Chapitre 9
Ghost
Lundi 10 septembre 2018
La nuit fut courte. Jim a trouvé assez rapidement les infos sur Bellmead, il a sorti les plans et toutes les voies d'accès. J'ai envoyé quatre gars pour mater les environs et relever les heures où ça bouge le plus. Dans deux jours tout au plus, j'aurai les renseignements et on pourra aller les taper. Je vais faire un feu de joie de leur entrepôt, ils vont griller comme des merguez mais avant ça, je veux choper cet enfoiré et lui faire regretter d'être né. Il a peut-être échappé aux griffes des latinos, mais il n'aura pas l'occasion d'aller poser son derche ailleurs. Il sera six pieds sous terre ou sous l'eau, au choix.
Il est quatre heures du mat, quand on part se pieuter et à huit heures, c'est mon portable qui me réveille. Bon sang, les gens ne dorment jamais !
C'est Falco, mon V.P qui m'appelle et quand il me dérange ce n’est jamais pour rien en général.
— Ouais Falco ! dis-je
— Salut Ghost, désolé de te déranger mais je viens d'avoir un appel de notre contact en Colombie. Ils se sont fait doubler après la dernière livraison, un barrage sur la route, ils ont perdu quelques hommes mais aussi deux caisses de kalash avec des munitions. Il nous demande si on peut les fournir de nouveau. Il dit que notre prix sera le leur. Qu'en penses-tu ? Tu crois que c'est jouable ?
— Laisse-moi le temps de me mettre en relation avec mon fournisseur, j'te dis ça dans la matinée, réponds-je.
— Dac ! A tout.
Et il raccroche. Je me lève, file sous la douche. Le jet d'eau chaude détend mes muscles dorsaux. Entre ma soirée d'hier et la moitié de la nuit sur les plans, à penser à la meilleure stratégie, j'suis complètement noué. J'y reste dix bonnes minutes, ma salle d'eau n'est qu'un nuage de buée. Je sors ensuite de la douche, enroule une serviette autour de mes hanches, me brosse les dents, un coup de peigne et hop ! Le rasoir me croisera demain. Arrivé dans la chambre, j'enfile mon boxer, un jeans noir levis, un tee-shirt blanc, manches courtes, prends mon cuir sur le dossier du fauteuil, situé dans l'angle droit au bout du lit.
Ma chambre est la plus grande, soixante mètre carré, avec une grande baie vitrée ouvrant sur un parc et une vue sur le lac de Waco. Une grande salle de bains avec douche à l'italienne et baignoire ; un WC séparé par un petit bout de mur et un grand dressing. J'adore cette piaule.
Je descends les marches me menant aux parties communes, à droite de l'escalier se trouve la cuisine, en face le salon- salle à manger, d'une surface totale de quatre cent mètre carré. Sous l'escalier en métal, en partant vers un couloir, les bureaux dont le mien. Je passe par la cuisine, croise quelques brebis et quelques-uns de mes gars. Les gars logent dans des chambres de vingt mètre carrés avec salle d'eau, dressing et ce, au deuxième étage. Notre QG fait trois mille mètres carrés. Autant dire que la place y'en a. C'est un ancien entrepôt désinfecté, qu'on a complètement transformé en habitation, avec des passerelles menant aux étages. La structure est toute en IPN*.
Les brebis ont leurs quartiers à côté de notre baraque, en sortant à droite. Il y a plusieurs bungalows. Un grand de soixante mètres carrés qui regroupe trois salles d'eau, trois wcs et un coin cuisine ainsi qu’une dizaine d'autres de vingt mètres carrés comprenant chacun deux chambres, que les brebis se partagent. Elles sont deux par bungalow et ont chacune une chambre de dix mètres carrés. La maison familiale, je l'ai vendue après le décès de mes parents et la disparition de l’être le plus cher à mon cœur. Trop de bons souvenirs qui ont fini par devenir mauvais pour ma santé mentale.
Dans la cuisine, j'attrape une viennoiserie et me fais couler un café noir, puis je file dans mon bureau, referme la porte derrière moi et appelle mon contact comme prévu.
— Allô Franck c'est Ghost, dis-je
— Salut Ghost ! Comment va la vie ?
