur et de désespoir qu’il faut absolument guérir.
Mais dans mon silence, il y avait un univers rien qu’à moi. Un lieu calme où je pensais, ressentais, rêvais.
Je ne retiens presque rien d’autre de cette période que ce mot : timide. Il m’a collée à la peau comme une étiquette qu’on pose trop vite et qui reste accrochée trop longtemps.
Mais aujourd’hui, je comprends que cette timidité était une forme de protection, un manteau léger pour mon âme sensible. Et peut-être… une manière pour Dieu de me garder au chaud, en silence, le temps que je sois prête à faire entendre ma voix à ceux qui seraient prêts à l’écouter.
Elle me définissait avant même que je n’ouvre la bouche.
Et pourtant, en moi, il y avait tant d’attachement, de curiosité, de sensibilité au monde. Je ressentais les choses intensément, profondément, parfois trop pour pouvoir les traduire en mots. Alors je les gardais, simplement en attendant que ceux-ci veuillent bien sortir. Les adultes voyaient en moi une enfant douce, discrète, presque trop calme. Il m’arrivait de s'émerveiller d’un rien : un rayon de soleil sur un mur, le chant d’un oiseau, un écureuil qui montait à un arbre. J’étais peut-être silencieuse, mais je vivais tout.
J’ai vécu tout ça de la meilleure façon qui puisse être, grâce à mes parents : ma mère et mon père.
Ma mère, surtout, a été ma "mère-veilleuse".
Celle qui n’a jamais cessé de me soutenir, peu importe les épreuves. Celle qui se battait non seulement pour elle-même, mais aussi — et peut-être surtout — pour moi.
Elle avait cette force douce, cette foi solide que rien ne pouvait ébranler. Une foi calme, discrète, mais indestructible.
Elle priait sans faire de bruit. Elle aimait sans condition. Elle se relevait sans plainte.
Je l’ai toujours vue comme une femme douce, compréhensive, courageuse et prête à tout pour protéger ceux qu’elle aime.
Elle était la dernière d’une fratrie nombreuse, et je crois que c’est là, dans le cœur de cette grande famille, qu’elle a appris l’importance de la patience, du partage, et de la force intérieure.
Ma mère m’a transmis plus que des mots.
Elle m’a transmis une façon d’aimer, une manière de croire, et surtout, une manière de tenir bon dans le silence, dans l’ombre.
Elle m’a appris que l’on peut être discrète et puissante. Timide et présente. Silencieuse, mais pleine de foi.
Quant à mon père, c’est un homme au grand cœur sensible.
Un homme qui a vécu loin de sa famille, loin de ses repères, et qui a dû apprendre, très tôt, à vivre sans la présence constante de ceux qu’il aime.
C’est un homme entier, avec ses forces, ses silences, ses défauts et ses qualités. Il n’a jamais été parfait, mais il a toujours été vrai.
Il s’est battu pour sa réussite personnelle, pour bâtir une vie stable, pour offrir à sa famille le meilleur de ce qu’il pouvait donner, même lorsque cela lui coûtait.
Il a toujours voulu faire les choses à fond — dans son travail, dans ses projets, dans ses relations. Un homme de parole, d’effort, et de persévérance.
Mais c’est aussi un homme qui a connu des périodes sombres, des moments de doute, de fatigue, peut-être même d’épuisement. Il a dû apprendre à rester fort, même quand tout vacillait à l’intérieur.
Je l’ai vu, parfois, lutter en silence. Mais je l’ai vu aussi se relever, continuer, aimer à sa manière.
Sa manière à lui, c’était d’agir plus que de dire. Mon père m’a transmis cette idée que la force ne crie pas. Qu’elle peut être discrète, pudique, mais profondément ancrée. Il m’a montré qu’un homme peut être sensible sans être faible, qu’il peut être fatigué sans être brisé.
Et je crois que mes valeurs ont été profondément inspirées grâce à mes deux piliers. Tout cet ensemble a été doucement et profondément guidé par Dieu. J’en suis intimement convaincue.
Mes parents, dans leur différence et leur complémentarité, ont incarné des piliers essentiels : l’amour, le respect, la patience, et la bienveillance.
Deux âmes distinctes, deux façons d’aimer, deux histoires de vie — réunies par quelque chose de plus grand qu’elles. Par la grâce de Dieu.
Chez moi, on ne parlait pas forcément de foi tous les jours, mais elle était là, en filigrane.
Dans la manière de se soutenir, de se respecter même dans les désaccords, dans les gestes simples du quotidien, dans la constance de l’amour transmis sans condition.
C’est ensemble qu’ils m’ont appris ce que veut dire être une famille : pas une perfection, mais une volonté constante de faire grandir l’autre, de l’élever.
Ils m’ont appris que l’on peut aimer différemment mais profondément, que l’on peut être forts ensemble même si chacun porte ses fragilités et ses différences.
Et ils m’ont montré, sans avoir à me l’expliquer, que tout cela était possible parce que Dieu veillait, doucement, silencieusement, sur notre maison.
Dans leur union, j’ai compris que l’amour n’est pas seulement un sentiment, mais une décision, une fidélité, une mission.
Et j’ai compris que le respect, l’écoute, la tendresse… ce sont des valeurs divines, des reflets de l’amour que Dieu lui-même nous porte, jour après jour.
Annotations
Versions