Chapitre 10 : Changement d'humeur

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Tony va boire son thé noir sur la terrasse pour profiter du soleil. Il regarde Maxime, concentré, faire plusieurs longueurs et remarque rapidement qu’il nage nu. Il est gêné un court instant et pense rentrer, mais s’abstient de le faire. Au contraire, il est bien décidé à lui faire comprendre qu’il ne changera pas ses habitudes pour lui. Lorsque Maxime s’aperçoit de sa présence, il lui sourit en le saluant de la main. Il termine tranquillement quelques longueurs sur le dos. Il s’adosse au rebord.

— Salut ! Bien dormi ? Putain, ça caille, mais ça fait un bien fou de nager dès le matin, tu viens ? dit-il sur un ton léger et enfantin.

Etonné de son attitude, Tony lui montre sa tasse de thé fumant.

— T’as vu Valérie ?

— Elle s’excuse, elle a dû partir….

— Ouais, c’est ça, te casse pas la tête, j’ai compris. Et puis, arrête de me reluquer comme ça. T’es en manque ou quoi ?

Sa dernière phrase ramène Tony à la réalité. Une cohabitation avec lui ne va pas du tout être possible.

Maxime en profite pour sortir de la piscine, sans aucune gêne, affrontant avec fierté son regard. Il s’essore sommairement les cheveux avant de s’allonger sur la Chilienne, dans une décontraction étudiée. L’écrivain, les lèvres pincées, se retient de tout commentaire, et s’efforce de garder sa position en buvant lentement son thé.

Il revient poser sa tasse dans l’évier et prendre son livre pour le lire dans la chilienne de libre. Maxime est toujours dans la sienne. Il lui jette un bref regard, avant de s’étirer de tout son long, et de fermer les yeux. Tony soupire, il n’est pas dupe de ce petit jeu. Il décide de faire abstraction de lui et se plonge dans sa lecture.

En fin de matinée, Tony quitte la maison, délaissant Maxime qui a alterné nage et repos. Il a décidé de déjeuner au restaurant La Croix. Il sait qu’il donne l’impression au jeune Gallant de fuir. Ce qui est en partie vrai. S'il est honnête avec lui-même, il est bien obligé de reconnaître que sa présence ne la finalement pas gênée plus que ça. Sa beauté l’a troublé, même. Il s’en veut de ressentir ça. Il pourrait être ton fils ! Après le serveur, c’est la deuxième fois qu’il se sent aussi vieux et si peu désirable. La flatterie de la veille du jeune homme semble avoir apaisé un temps son agacement. Lui qui a commencé son séjour sous les meilleurs auspices, Maxime est venu perturber sa tranquillité. Il se sent encore à fleur de peau. Sa nervosité et son épuisement mental de ces derniers mois n'ont pas dit leur dernier mot.

*

Tony profite d’être en contrebas de la maison pour vérifier si son téléphone portable capte. Alléluia, se dit-il en voyant deux petites barres s’afficher. Il veut appeler David pour lui donner de ses nouvelles, il n’a que trop tardé. Il sait que celui-ci se fait du souci pour lui, alors il tient à le rassurer. Il tombe sur son répondeur et lui laisse un message : Mon séjour se passe merveilleusement bien, je vais pouvoir me reposer. Ne t’inquiète pas si tu n’arrives pas à m’avoir au téléphone, le réseau n’est pas terrible ici. J’espère que tu vas bien de ton côté. Je t’embrasse.

Tony retrouve l'accueil enjoué du serveur qui le reconnaît aussitôt. Mais ce dernier n’est pas aussi disponible que la dernière fois. Aujourd’hui, il y a du monde. Il assiste au ballet incessant du serveur qui déambule d’un pas alerte entre les tables. Il n’ose pas engager la conversation au-delà de sa commande et des remarques convenues sur la météo clémente du jour. Ce qui le chagrine quelque peu, comme si on lui avait volé l’attention dont il a tant besoin à ce moment précis. Lors de ses déplacements professionnels, il a pris l’habitude que l’on s’occupe de lui, il en aurait presque oublié qu’il est ici en tant que monsieur tout le monde. Le serveur semble avoir lu dans ses pensées, car il revient deux fois le voir pour savoir si tout se passe bien pour lui, Tony est content.

Après avoir s’être régalé d’une entrecôte généreuse, il s’offre une mousse au chocolat, certes écoeurante, mais tellement réconfortante. L’addition payée, il va faire un tour dans le village qu’il n’a pas encore pris le temps de découvrir. Muni d’une casquette et d’une paire de lunettes de soleil, il arpente tranquillement les rues. Il remarque qu’un couple n’a pu s’empêcher de se retourner vers lui, d’un regard insistant, surpris de voir l’écrivain voir en chair et en os.

Cette balade digestive lui remonte le moral. Il se dit qu’il y a peut-être moyen de s’y prendre autrement avec le fils de son éditrice. Pourquoi ne lui proposerait-il pas de dîner avec lui ce soir, pour faire plus ample connaissance ? Après tout, si celui-ci est bien décidé de rester, il ne voit pas comment il va pouvoir faire pour le chasser. Et si cela se trouve, c’est histoire que de quelques jours !

Lorsqu’il franchit la porte de la maison, il tombe nez à nez avec Maxime, en pleine conversation houleuse au téléphone.

— Ah, bah tiens, justement, voici ton petit protégé qui revient… Oui, il a l’air d'aller bien… Mais oui, arrête, puisque je te dis que… C’est toujours la même chose avec toi… Oh, et puis, tu sais quoi ? Laisse tomber, j’ai compris !

Maxime, les larmes aux yeux, le fusille du regard et lui tend le combiné en tremblant.

— Tiens, c’est ta boss. Elle veut absolument vérifier que tu n’es pas mort. T’es content, t’as gagné. Elle veut que je me tire pour te laisser tranquille. Allez vous faire foutre, vous deux, dit-il sans ménagement, avant de claquer la porte derrière lui.

Tony se fige un instant, le temps de répondre à son interlocutrice.

— Allô, Anne-Marie ? dit-il, avec une pointe de gêne.

Mais aucune voix ne se fait entendre au bout de la ligne.

— Allô, Anne-Marie, tu m’entends ?

Toujours rien. Il n’a d’autre choix que de raccrocher. Il essaye de la joindre à son bureau en vain. Il laisse de longues sonneries retentir à son domicile sans que personne ne décroche non plus. Il se promit de réessayer dans l’après-midi.

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