Chapitre 7

8 minutes de lecture

Ghost

Je la regarde partir en trémoussant ses fesses dans une danse improvisée, suite à un « Cap ou pas Cap » avec Anton. Elle se met à chantonner une chanson qui me rappelle mes jeunes années, devant les dessins animés de Disney. Je rêvais d'être Mowgli pour être libre au milieu des animaux de la jungle. Mais en fait de forêts tropicales, c'est une tout autre jungle qui m'attendait.

— Alors qu'en penses-tu ? me demande Anton lorsqu'il revient vers moi et passe derrière son bar.

— Elle me plaît bien en fait, je ne pense pas qu'elle soit là pour chercher les embrouilles mais plutôt pour les fuir. Je vais la suivre lorsqu'elle sortira, pour en apprendre un peu plus sur elle, puisque notre cher Jim n'a toujours pas appelé.

Je joins le geste à la parole. Je passe par mon bureau, regarde sur l'ordinateur la caméra numéro un, donnant sur l'extérieur, elle est située à l'arrière du club. Je la vois sortir, se rapprocher de ma Harley et en faire le tour. Je zoome sur son visage, elle a un sourire au bord des lèvres, on dirait qu'elle aime ce qu'elle voit. Elle se dirige ensuite vers la sortie de la rue, je passe sur la caméra numéro deux, celle située vers l'avant du club puis continue à la regarder. Elle a l'air de se diriger vers le nord de la ville, c'est le moment de la suivre avant de la perdre de vue. Va falloir que je la joue discret maintenant qu'elle a repéré ma bécane. Je sors, enfile mon casque, démarre ma beauté et m'engage sur la route principale. Je reste à une distance respectable pour que les bruits de la circulation étouffent celui de ma moto. Je suis à environ cent mètres derrière elle, elle a l'air d'attendre un bus donc je me gare sur le bas-côté pour attendre avec elle, dissimulé derrière un camion de livraison. Le bus arrive un quart d'heure plus tard et fort heureusement, car le livreur vient de rejoindre sa cabine et se préparait à virer de sa place, me mettant ainsi à découvert. Elle grimpe à l'intérieur en ayant pris soin de regarder à droite et à gauche, comme si elle pensait être suivie. M’aurait-elle senti... impossible. Dès que le bus démarre, je me noie dans la circulation en gardant une bonne distance de sécurité. Au bout de douze arrêts, elle descend, regarde encore de tous les côtés et traverse la route. Où vas-tu ma beauté ? Elle s'engage dans une rue transversale et se positionne à un nouvel arrêt de bus. Bon sang, mais elle crèche où ! Au Mexique !

Le bus arrive enfin, elle s'installe sur un des sièges à l'arrière du chauffeur. Je redémarre ma bécane et me remets dans le flux de la circulation. Mon portable vibre dans la poche intérieure de mon cuir mais je n'ai pas le temps de m'arrêter pour regarder, au risque de la perdre de vue. Je verrai cela une fois arrivé à sa destination.

