Chapitre 2

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Sandie

Los Angeles, Septembre 2018.

« J'entends tambouriner à ma porte. Je saisis le cran d'arrêt dans mon sac, cran d'arrêt qui ne me quitte plus depuis la mort de ma mère. Celui-là même qui lui a tranché la gorge et que Caleb a balancé au pied de ma mère, en demandant à ses sbires de tout faire disparaître.

Je vois qu'il s'agit de Shelby Adams, une des danseuses du club où je me produis, je suis comme elle, danseuse, comme l’était ma mère et comme Caleb m’a appris à le faire. Shelby est accessoirement ma meilleure amie depuis deux ans.

J'ouvre la porte au moment où son bras se lève de nouveau pour tambouriner à ma porte.

— Hé, tu veux réveiller tout le palier ! dis-je.

— Rhoo ! ça va, je n’ai pas fait un trou dans ta porte non plus, me dit-elle en la poussant et en pénétrant dans mon appartement.

— Qu'est-ce que tu fous là ? T'as vu l'heure ! Tu ne bossais pas aujourd'hui, tu devrais être dans les bras de Morphée ou de je ne sais quel apollon, remarqué- je

— Pour répondre à tes questions, non je ne bossais pas, oui j'étais dans les bras de Morphée et non, pas d'apollon qui me faisait grimper aux rideaux ; le seul truc qui m'a fait grimper au rideau, c'est le bruit de mon portable lorsque Babeth a décidé d'écourter ma nuit ! Tout ça pour m'apprendre que tu avais fait des tiennes mais que cette fois, c'était pas passé crème puisqu’il t’avait dit de prendre la porte ! Enfin pas au sens propre bien entendu, quoique tu aurais pu te connaissant...

— Shelby abrège, j'ai un mojito qui m'attend là.

— Un mojito ! A six heures du mat ? Sans blague. Hé ! j'en veux un aussi !

— Bon Shelby, ne me dis pas que tu t'es tapée vingt minutes de transport pour me parler de ma sortie spectaculaire, alors que tu aurais pu tout simplement me téléphoner ?

— Si je t'avais simplement téléphoné, je n'aurais pas pu profiter d'un bon mojito, qui soit dit en passant, va se réchauffer dans ton verre si tu ne le bois pas, je dis ça, je ne dis rien, mais je pourrais peut-être en profiter...

— Shelby !

Je l'arrête avant qu'elle ne parte dans de grands discours sans queue ni tête ou dans un délire des plus profonds. Son truc à elle, c'est tout un tas de films tordus qu'elle se crée dans sa tête. Ça part d'un rien et elle en fait un roman. Je l'adore pour ça également, car parfois ça fait du bien de décrocher de toute cette galère qu'est ma vie et dont elle ignore la majeure partie, hormis que je viens de Barstow.

— Ok ok ! reprend t'elle, tu as donc dérouillé le secrétaire général de je ne sais quoi, t'aurais pu t'en prendre à un moins gros poisson, quoi qu'il fasse plus partie des bovins ; porc serait peut-être plus justifié, surtout qu'il paraît que tu lui as fait un groin tellement énorme que ...

— Shelby !

— Oui tu as raison, je m'égare. Bref, le patron était fou, il a dû lui promettre que personne d'autre n'ébruiterait cet incident et qu'il pouvait venir aussi longtemps qu'il le voudrait, que pour lui ce serait gratuit pendant une année complète, tous services compris. Il a dit cela devant toutes les filles et a ajouté que si la moindre rumeur fuitait, il s'occuperait personnellement de son cas. Il a ensuite pris Babeth à part et lui a demandé de t'appeler pour te dire de te pointer à huit heures pétantes dans son bureau demain, enfin aujourd'hui vu qu'il est six heures maintenant.

— Qu'est-ce qu'il me veut ! Ça ne lui a pas suffi de me mettre dehors ! dis-je en criant

— Euh...Jackie « chan » …cette fois-ci, c'est toi qui vas réveiller tes voisins si tu continues à crier.

