Jielm

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Je ne m’inquiète jamais de l’avenir.

Il arrive bien assez tôt.

Albert Einstein.

Dehors, la tempête de neige ravage le ciel, cataracte de stries blanches sur crépuscule tombant. Mon paysage vertical se floute, tout disparaît sous l’ombre du déclin. Pour la dernière fois, je grave ce panorama de pics, de falaises, de guerriers enneigés, sur mes rétines fatiguées. Demain, dans mon éternité, ces montagnes me manqueront.

Mon point final approche. Enfin.

Le froid me saisit. Moi qui ne connaissais pas ce mot, j’apprécie ce soir sa morsure et les frissons qu’il m’impose. Je serre l’écharpe ceignant mon cou, ébouriffe mes cheveux glacés. Là, face à la forêt, j’attends ses adieux. Ultime communion à la lisière de l’obscurité. Son hurlement s’élève par-delà a cime ldes pins. Sombre, guttural, vibrant. J’y décèle la tristesse, je lui crie la mienne.

Au revoir mon amie, puisses-tu oublier les hommes.

La baie vitrée coulisse, j’entre. La chaleur du feu de cheminée revigore mon vieux corps. Une dernière bûche pour la nuit, puis je m’assieds à la table de la cuisine.

J’ai, un jour lointain, fait une promesse à la seule femme de ma vie. Le temps est venu pour moi de la tenir. Aurai-je la force d’aller au bout ? Il le faudra, je suis le dernier à détenir la vérité, les autres sont partis depuis longtemps. Je ne peux m’empêcher de sourire lorsque je pense à eux et à leur existence. Leur courage a marqué les esprits. Les raconter, au travers de mes lignes, va exhumer leur âme, ils danseront pour une ultime fois autour de moi.

J’ouvre le bloc-notes.

Mon récit s’étalera d’une traite, d’une nuit. Je me persuade que c’est l’unique solution afin de ne rien oublier. Rationaliser cette histoire est primordial tant semble impossible ce que je vais narrer.

Les mots qui vont suivre rapportent une partie des faits relatés par ma mère. Jamais je ne les ai oubliés.

Souvent, elle me parlait de mon grand-père, de ce qu’il était, de cet homme que je n’ai pas connu, de ses actes. Puis, les yeux rougis, elle me racontait les siens. Je peux dire que je les aime tous les deux. Je retranscrirai au mieux ses paroles. Viendra ensuite ma partie.

À ceux qui trouveront ce journal, je ne dirais qu’une chose : ne nous jugez pas.

Je m’appelle Jielm, mon âge n’a aucune importance.

Une phrase me résume :

Mon existence n’a pas eu de valeur, à l’inverse de ma mort.

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