Vingt arrêts de bus plus tard, elle descend, même réflexe, des regards un peu partout. Je reste assez loin. Sur cette route, il n'y a pas autant de circulation. Je planque ma bécane derrière l'abri de bus, une fois qu'elle s'est éloignée et la suis à pied. Elle s'arrête à une épicerie et en ressort dix minutes plus tard, les bras chargés de sacs de provisions. Elle reprend sa route en longeant la nationale, les camions la frôlent, on se demande comment elle fait pour ne pas être happée par l'appel d'air qu'ils dégagent. Ce n’est pas possible, elle est complètement inconsciente du danger qu'elle encourt. Un bon quart d'heure plus tard, on arrive enfin à son hôtel. Mais qu'est-ce qu'elle fout dans ce bouiboui, l'enseigne « Latin Hôtel », tient parce que c'est la mode. La façade est grise et a perdu de sa superbe au fur et à mesure des années. Les rideaux occultants qui ont dû être orange un jour, sont brûlés par le soleil et ont déteint. La majeure partie des numéros de chambres sont pendants ou absents. Il y a un escalier extérieur menant au premier niveau de l'hôtel, un corridor fait de bois, dessert les différentes chambres, le plancher est peint dans des tons verts. La rambarde avec ses barreaux absents, une fois sur deux, ainsi que les planches composant ce corridor, ont un aspect vermoulu. Quelle merde, ce n’est pas un hôtel c'est un taudis. J'ai vu Lucía entrer dans la chambre vingt-trois, elle loge donc bien ici. C'est bon, j'ai vu ce que je voulais voir, je peux me barrer. Je redescends discrètement les marches et retourne à ma bécane. Les deux heures trente qu'elle a mis pour arriver jusqu'ici, je vais les faire en une demi-heure, enfin après avoir récupéré mon bébé. Je vais profiter de ma marche pour écouter mes messages, car mon tél n'a pas arrêté de biper depuis que je suis parti du club. J'ai un message de Tomy, ils ont mis la main sur un des dealers et l'ont ramené au QG, ils attendent mes instructions. Je l'appelle direct.

— Ouaip, Préz, t'as eu mon message ? me dit-il.

— Non ducon, c'est pour ça que je t'appelle ! Raconte !

— On en a chopé un, une vraie fiotte, dans l'avenue Frédérick proche du lycée de Waco, il se planquait à l'angle de la rue et attirait les lycéens dès leur sortie pour leur vendre sa dope !

— Tu l'as mis dans le hangar ?

— Ouaip ! Il est tout chaud pour toi, je dirais même à point.

— L'abîmez pas trop que je puisse entendre ce qu'il a à me dire, sans avoir besoin d'un interprète.

— T'inquiète, j'te dis, il va baver comme un crapaud devant une mouche, on a à faire à une vraie gonzesse.

Je regarde ma montre, il est dix-huit heures quarante-cinq.

— J'suis là dans une demi-heure !

J'arrive à ma Harley, remets mon casque et trace ma route jusqu'à notre QG au nord du lac de Waco, à China Spring. A dix-neuf heures quinze précise, je me gare à côté du hangar et me dirige vers la porte latérale. Quand je rentre, une odeur de sueur et d'urine me monte au nez, punaise, il s'est fait dessus ce vaurien !

— Hé, Préz ! me salue Léo adossé au mur de tôles du bâtiment.

Il est blond, cheveux courts sur le côté, en brosse sur le dessus ; un teint halé, un visage plutôt ovale avec une barbe de trois jours ; des yeux ronds turquoise ; un nez droit avec des lèvres assez fines pour un mec, en forme d'arc. On a l'impression qu'il sourit tout le temps et qu'il se fout de vous mais avec ses, un mètre quatre-vingt-treize et ses quatre-vingt-douze kilos, n'allez pas vous y frotter. Assis à côté du dealer, se trouve Tomy, un mètre quatre-vingt-sept et quatre-vingt-deux kilos, métisse avec des yeux bleus très clairs ; un visage ovale également et un nez épaté, toujours rasé de près par contre. Le parfait beau gosse. Il a les cheveux noirs mi longs, retenus par un catogan noir.

— Salut les gonzesses ! dis-je histoire de mettre l'ambiance. Alors qu'est-ce que nous avons là ?

Le mec est assis sur une chaise, les chevilles et les mains liées par des colliers rilsans, il est à poil, transpirant et oui il s'est pissé dessus. Sa morphologie est gracile, ses côtes se dessinent sous sa peau mate. Il a les yeux exorbités, lorsqu'il me voit entrer.

— Hé mec ! me dit-il avec sa voix grimpant dans les aiguës. S'te plaît mec ! Ne me tue pas ! J'ai une femme et un gosse qui m'attendent. J'fais ça pour les faire bouffer Putain ! J'suis rien moi, qu'un p'tit dealer ! J'peux quitter le pays si vous voulez, vous entendrez plus parler de moi, j'vous l'promets, continue t'il.

