À la poursuite du diamant rose - 1.1 - भेड़िया

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Tout ce qui vit apprend et transmet son savoir.

Ah que coucou !

Hein ? Comment, c’est ridicule ? J’ai trouvé ça dans ta mémoire – ou une autre, cela n’a pas d’importance –, c’était le leitmotiv d’une idole, ou de son guignol – un genre d’avatar si j’ai bien compris. Quoiqu’en approfondissant un peu, un guignol serait plus une idole qu’un avatar, mais l’idole d’une idole ne serait-elle pas un avatar de ladite idole ? Tes contemporains et toi êtes des gens compliqués.

Tu préfères "Eh... What’s up, doc?", bon, OK, mais ne compte pas sur moi pour grignoter une carotte !

Il y a, pfff, une éternité, que je n’ai pas quitté la cavité qui me sert de tanière dans ton cerveau. Après un rapide survol des dernières nouvelles de ton monde – eh oui, il m’arrive de parcourir ta mémoire comme un journal –, je me suis dit que la visite d’un loup-phoque pourrait te dérider.

Mais je sais que tu as hâte que je te conte le périple que nous avons entamé pour récupérer la briolette de Chandra, et comment moult gentes dames s’empressent de le consoler d’un chagrin qu’elles ignorent.

Nous avons donc quitté Alastyn à bord de la caraque qui nous y avait amenés, mais Chandra y passa à peine une demi-journée avant d’être transbordé sur la caravelle de la marquise de Fiume. Avec mon assentiment, il accepta l’invitation à dîner du duc Mael. Invitation, à l’évidence, suggérée au duc par sa nièce. Bon, tu sais comment ça se termine : repas fin, il raccompagne la dame à la porte de sa cabine, elle lui propose de prendre un dernier verre. Enfin, ça, c’est dans ton monde, car dans les contrées de ce monde-ci, où longtemps régna le matriarcat, les femmes sont directes. Teafa convia Chandra à partager sa couche, et il finit la croisière – pardon, la traversée – à bord de son vaisseau.

Je me suis donc retrouvé seul à bord du navire affrété par l’intendant de la comtesse Niamh avec le capitaine et l’équipage, à leur grand dam.

Malgré ma légendaire civilité et mon aimable caractère, ils ont peur de moi. Tu ne réalises pas combien ton espèce est pétrie de préjugés. Sous prétexte que j’ai une grande gueule, garnie de quarante-deux dents rutilantes, dont des canines longues de quatre pouces, vous me pensez agressif et cruel.

***

Tu veux voir ? Regarde, c’est là : https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEh6--ECCMJpt8CdlhnOcGuy8Be1nMFAVHH1l3n3OevTxM5VVWYaQUr4jFqUnFtiRzVDZ1zBZ9sFtvpXqcRTuGM3bsT3OetmdK2WaV7CY4JlnxASG9o7p9oCJc9gzVBa6BpW6tTUT2UPCa2g4nhastk5q96WKqU4vbj_9D0l1rI69rIZ9C-OrC34zjYEAQ/s1600/crocsn.gif

Impressionnant, n’est-il pas ? Et encore, ça, c’est la version pub pour un dentier, pardon dentifrice, quoique ça laisse rêveur. La pub, c’est comme ça qu’on dit ? Oui ! Bon, revenons à mes quenottes qui brillent d’une lumière éclatante, je suis sûr que tu ne souhaites pas les visualiser “rutilantes” dans l’autre sens du mot, celui dans lequel on remplace “lumière” par “rouge”.

***

Alors, imagine trente-sept des tiens confinés – entre parenthèses : j’emploie ce verbe, car il te parle, dans les têtes d’autres époques, j’utilise “cantonner”. Je te demandais donc de concevoir l’état d’esprit de l’équipage contraint de cohabiter avec moi sur un vaisseau de quatre-vingt-sept pieds sur vingt-cinq – soit la surface d’un appartement pour famille ayant trois ou quatre enfants.

Très vite, après quelques heures, certains s’interrogeraient. Combien ça mange une bête pareille ? Huit à dix livres de viande par jour ?

Le lendemain, on échangerait avec ceux de son quart.

« Combien de temps ça peut rester sans manger ?

— Bah ! À l’aller, il a pas mangé !

— J’les ai pas vus embarquer d’viande crue !

— Oui, mais à l’aller son maître était là.

— Pis on naviguait au portant, grand largue. Le vent d’nord-est l’a pas changé lui, pis en c’te saison changera pas. Au près serré, c’est pas cinq jours, mais onze à quinze qu’on va met’ ! »

À quatre ou cinq la température monterait, mais à plus de trente, effet de foule garanti.