—Rhoo... très drôle Sherlock, dis-je.

Eh ! Ce n’est pas moi qui lui ai défoncé la tronche pour qu'il ressemble à si méprendre à groin groin le porcinet, d'après ce que m'a décrit Babeth.

— Que me veut il ?

— Qui Porcinet ?

— Non, Shelby… Michael, le boss. Sais-tu ce qu'il me veut ? Est-ce que Babeth en a entendu plus ?

— Non, mais Babeth n'est pas très chaude, enfin si je peux m'exprimer ainsi, rit-elle, avec la soirée qu'elle a passé entre les jambes...

— Shelby ! Punaise !

— Oups... d'accord, d'après ce qu'elle a entendu juste en passant devant son bureau pour partir, c'est qu'il prévoyait de recontacter un mec qui l'avait appelé quelques semaines plus tôt, pour lui demander des renseignements sur une de nous. Ce mec lui a envoyé une photo et le boss disait à Jo, tu sais son bras droit, qu'il avait très bien reconnu la personne qu'il recherchait. Il a fini par ajouter "Jackie va avoir droit à un traitement de faveur et moi je vais me faire des couilles en or en rappelant ce Caleb", me raconte t-elle.

Toutes les couleurs quittent mon visage, je commence à voir des petits points noirs danser devant mes yeux, une sueur froide longe ma colonne et si Shelby ne me rattrapait pas au dernier moment, je me serais fracassée la tête sur la table basse.

— Jackie ! Jackie ! Purée, qu'est-ce qu'il t'arrive ! réponds-moi, on dirait que t'as vu un fantôme, purée de moustiques de crotte de mammouth ! tu vas me répondre ? Qui c'est ce type ?

Elle court à la cuisine récupérer mon mojito et en boit une gorgée, avant de me le tendre.

— Bon sang, il est bon ce con… euh... pardon c'est pour toi, bois le ça va te redonner des couleurs, parce que... nom d’un chien, tu as forcé sur le rhum blanc, waouh, ça dégage... Jackie regarde-moi, tu m'inquiètes, parle-moi.

— L'enfoiré… murmuré je.

— Qui le boss ? Ou ce Caleb ? Jackie, j'ai un mauvais pressentiment là. Babeth m'a fait flipper et elle ne le sent pas trop. Elle n'a pas pu écouter toute la conversation de peur qu'on la découvre derrière la porte.

— Il faut que je parte d'ici, je n'ai plus le choix. Il a dû déjà appeler Caleb et il doit être en route pour Los Angeles ! Combien de kilomètres devrais-je mettre encore entre lui et moi !

J'ai les larmes aux yeux et les mains qui tremblent. Je finis à genoux sur le parquet de mon salon.

— Jackie mais qui c'est ce type ? Qu'est-ce qu'il te veut ? Et pourquoi il te cherche ?

— Oh, crois moi Shelby, moins tu en sais, mieux c'est pour ta sécurité, dis-je dans un souffle

— Non non non, tu ne vas pas t'en tirer comme ça ! Jackie Fischer ! Ça fait deux ans qu'on se connaît bordel ! C'est moi qui t'ai branché sur ce club pour que tu puisses garder ton appart. Deux ans que l'on partage les bons et les mauvais moments, mince Jackie, tu ne peux pas me faire ça, j'ai besoin de comprendre pour t'aider !

— Mais tu ne comprends pas Shelby ? Personne ne peut m'aider, personne...

Je me relève et me dirige vers le canapé entraînant mon amie avec moi, nous nous asseyons sur mon sofa.

— Écoute Shelby et surtout ne m'interromps pas, ok. Ce Caleb, tu vas l'éviter comme la peste et le choléra, tu ne dois en aucun cas te rapprocher de lui ou rester dans la même pièce seule avec lui, tu m'entends ! avertis Babeth de faire la même chose, je t'en supplie !

— Mais...