Et bla bla bla et bla bla bla, on me l'a déjà fait le coup des gosses, de la femme, il faudrait qu'ils changent de disque, tous. Il fallait qu'il réfléchisse avant.

— Ça pour ne plus entendre parler de toi, on ne va plus t'entendre, ni te voir d'ailleurs, dis-je avec un sourire ironique. Maintenant mets-toi à table, j'veux le nom de ton boss !

— J'peux pas mec, il va me dézinguer si j'parle !

— Qu'est-ce ne que t’as pas compris dans « plus te voir, ni t'entendre ? » Tu ne ressortiras pas d'ici debout...

— Non ! Non ! Pitié mec, fais pas ça...

— ... maintenant à toi de savoir si tu veux que ça aille vite ou si tu préfères prendre ton pied avec moi, en tout bien tout honneur, je précise.

— Pitié, Merde ! J'suis rien qu'une merde moi !

— Tu l'as dit bouffi et les merdes ont les nettoient, continué-je. Le nom de ton boss, maintenant !

Il se met à gesticuler sur sa chaise et à pleurer comme une fillette. Bon faut dire que les mecs l'ont pas mal arrangé, il a le visage tuméfié, l'œil droit boursoufflé et fermé. Quelques dents en moins et du sang plein la bouche et le nez.

— Le nom ! Ne me fais pas perdre mon temps ! Léo file moi la tenaille, peut-être qu'avec deux doigts en moins, il sera plus causant !

— Putain ! Arrêtez, merde, je ferais tout ce que vous voulez... j'peux vous servir, j'deviendrai une taupe et pourrais vous renseigner de l'intérieur ?

— Gaspille pas ta salive, j'veux la tête de ton boss pas le temps d'avoir un indic. Donc, soit tu craches maintenant ce que tu sais, soit je vais m'amuser à faire des osselets de tes doigts !

Je m'avance vers sa chaise, lui chope le majeur et approche ma tenaille.

— STOP ! STOP ! OK ! OK ! Je me mets à table ! il … il s'appelle Rodrigo Peres, on est une centaine sous ses ordres à arpenter les rues de la ville. On vient du Mexique, de San Salvador, on est arrivé il y a six mois sur Waco, on s'est fait virer de notre territoire au Mexique par les Ilapango, on y a laissé deux hommes. Ce gang comprend au moins mille hommes. On avait aucune chance contre eux. Rodrigo nous a dit qu'on serait bien ici à Waco, pour le business, que personne n'avait encore pris le marché ! Bave-t-il dans un débit de mots.

On ne l'arrête plus, une vraie pleureuse. Il continue.

— Notre planque est dans les entrepôts de Bellmead. J'vous ai tout dit ! Pitié mec, aie pitié, je ne sais rien d'autres, laisse-moi partir, j'te promets, j'dirais rien, je disparaîtrais de la circulation…

Pendant qu'il continue de geindre, je sors mon glock de son holster, engage une balle dans la chambre, vise et tire. Pan, pleine tête, entre les deux yeux. Comme promis, rapide et sans douleur.

— Débarrassez-moi de ce déchet mais avant, grave-lui dans le dos, Rodrigo, eres el siguiente*. Puis jetez-le cette nuit, discrétos, là où vous l'avez ramassé. Tomy, dis à Jim de me trouver tout ce qu'il peut sur l'entrepôt de Bellmead, plan du bâtiment, accès et voies de sortie, qu'on éradique le problème à la source. Dis-lui qu'il me trouve ce Rodrigo Peres pour que je vois à quoi ressemble sa face de rat, celui-là, je vais me le soigner au petit oignon.

Lexique :

* Rodrigo eres el siguiente : Rodrigo, tu es le prochain.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Charlotte LYNSEE ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0