Tyler resta figé, son cœur rata un battement. Pourquoi diable Ace l'appelait-il ? Il n'aurait jamais imaginé qu'il soit du genre à aimer parler au téléphone que les messages existaient et permettaient d'éviter une conversation.

Il s'empressa de décrocher avant que la sonnerie ne s'arrête. Il attendit. Il attendit encore. Il jeta un coup d'œil à l'écran : le moniteur décomptait les secondes. Il se concentra et finit par entendre une respiration à l'autre bout du combiné. Il comprit alors qu'Ace était en train de rassembler son courage. Il avait dû agir sur un coup de tête, comme à chaque fois, et maintenant, il ne savait plus comment s'y prendre.

Tyler posa alors son téléphone à côté de lui, croisa les bras derrière la tête. Il n'allait certainement pas lui faciliter le travail. Il fixait son plafond, mais un sourire flottait sur ses lèvres.

Pourtant, il avait passé une mauvaise semaine ; Ace n'avait plus donné de signe de vie et et lui aussi, n'avait rien fait pour en avoir. Il avait imaginé mille scénarios dans sa tête, dont les trois quarts se terminaient mal pour lui. Mais jamais il n'aurait pensé qu'Ace l'appelle. Il avait parfaitement conscience que cela aurait une grande importance pour la suite.

Il finit par fermer les yeux, bercé par la respiration de son ami. Peut-être voulait-il juste avoir un lien avec lui.

— Tyler ?

La voix grave d'Ace, amplifiée par ses écouteurs sans fil le fit frissonner. Il avait chuchoté son prénom si bas qu'il en eut la chair de poule.

— Oui ?

— Tu dors ?

Tyler retint le rire incontrôlable qui manqua de le secouer. Il était une boule de nerfs et cette remarque absurde eut l'effet d'une bombe.

— Si je t'ai répondu, c'est que je ne dors pas.

Il regretta son ton sarcastique mais il entendit un léger rire à l'autre bout.

— Je voulais te parler.

Ace se racla la gorge.

— Je veux dire, j'avais besoin de te parler.

Il se tut un instant.

— Je viens littéralement de passer cinq minutes à créer un discours à peu près convenable mais j'ai déjà tout oublier.

— Heureusement que tu es plus doué pour retenir tes cours.

Nouveau rire. Le sourire de Tyler s'élargit. Soudain, le silence se fit. Il retint sa respiration, ses mains étaient moites et il avait bien trop chaud.

— Pardonne-moi. Vraiment. Je n'aurais jamais dû agir comme je l'ai fait, après qu'on s'est.. embrassés. J'ai été lâche, je t'ai laissé comme une merde, comme si tu ne valais rien. Mais ce n'est pas vrai. Tu es quelqu'un d'incroyable, et j'ai été trop bête et...

— Je te pardonne, Ace, le coupa-t-il en chuchotant.

Il avait peur de parler, au risque que sa voix ne trahisse l'avalanche d'émotions qui le submergeait à cet instant.

— Non, laisse-moi finir s'il te plaît. Je veux que tu saches tout ce que je ressens pour toi.

Tyler se mordit les lèvres, les yeux brillants.

— J'ai été trop bête d'avoir agi comme ça, avec toi. De t'avoir fait autant de mal. Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Dès les premières fois qu'on s'est vus à la bibliothèque, j'ai été.. ébranlé en te voyant. Je n'avais jamais connu quelqu'un comme toi. Tu me faisais peur parce que je savais déjà que notre rencontre n'allait pas être anodine pour moi, alors je me suis enfermé derrière ma carapace de fer. Tu es mon exact opposé et j'aurais adoré être comme toi si... enfin, tu vois. La première fois que tu m'as embrassé, ça a été la goutte de trop. Tu faisais naître en moi des sentiments que je ne voulais pas ressentir, surtout envers un homme. J'ai dû m'éloigner pour survivre à ce choc. Quand on a renoué le contact, j'ai été content, même si je ne voulais pas me l'admettre. Je ne m'étais jamais senti aussi bien depuis longtemps, surtout en présence de quelqu'un d'autre. Et quand on s'est à nouveau embrassé chez moi, je... je pourrais pas te dire ce que j'ai ressenti. J'avais tellement envie de le faire, si tu savais ! Mais je regrette tellement la façon dont j'ai réagi.