— NE M'INTERROMPS PAS ! C'est un psychopathe, il fait du trafic d'organes, la traite des blanches, en plus de la vente d'armes et de drogue. C'est ça son business. Ma chérie crois moi, tu n'as pas envie d'être dans son viseur. Fuyez-le toutes les deux, n'essayes surtout pas d'en savoir plus sur sa petite personne, il n'est pas très intelligent de le séduire, crois-moi, ma mère en a perdu la vie, dis-je une boule dans la gorge et les yeux emplis de larmes.

— Ta mère ? Tu ne m'avais pas dit qu'elle avait été tuée, tu m'as seulement dit qu'elle était décédée, j'ai supposé que la maladie ou un accident l'avait emporté ? Comment est-elle morte ?

— Si je ne t'en ai pas parlé, Shelby, c'était pour ta propre sécurité, je te connais, tu aurais essayé d'en savoir plus. En fouinant, tu aurais pu être repérée sur internet par son hacker. Cet homme, Caleb, n'en ai plus un depuis longtemps, à supposer qu'il le fut un jour.

— Oh, tu lui as coupé ? dit-elle avec un sourire en coin pour détendre, je suppose, l'atmosphère.

— Non, andouille, quoique j'aurai bien aimé mais à l'époque j'étais jeune, j'avais dix-huit ans quand je me suis enfuie et ne savait pas encore me battre. Shelby, je veux que tu me promettes de ne pas te mettre en danger. Jure-le-moi !

— Ok, je te le jure mais tu me fais flipper. Où vas-tu aller ?

— Je ne sais pas encore mais loin, très loin ! Je dois me dépêcher. Aide-moi à préparer ma valise, il est déjà sept heures et dans une heure si j’ai bien compris, je suis sommée de me présenter au club.

Une fois ma valise prête, je cours à la douche en prenant soin de fermer à clef derrière moi pour pouvoir retirer ma perruque et mes lentilles. Shelby ne m'a jamais vue sans mes accessoires et même, si je lui fais entièrement confiance, je ne peux pas me permettre une seule erreur. Je sais très bien ce que Caleb est capable de faire pour soutirer des informations. Si jamais, il lui montre une photo de moi, lorsque j’étais Sandie, je suis sûre que Shelby ne fera pas le rapprochement, enfin j’espère, puisque maintenant, elle connait une partie de la vérité..

Une fois douchée et revêtue de mes apparats, je sors de la salle de bains et retrouve mon amie, les yeux rougis, assise sur mon sofa.

— Hé, Shelby ? Que se passe t'il ma pomme ?

— Je viens de réaliser que tu vas disparaître, je ne te reverrai plus c'est ça ? dit-elle, les larmes dévalant ses joues.

Je me rapproche d'elle pour la prendre dans les bras, lui murmurant à l'oreille.

— Tu es dans mon cœur, ma pomme et rien de changera cela. Tu vas entendre des choses sur moi, des vraies, des fausses, j'espère que certaines vérités ne te feront jamais douter de l'amitié que j'ai pour toi. Tu as été mon rayon de soleil pendant ces deux années, sans toi, je ne sais pas où je serais aujourd'hui. Quand je touchais le fond, tu me soutenais sans jamais me poser de question. Je t'aime ma pomme, je te fais la promesse de te donner des nouvelles le jour où tout danger sera écarté lorsque je ne risquerais pas de te mettre toi aussi en danger.

Je m'écarte d'elle, ramasse mon sac, lui tends les clefs de l'appartement et sors sans me retourner, le visage baigné de larmes silencieuses que j'ai eu tant de peine à retenir devant elle. »

Je me suis réveillée en sursaut et en larmes à trois heures du matin, écoutant si je n'avais pas énervé mes voisins de chambrée avec mes bavardages. Non, rien, le silence total. En même temps, il y a t'il des clients de chaque côté ? Pas sûr, étant donné l'état de l'hôtel. J'ai pu me rendormir trois heures, avant que mon portable ne sonne le clairon. Courage petite, une magnifique douche t'attend et nettoiera tous tes cauchemars...brr !

