Les Ombres de la Nuit
Quand l'humaine s'endort, la maison s'éveille.
Je me mets à l'écoute de ses multiples bruits. Ils sont des messages d'une clarté absolue pour moi, je ne peux les expliquer, ils se ressentent.
Tous mes sens sont en émoi, la maison me parle.
Elle vit, elle enfle, elle craque, elle chuchote.
La pénombre s'habille de multiples nuances.
Les odeurs deviennent pénétrantes. Persistantes.
Dans les murs, j'entends les nombreux habitants invisibles gratter, ces squatteurs creusent les galeries qui leur permettent de circuler.
Leurs petites pattes travaillent sans relâche, ainsi elles voyagent au sein de la maison, de son toit s'ouvrant sur le ciel, à ses fondations profondément enfoncées dans le sol.
Je voudrais faire comme elles.
Je voudrais creuser des tunnels dans les murs.
C'est pas demain la veille que je m'y mets ! J'imagine les hauts cris de l'humaine !
Déjà, quand je griffe à peine le mur, elle est scandalisée. Sa voix monte comme jamais dans les aiguës, elle me vrille les tympans !
Inutile donc d'essayer. Imaginons que je sois aussi minuscule que les résidentes des murs.
Voilà c'est fait, je creuse des galeries, je me précipite dans les tunnels à la poursuite de ses habitants.
Je pars à la rencontre des mystères obscurs d'en bas, je cours sans contrainte en direction des trésors lumineux du haut.
Je trottine rapidement derrière une petite créature grise, son odeur persistante m'assaille, j'entends son cœur battre à toute allure.
Je ne suis pas plus grand qu'elle, mais elle est terrorisée !
Je devine la peur qu'elle éprouve. C'est délicieux.
Mais, je sens une présence derrière moi, je regarde rapidement. Est-ce possible ? C'est Dodu-poilue ! Que fait-elle là ? À profiter de la galerie que j'ai creusée ? À s'inviter au sein de mon voyage ?
Ses yeux brillent dans l'obscurité, elle ne semble plus si dodue, l'ancienne !
Brusquement, une lumière crue me submerge, j'entends un pas lourd s'approcher de moi. Je lève les yeux, c'est l'humaine, je suis revenu sur le rebord de la fenêtre du couloir. En passant, l'humaine me caresse légèrement. Elle bâille et me dit : « Rendors-toi, petit monsieur ! ».
Oui, c'est le nom qu'elle me donne. Je la suis des yeux, où elle va ? Puis je comprends, elle va dans la cahute qui lui sert de litière (Pouah !). Voilà que j'aperçois Dodu-poilue qui la suit. Elle s'arrête à ma hauteur, lève ses yeux verts sur moi.
J'ai presque l'impression qu'elle me sourit complice, puis elle reprend sa marche digne et lente. Hum... un mystère cette vieille dame quand même, vous ne trouvez pas ?
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