Journal de Marion

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13 septembre 2018, Kozmic Blues, Janis Joplin.

Le premier amour nous conditionne. J'étais trop jeune pour l'aimer, pour aimer quelqu'un comme lui, sans concessions ni compromis. Et lui aussi, trop jeune. Mais c'est moi que ça a blessé. C'est pour celui qui reste que les départs sont compliqués. C'est mon sourire qui est parti en même temps que Manu. Le sien, il ne l'a jamais vraiment perdu. Ou vite retrouvé. Lui est dur. Lui a toujours su qu’avancer, c’est savoir laisser les gens derrière soi.

J’ai appris très vite qu'il avait retrouvé une copine, et j’ai su trop vite qu'il l’avait trouvée avant même la fin de notre histoire. Je me suis mise en boule, comme un hérisson. J’avais besoin de temps pour penser, de temps pour panser. Je me revois tournant en rond dans mon studio, fumant cigarette sur cigarette, écoutant de la musique, me préparant un café. J’oubliais d’aller en cours, ou plutôt je m’autorisais à les oublier. Jour après jour, effectuer les gestes du quotidien qui permettent de toujours gagner cinq minutes. Cinq minutes sur la douleur. Regarder la télévision, m’étonner de sourire devant une émission et m’en réjouir. Prendre une douche, me forcer à manger une demi-carotte, attendre que le temps passe et qu’il emporte la tristesse avec lui. Je ne me défaisais pas de l’odeur de Manu. Une odeur de biscuit, de lait, de fleurs séchées.

C’est peut-être risible, cette douleur qui se rapproche ridiculement de celle du deuil consécutif à la mort d'un proche. Mais c'est un deuil. Celui qui a connu un véritable chagrin d’amour sait à quel point il est difficile d’oublier l’être aimé. Après une longue période où mon ego blessé m'interdisait de l'appeler, j’essayais de le contacter. Les jours passant, j'avais commencé à avoir besoin d’une explication plus approfondie à notre rupture et je voulais exprimer ma colère d’avoir été trompée puis lâchée du jour au lendemain. Il me refusait même ce droit, cette micro-consolation. Il ne répondait pas, même lorsque j’appelais en anonyme, honteux sûrement, lâche surtout. Heureux peut-être. Trop heureux pour prendre le risque d'entacher son bonheur tout neuf de ma peine. Mon appartement me renvoyait sans cesse des images plus fortes que moi. Images de bonheur, images de nous. J’étais pourtant bien entourée.

Zélie avait rédigé pour moi une liste de « choses à faire pour survivre à la rupture » et remplissait mon réfrigérateur de Kinders et de fromage – mes deuxième et troisième passions après Manu.

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