Rhoo... j'étais mauvaise langue, elle n'était pas glacée mais juste tiède. Le ballon avait dû avoir le temps de chauffer un minimum, enfin si c'est un ballon d'eau chaude j'suis pas plombier, j'y connais que dal. Première arrivée, première servie d'après moi, les autres clients se démerderont ce n'est pas mon problème. Bref, en attendant mieux, je vais me dire que cela pourrait être pire.

Après avoir remis ma perruque, enfilé un string et un soutif en dentelle noir et rose, mon jeans élimé aux genoux, un tee-shirt blanc et mon bomber noir, je glisse mon téléphone dans la poche intérieure, quelques billets dans l'autre, le pass de ma chambre et me voilà partie.

Oups, le claquage de porte, je pouvais peut-être éviter. En plus, j'ai l'impression que la déco de ma chambre faite d'un joli tableau… fleuri, juste à l'entrée à gauche ; fallait accorder quoi ! ...vient de se décrocher du mur, au vu du bruit sourd.

— Bonjour Madame, me surprend une femme de ménage lorsque je me retourne.

— Oh, euh... bonjour ! pardon, vous m'avez surprise, je ne m'attendais pas à voir âme qui vive de si bonne heure, dis-je à la dénommée... Anna, d'après ce qui est inscrit sur son badge, fixé sur sa blouse. De petite taille, je dirais un mètre cinquante à tout casser, le teint mat, de type latinos, bien en chair, elle me sourit, je poursuis.

— Vous faites le ménage de si bonne heure ? Les gens ne dorment ils pas encore pour la plupart ?

— Sí señora* vous avez raison, c'est pour ça que je fais que celles qui sont libres, me dit-elle avec un sourire, on me paie pour ça, pour satisfaire le client.

Je comprends mieux l'état de ma chambre, si elle ne passe que lorsque les gens sont des lève-tôt forcément y'a des manquements.

— J'espère que c'est bien payé ? dis-je en y mettant une pointe d'ironie, qu'elle ne détecte même pas.

— Pas vraiment ma pauvre señora, mais il faut bien travailler pour nourrir tous mes petits, me répond t'elle.

Culottée la gazelle en plus.

— Ah ? Euh, oui je comprends, combien en avez-vous sans vouloir être indiscrète ?

Après tout, je l'ai peut-être jugée un peu trop vite. Si elle a beaucoup d'enfants, elle doit être déjà bien fatiguée entre son travail de maman et les ménages, d'où le passage plus que rapide dans les chambres.

— Vous n'êtes pas indiscrète señorita*, j'en ai quatre dont deux handicapés mentaux, des jumeaux en plus. Leur père est parti du jour au lendemain et je dois les élever seule. Je suis tellement fatiguée si vous saviez. Heureusement que de gentils clients me laissent de jolis petits pourboires sur la table de nuit, cela arrondit mes fins de mois, me dit-elle avec son fort accent espagnol et en prenant un regard de chien battu.

Ok, j'ai compris le message, madame en veut à mon maigre pécule, elle ne perd pas la boule la p'tite dame. Je ne la sens pas, sur ce coup-là.

— Voulez-vous que je fasse votre chambre esta mañana*, me dit elle.

— C'est gentil mais je n'ai rien sali, je suis arrivée tard donc ce sera pour la prochaine fois si vous voulez bien. J'ai vu que l'on pouvait accrocher à la poignée extérieure, l'affichette pour vous indiquer que la chambre pouvait être nettoyée, je n'hésiterais pas à m'en servir si j'ai besoin.

—Perfecto, cuento con usted*, me dit-elle.

— Ok... à bientôt, réponds-je.

Je n’ai pas compris un mot.

— Hasta mañana* señora.

Il va falloir que je me mette à l'espagnol, la ville de Waco accueille de nombreux migrants latinos donc je pense que ce ne serait pas un luxe d'apprendre deux trois mots. Cela pourrait occuper mes soirées.