« À nous tous, on peut s’en débarrasser, on prend nos sabres et on y va !

— Ouais !

— Ouais !

— Ouais, allons-y !

— C’est qui qui rentre le premier dans la cabine ?

— …

— …

— …

— …

— bon, laissez tomber ! Si on lui filait l’mouss ? »

Déjà que le capitaine, m’abandonnant le gaillard d’arrière, avait délaissé sa cabine pour un hamac au gaillard d’avant avec les matelots. C’est donc contraint et forcé que j’ai dû les influencer, à l’insu de leur plein gré. Sans mentir et par légères touches, je leur ai ouvert les yeux sur l’immense service que je leur rendais en débarrassant leur navire des rats qui infestaient et souillaient les vivres embarqués pour la traversée. Aussi ont-ils spontanément, ou presque, estimé que cela méritait une gamelle d’eau douce que chaque jour un homme différent m’apportait secrètement.

Apaiser leurs inquiétudes d’avoir un gigantesque loup à bord ne fut pas simple. Et ce d’autant moins que loin de leur implanter des pensées lénifiantes, j’avais pris le parti de maintenir une dose de crainte propice à stimuler leur empressement à rallier Fiume. Ce ne fut guère plus facile que de me faire passer pour un poney et ma meute pour un troupeau de moutons – pendant une journée –, aux yeux du commandant et des dix membres d’équipage du cotre qui nous mena de Vulty à Istia.

Je ne veux pas insister sur mon abnégation, mais si je me suis trouvé dans cette situation – réduit à manger quatre à cinq rats par jours, et ce n’est pas vraiment ma viande favorite –, c’est parce que j’ai laissé Chandra aller batifoler, à loisir, avec Teafa, plutôt que rester à mes côtés pour partager sa pitance avec moi.

Bon, je ne suis pas un chat non plus, je ne chasse pas ces rongeurs. Je cherche un esprit retors ; lorsque j’en rencontre un, j’ordonne : viens ici ! et il rapplique devant moi. Une fois c’est le coq qui s’est pointé. Tu comprends, je ne perds pas mon temps à décrypter les pensées d’une proie, dès qu’au contact je sens la roublardise, j’intime. Il se trouve que ce queux versait une dose d’arsenic dans la gamelle d’un gabier qu’il soupçonnait de coucher avec sa femme, ai-je lu en lui quand il est arrivé en face de moi. Peut-être aurais-je dû le manger. J’aurais bien trouvé deux ou trois hommes qui l’avaient vu tomber à la mer, mais faire disparaître celui qui prépare la nourriture aurait créé des problèmes à bord.

Il paraît que votre viande a le même goût que celle du cochon. Je dis “il paraît”, parce que je n’ai jamais dévoré de porc. Du sanglier, oui, mais pas de pourceau.

Ingurgité un morceau de l’un de tes congénères non plus, d’ailleurs.

Tu ne comprends pas comment j’ai pu confondre un être humain avec un rat. Je me lancerais bien dans une explication détaillée, mais tu estimerais que je digresse encore. Alors, crois-moi sur parole, les pensées d’un intrigant qui mijote un mauvais coup ressemblent étrangement à celles d’un gaspard qui se livre à la même occupation.

Le capitaine avait choisi de tirer des bords courts. Tu connais le principe, pour aller d’un point à un autre, ici d’Alastyn à Fiume, si tu dois tirer des bords que tu en tires deux – un bâbord amures jusqu’à un point placé sur la médiatrice de l’orthodromie et un tribord amures jusqu’à destination ; ou vice versa. Hein ! quoi ? Je ne te crois pas ! Allez, je te fais un dessin :

Alastyn Fiume

Bon, il n’y a que les bords, fais travailler ton imagination, l’orthodromie est la droite horizontale qui relie les deux villes et la médiatrice est la droite verticale qui la croise en son milieu – ou que tu en tires quatre, vingt, voire cent, la distance parcourue sera toujours la même. Les durées de trajets seraient également identiques si le vent ne variait ni en force ni en direction. Mais cela n’arrive jamais, et plus les bords sont courts, plus on peut virer dès que le vent refuse et profiter de chaque adonnante pour gagner du temps de traversée. Et puis, dans notre cas, cela occupait les hommes de quart.

Pourquoi je te donne un cours de navigation ? Eh bien, à l’approche des vacances, ça peut toujours servir, non ? Tu ne vas pas te plaindre, c’est gratuit.

Paré à virer ?

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