Le jeune homme s'interrompit pour reprendre son souffle. Tyler était immobile dans son lit, comme si le simple fait de bouger ferait voler en éclats le rêve dans lequel il se trouvait. Il comprenait ce qu'Ace venait de lui dire, mais il n'arrivait pas à le croire. Etait-il vraiment en train de lui annoncer ce à quoi il pensait ?

— Je t'apprécie, Tyler. Je t'apprécie vraiment. J'ai envie de me jeter dans l'inconnu avec toi, de suivre mes sentiments. Je veux le faire avec toi. Est-ce que tu le veux aussi ?

— Bien sûr que je le veux.

Sa voix vibra sous l'émotion. Il l'entendit soupirer de soulagement.

— J'ai peur. Je vais avoir besoin de ton aide, parce que je ne connais rien à tout, et tu sais à quel point je déteste ne pas maîtriser la situation. Je ferais des efforts, je te le promets. Je ne veux plus te faire du mal, mais j'ai peur de ne pas y arriver.

Ace renifla et il compris qu'il pleurait. Son cœur se brisa. C'était la première fois qu'il se montrait si vulnérable, et il n'était pas là pour le prendre dans ses bras et lui dire que tout ira bien.

— Ace, écoute-moi bien : nous allons essayer et nous allons réussir. Tu sais à quel point je suis têtu, je ne te lâcherai jamais. Je sais que ce n'est pas facile de découvrir qui on est réellement, de devoir faire face à soi-même et à tous ses coups qu'on se prend en pleine gueule. J'ai traversé la même chose que toi et j'ai survécu. Alors tu y arriveras aussi.

L'Espagnol ne répondit rien et Tyler crut qu'il avait raccroché.

— Tu es le premier homme que j'ai embrassé. J'espère que tu te rends compte de la chance que tu as.

— Et je suis sans doute le premier auquel tu présentes tes excuses, aussi. Je suis touché par la grâce divine, ce n'est pas possible autrement !

Ace éclata de rire, ce qui réchauffa son cœur.

— Nous allons y aller petit à petit. Ne te mets pas de pression, peut-être que finalement tu te rendras compte que...

— Que quoi ? Tu penses que ce je ressens est faux ? Je sais maintenant ce que je veux, Tyler. Je veux explorer ces nouveaux sentiments ce que tu fais naître en moi. Je veux les explorer avec toi.

— Tu ne peux pas savoir comme je suis heureux, lâcha Tyler dans un souffle.

Son silence était bien plus expressif que des mots.

— Promets-moi une chose, ordonna-t-il. Promets-moi que tu ne changeras pas ton comportement, que tu ne te mettras pas de pression. Je veux continuer d'apprendre à connaître le Tyler tel que je l'ai toujours connu. Prétentieux, arrogant, sûr de lui. Beau, aussi.

Le sourire de Tyler s’agrandit encore.

— Je vois. Tu veux avoir affaire à Mr. Parfait.

Ace gloussa.

— C'est ça. Je crois que je suis maso, finalement.

— Oh tout de suite ! D'accord, c'est promis, ajouta le blond.

— Merci.

Les deux hommes se turent, chacun voguant sur une mer de nuages cotonneux. Ils se sentaient légers, Ace parce qu'il avait avoué ses sentiments et qu'il se sentait libéré d'un poids, Tyler car il n'aurait pas pu rêver mieux. Celui dont il s'était amouraché depuis le départ venait de lui avouer ses sentiments réciproques. Il se surprit à penser à Morgan : ce petit con avait raison, il arrivait toujours à ses fins, au bout du compte.

— Je vais aller dormir, lança Ace. J'ai assez fait de révélations pour ce soir et il est tard. J'ai peur de dire des choses que je n'assumerai pas au réveil.

— Comme quoi ? demanda-t-il en se redressant brusquement.

— Bonne nuit, Mr. Parfait.

Il secoua la tête.

— Bonne nuit.

Il se laissa retomber sur le dos. Il était aussi excité qu'un gosse la veille d'une sortie dans un parc d'attractions. Son cerveau tournait à plein régime, ses fantasmes se réveillèrent et le torturèrent. Honteux mais dénué de remords, il glissa sa main dans son caleçon et ferma les yeux, laissant les images le submerger.

Ace venait de lui faire le plus beau cadeau de Noël.