Arrivée dans le hall, je me dirige vers le distributeur de boissons, pour boire au moins mon café noir. Il effacera peut-être la tête dans le pâté, que je me trimballe. Je vois, un peu plus loin derrière moi, une dame de ménage, occupée à nettoyer le couloir adjacent. Elle est aussi charpentée que sa collègue, quoiqu'un peu plus grande et moins ossue. Elle a relevé ses cheveux en un chignon vite fait, ce dernier est maintenu par une barrette. Je ne peux m'empêcher de l'interpeller pour lui demander si elle connaît bien sa collègue Anna. Allez savoir pourquoi, un pressentiment peut être.

— Excusez-moi, euh... Madame... Carrie... bonjour.

Même badge épinglé sur sa blouse.

— Bonjour Señora, me répond t'elle.

— Je voulais juste savoir si vous connaissiez bien votre collègue, une certaine Anna, il me semble.

Elle me regarde sans dire un mot, donc je continue

— La dame qui a quatre enfants… dis-je pour la mettre sur la piste.

Soudain, elle part dans un grand rire.

— Ben au moins, je vois que vous avez mangé un clown ce matin. Ma question n'avait pas pour but d'être drôle ou j'ai loupé quelque chose ? grincé-je

— Discúlpeme* señora, mais à voir votre mine défaite, yo suppose qu'elle vous a fait le coup de sa charge de travail mal pagado*, avec ses quatre enfants à charge dont des jumeaux handicapés mentaux ?

— Euh, oui c'est à peu près ça ? dis-je interrogative.

— Elle a dû aussi vous faire le regard triste et vous demander de lui laisser un poco de dinero*, continue t'elle, en frottant dans un geste son pouce et son index, m'expliquant ainsi que dinero, c'est du pognon.

— Encore exact... réponds-je.

Elle repart dans un grand rire ce qui commence à me taper sur le système, surtout à sept heure du mat. Moi, je n’ai pas avalé le clown mais plutôt son nez rouge qui reste coincé dans ma glotte.

— Bon, lui dis-je, vous pouvez peut-être éclairer ma lanterne et par la même, me dire ce que veut dire « cuento con usted ». Car l'espagnol et moi, on n’est pas très copain, si vous voyez ce que je veux dire.

— Bueno. Cuento con usted, veut dire « je compte sur vous » mais Anna, c'est l'associée de Miguel, le gérant de l'hôtel et accessoirement son mari, dit-elle entre deux rires, les seuls gosses qu'elle a, sont ses deux petits chiens, des spitz nains ; les gosses sont encore dans las bolas de su marido*, me montre t'elle en plaçant sa main sur son entrejambe.

Ok, j'ai compris la phrase, je pense. Sous-entendu dans les coucougnettes de son mari. De mieux en mieux. Elle repart avec son chariot en me faisant un signe de la main, trop écroulée de rire pour me sortir un mot de plus.

— Punaise la garce, ne puis-je m'empêcher de baragouiner entre mes dents, je vais me la faire, elle va voir ce que je vais lui laisser sur la table de nuit celle-là, une bonne grosse merde, fulminai-je en sortant de l'hôtel.

— Ça va señorita, me dit un gamin d'environ dix, onze ans, assis sur un petit banc, situé contre le mur à droite de la porte d'entrée.

— OH OUI ! c'est une super journée, je sens que je vais m'éclater. Et toi, que fais-tu là de si bonne heure un dimanche, tu ne devrais pas être au lit ?

— Non, pas aujourd'hui, ma maman c'est Carrie. Elle fait le ménage à l'hôtel, elle a bientôt fini. Après on part voir mon oncle et comme il habite à trois heures d'ici, on part toujours après son travail, il y a moins de monde sur la route.

— Ah ok. Dis-moi, par hasard tu ne connaîtrais pas un bar qui rechercherait une serveuse ?

Le gamin me regarde de la tête au pied, affichant un petit sourire en coin. Je n'aime pas ça, que va t'il me dire.

— Ouais, je peux t'aider, me dit-il.

