Chapitre 3 - La vie continue

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Ces petits boulots, malgré leur apparente banalité, ont été une école de vie. Ils m'ont permis d'enlever l'étiquette de timide qui me collait à la peau. Je n'étais plus cette jeune femme recroquevillée dans sa solitude, elle qui se cachait derrière les murs du silence. Non, dans la restauration, il fallait être rapide, s'adapter, savoir jongler entre les tables, les commandes, les clients, tout en gardant un sourire — ou du moins en feignant de l'avoir. Et petit à petit, je me suis habituée à cela. Je me suis habituée à parler à des inconnus, à faire face à des situations inattendues, à m'improviser une vie qui bougeait sans cesse autour de moi. Je suis sortie de ma coquille. J’ai osé être moi, même dans ces moments de chaos.

J’ai rencontré des personnes venant des quatre coins de la France. Chacune avec sa propre histoire, son propre parcours, mais toutes avec un point commun : une ouverture d’esprit qui m’a permis de respirer, d’apprendre. Les soirées après les services, les échanges, les rires, tout cela a commencé à m’offrir ce que je n’avais plus connu depuis des années. Je me suis mise à rigoler de bon cœur, à aimer les petites choses, à apprécier la compagnie des autres, sans me sentir en décalage, sans me cacher. J’ai commencé à me rouvrir à la vie, à sentir cette chaleur humaine qui m’avait manquée.

Vivre. Respirer. C'était ça, tout à coup. La magie n’était plus dans un rituel ou dans un sort, elle était dans ces moments partagés, dans ces échanges où l’on se sentait enfin réel, dans le bonheur simple de pouvoir rire, d'être entourée, de comprendre que l’on n’était pas seule.

Ce moment a marqué un véritable tournant dans ma vie. Un épanouissement personnel que je n'avais pas vu venir. J'avais réussi, sans même m'en rendre compte, à sortir de ce mal-être qui m’avait tant plombée pendant des années. Je n’étais plus cette jeune femme perdue, noyée dans ses pensées noires et dans un silence étouffant. Non, je vivais. Je respirais enfin, pleinement, à ma manière.

Les petits boulots en restauration m'ont montré que je pouvais exister autrement. Que je pouvais prendre part à la vie avec légèreté, sans chercher à tout contrôler, sans avoir peur du jugement des autres. Là, dans ce monde agité de services et de rencontres fugaces, j’ai appris à m’ouvrir, à lâcher prise, à sourire à la vie. C'était une victoire douce, mais tellement précieuse.

Je me suis retrouvée, pas dans des accomplissements impressionnants, mais dans des instants simples de bonheur. Dans un rire partagé, une conversation à la fin d’un service, un regard complice échangé avec un collègue. Je n'étais plus dans l'ombre de ma peur. J'avais trouvé un chemin vers la lumière, même s'il était encore flou. Mais ce chemin, c'était le mien, et il m’a permis de me sentir enfin en vie.

Et après avoir tant perdu de mon humanité, j’ai fini par perdre aussi ce qu’il y avait de plus précieux autour de moi : les liens. Les regards. Les attentions. Et surtout… ma mère. Dans ma douleur, dans mon enfermement, je n’ai pas vu tout ce que je laissais derrière moi. Je l’ai mise à distance, parfois sans m’en rendre compte, parfois parce que je pensais devoir le faire pour survivre, pour respirer. J’ai voulu tout gérer seule.C'était mon choix. Je ne voulais plus dépendre de qui que ce soit, ni devoir me justifier, ni alourdir les autres avec mes failles.

J’ai appris à me débrouiller, parce que c'était devenu une nécessité. Je ne voulais plus être cette personne fragile. Je voulais tenir debout, coûte que coûte, même si c’était bancal. Et ce besoin de contrôle, cette volonté d’avancer à ma manière, a souvent été perçue comme une forme de rejet. Comme si j’avais tourné le dos à ceux qui voulaient m’aider. Comme si je n’avais plus besoin d’eux. Et c’est vrai. Je me suis éloignée.

Pas parce que je ne l’aimais pas. Mais parce que j’étais en guerre à l’intérieur de moi-même. Et dans une guerre, on ne pense pas à ceux qui attendent dans le silence. On pense juste à survivre… Et puis un jour, on commence à penser à vivre. Pas pour les autres. Pas pour répondre à des attentes. Mais pour soi. Après m’être perdue dans les extrêmes, dans la douleur, dans la fuite, dans le silence, j’ai fini par me rencontrer. Pas d’un coup. Mais par petites touches. Un détail dans un geste. Une émotion dans un paysage. Un rire dans une discussion imprévue.

J’ai appris à me découvrir. À savoir qui j’étais au-delà de la peine, au-delà des masques. J’ai appris à reconnaître mes qualités — même celles que je n’osais pas nommer. La sensibilité. L’écoute. La force tranquille. Et mes défauts aussi. Mon impulsivité parfois. Ma tendance à m’isoler. Mais j’ai compris qu’ils faisaient partie de moi, qu’il ne s’agissait pas de les effacer,mais de les comprendre et de les accepter.

J’ai appris ce que j’aimais.Et surtout ce que je n’aimais pas. Ce que je ne voulais plus tolérer. J’ai commencé à choisir. À faire des choix qui me ressemblaient, et non plus des choix dictés par la peur ou la nécessité. C’était le début d’une autre forme de liberté. Une liberté douce. Silencieuse, mais pleine de lumière. Celle de se dire enfin : "Je peux vivre. Pour moi. Et en paix. Et je vais y arriver."

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