Tony vient de passer trois jours à dormir. Il n’a fait que marcher au ralenti. Au matin du quatrième jour, il commence à se trouver plus en forme. Les raideurs de son dos au réveil ont disparu, ses cernes aussi. Son visage a retrouvé des couleurs acceptables. Il s’étonne même de refaire quelques exercices de gainage et d’assouplissement pour retrouver davantage de tonus. La veille, il est retourné déjeuner au village. Il a retrouvé le charmant serveur. D’autant plus charmant que celui-ci lui a dit qu’il avait l’air reposé.

Pendant qu’il faisait sa sieste, Raymond est revenu pour finir de nettoyer la piscine. Cet après-midi, le temps est idéal pour la tester. À défaut d’avoir eu l’énergie de prendre la mobylette pour aller d’acheter un maillot de bain, Tony décide de se baigner dans son plus simple appareil. Après tout, il est seul, il peut bien faire ce qu’il veut. Lorsqu’il descend les premières marches, l’eau s'avère glacée. Mais cela ne le démotive pas. Il s'habitue peu à peu à la température avant de s’adonner à quelques allers-retours en brasse coulée. La sensation de liberté de nager nu est délicieuse, et lui rappelle des souvenirs de baignade dans l’océan. Il accélère sa nage par des mouvements plus amples et synchronisés.

Après quelques minutes, il se sent déjà essoufflé. Il ne se laisse pas abattre pour autant et entreprend, après une courte pause, d’enchaîner plusieurs séries de longueur. Son corps est encore verrouillé, ce qui lui arrache quelques grimaces. Pourtant, au bout d’une petite demi-heure, sa nage devient plus agréable. Lorsqu’il estime qu’il a eu sa dose d’effort physique pour la journée, il s’adosse sur le rebord, et contempla le jardin, tout en reprenant son souffle. Il mesure la chance d’être ici.

Soudain, il entend une porte claquer et se retourne brusquement en direction de la maison. Un courant d’air, sûrement. Il s’aperçoit qu’il commence à avoir froid, mais à peine s’est-il décidé à sortir de l’eau, qu’il voit apparaître dans l’encadrement de la porte, un jeune homme qui vient dans sa direction. Aussitôt, il s'accroupit, ne laissant que sa tête dépasser du rebord. Il est gêné. L’inconnu se tient bien droit devant lui, visiblement surpris de voir quelqu’un ici. Tony ne peut s’empêcher de détailler du regard ce jeune homme d’une vingtaine d’années. De type méditerranéen, sa peau bronzée contraste avec son marcel blanc qui s’ajuste sur un corps sportif, comme peuvent en témoigner ses abdominaux que l’on devine aisément. À son poignet, deux bracelets brésiliens et une fin collier en argent autour du cou. Ses cheveux bruns, mi-longs, attachés en queue-de-cheval, laissent apparaître un bijou brillant à l’oreille.

Le garçon retire ses lunettes de soleil qui dévoilent des yeux bleus en amande. Sa moue n’annonce rien de plaisant.

— J’y crois pas, qui êtes-vous ? Et qu’est-ce que vous foutez ici ? balance-t-il, hostile.

Tony est surpris par le ton de sa voix qui contraste avec les traits féminins de son visage.

— Un petit bonjour serait le minimum pour commencer. Visiblement, vous avez oublié les bonnes manières. Je suis Tony Volli, et je suis chez moi. Et vous ? répond-il du tac-au-tac.

Le garçon n’est pas du tout impressionné, semble même amusé de la situation.

— Chez vous ? Elle est bien bonne celle-ci. Ah, mais dites-moi, vous ne seriez pas la nouvelle conquête de ma mère, par hasard ? Rassurez-vous, Anne-Marie Galland m’a appris les bonnes manières, mais en général, je m’assois dessus. Et puis, franchement, rien qu’à votre tête, on voit bien que vous n’êtes pas du tout son genre. Enfin, si je peux en juger par ce que j’aperçois pour l’instant.

Tony écarquille les yeux. Le fils d’Anne-Marie ? Il l’ignorait complètement.