— Ah bon... t'es sûr... t'es pas en train de me la faire à l'envers comme cette bonne vieille Anna ? dis-je

Cela a le mérite de le faire rire.

—Non, j'te jure, j'ai une adresse et je sais qu'ils cherchent toujours du monde, j'ai la maman d'un copain qui est serveuse là-bas.

— Ok et tu pourrais me donner l'adresse s'il te plaît ?

— Combien tu me donnes ?

Ah non ça ne va pas recommencer ! qu'est-ce qu'ils ont tous à vouloir me soutirer du fric ?

— Je vois, si jeune et déjà racketteur à ses heures perdues, ça promet.

— Eh ! J'te raquette pas, je te vends une info c'est pas pareil !

— Ouais, si ça peut te faire plaisir. Combien tu me « vends » cette information ?

— Vingt dollars, me dit-il.

— Dix dollars!

— Quinze, reprend t'il.

— Douze et c'est le mieux que je puisse faire.

— Ok señorita, va pour douze dollars, me dit-il, en me faisant un clin d'œil. C'est au sud de Waco, le bar c'est le « Sudden Death Club* », c'est à neuf stations de bus.

— Le « Sudden Death Club », Ouch... rien que le nom me donne des frissons, tu sais pourquoi ils cherchent toujours du monde ? Les serveuses ne survivent pas ? C'est le turn over ?

Il se marre.

— T'es drôle toi. J’sais pas moi, j'suis trop jeune pour rentrer dans les bars et mama n'y va jamais, elle dit que c'est pas un endroit pour les gens sain d'esprit.

— Ha, sain d'esprit ou simple d'esprit ? lui dis je.

Il rit de nouveau.

— Je crois que mama veut dire, que ceux qui ont toute leur tête ne devraient pas y aller, c'est pas un endroit fréquentable. Pourtant, la mama de mon copain, elle dit que les propriétaires sont très gentils, que même parfois ils lui donnent des sous en plus, parce qu'elle a bien travaillé. Elle revient aussi avec des boites remplies de nourriture, quand tout n'a pas été vendue. Enfin, c'est ce que mon copain m'a dit.

— Et bien, je vais faire confiance à ton copain et je vais aller traîner dans ce secteur, merci pour l'info. La station de bus est- elle loin parce qu'hier, j'ai dû prendre un Uber pour venir jusqu'ici ?

— Au coin de la rue à droite, me dit-il après avoir empoché les douze dollars.

— Ok, merci bonhomme, au fait, je m'appelle Lucía.

— Moi, c'est Pedro.

Je lui serre la main.

— Enchanté Pedro de faire ta connaissance.

— On se verra peut-être demain ? me dit-il. J'attends toujours mama là, après l'école. Si jamais tu as besoin d'autres informations, tu sais où me trouver à partir de quatre heures.

— Du matin ?

— Mais non ! rit il, de l’après-midi. Y’a pas école la nuit.

— Je m’en doute, je te faisais marcher. Tu dois dire seize heures et non quatre heures.

— Sur ma montre, y’a marqué quatre pourtant ?

— Tu as tout à fait raison, mais tu apprendras qu’il faut faire la différence entre le matin et l’après-midi, sinon on ne comprend pas toujours.

— Ben moi, je serais là demain à quatre heures, donc si tu as besoin de moi, je suis ton homme, finit-il en se tapant la poitrine de sa main.

— Ok bonhomme, t'es un p'tit malin toi. Alors peut-être à demain après-midi, seize heures, même endroit, même blague ?

Et je lui fais un petit au revoir de la main en m'éloignant de l'hôtel.

Lexique :

* Senora : Madame.

* Señorita : Mademoiselle.

* esta mañana : ce matin.

* Perfecto, cuento con usted : Je compte sur vous.

* hasta mañana : A demain.

* Discúlpeme : Pardon.

* pagado : payé.

* un poco de dinero : un peu d'argent.

* Sudden Death : mort subite.

* Sudden Death Club : Club mort subite.

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