— Tout est ok mais allons droit au but, je suis comme toi, j'ai un planning serré. J'ai besoin d'une cargaison de deux mille petits beurres avec le chocolat qui se marie avec.
On évite de trop préciser les choses au téléphone, au cas où des oreilles indiscrètes se seraient invitées sur la ligne.
— Est-ce que tu penses pouvoir me fournir ? continué-je.
— Pour quand ?
— Hier ?
Il rit.
— Je vois, comme dab. Y'a des gourmands. Écoute, je vais voir ce que je peux faire, tu me laisses deux heures et je te recontacte.
— Ok, je serais joignable sur le numéro habituel.
— Compris ! On ne change pas une équipe qui gagne, me répond t'il
Cette fois-ci, c'est moi qui me marre.
— Allez, à tout', Franck !
Il est déjà dix heures quand je sors de mon bureau, je repasse à la cuisine m'enfiler un second café noir puis je vais rejoindre ma bécane, pour filer au Sudden Death Club. En arrivant une demi-heure plus tard, je me gare à l'arrière du bâtiment, comme d'habitude. J’entre par la porte de service, passe au bar pour saluer Anton et les filles. Il y a Amélia et Maria, qui sont les deux serveuses. Sarah, Eliana, Minnie et Patsie qui sont les strip-teaseuses de la journée. Pour la nuit, Lucía est venue rejoindre Lisbeth au service, tandis que Michèle, Sophia, Isabella et Moniqua sont, elles, les strip-teaseuses de vingt-deux heures à cinq heures du mat. Au bar, Anton se partage le temps avec Sergio et Emilie.
Tout le monde arrive en général un quart d'heure plus tôt pour se préparer. Anton est encore derrière le bar, il se tire des longues journées en ce moment, Émilie étant malade depuis deux jours. Je lui commande un Rumble sec et m'assieds au comptoir.
— Alors, me dit Anton. Ta filature s'est terminée comment hier ? Tu as pu voir où elle crèche ?
— Ouaip ! Et c'est pas glorieux. Il faut deux heures trente en partant d'ici jusqu'à son hôtel, avec un petit trajet de la mort dans les derniers mètres. Faut vraiment qu'on voit si on ne peut pas la loger dans une piaule au-dessus du bar. Cathy est partie, sa chambre doit être libre non ?
Cathy était l'ancienne serveuse avant que Lucía arrive.
— Ouaip, elle est libre mais je croyais qu’on n’avait encore rien trouvé sur elle ? Tu veux la faire coucher au-dessus du club avec les bureaux accessibles ? Et si elle fouine ?
— Ne dit-on pas, soit proche de tes amis et encore plus proche de tes ennemis ? lui dis-je avec un clin d'œil.
— Pas faux ! J'vais lui proposer, on verra bien ce qu'elle en pense.
— Si elle accepte, il faudra faire gaffe que les caméras du club soient toujours en état de marche, pour qu'on puisse garder un œil sur elle Ok ?
— Pas de problème Préz !
Mon portable vibre dans ma poche, je le récupère et vois que Jim essaye de me joindre.
— Salut Jim.
— J'ai qu'un mot à dire NADA ! Cette Lucía Andréa, c'est un fantôme. Je ne trouve sa trace nulle part, ça ne sent pas bon si tu veux mon avis. J’y suis depuis plusieurs heures maintenant et j'ai mis les meilleurs dessus, j'ai fait jouer mes contacts au sein de la DGSI. Eux non plus, n'ont rien. J'ai contacté un autre pote qui peut consulter le fichier de toutes les personnes signalées disparues et avec une photo d'elle, lancer une reconnaissance faciale. Mais ça peut prendre plusieurs jours. Tu ne préférerais pas la faire passer par la case hangar ? Ce sera plus rapide ! Et si elle était envoyée par les FARC pour savoir d'où proviennent nos armes ? Pour mieux nous couper l'herbe sous le pied et passer en direct.
— J'pense pas, dis-je. Elle n’a pas le profil. J'dirais plus, qu'elle fuit quelque chose ou quelqu'un. Mon instinct ne me trompe pas en général. Lance la recherche faciale, par contre pas de fuite. Fais jouer tes contacts mais seulement si tu es sûr à cent pour cent de ta source. On ne sait rien d'elle, faudrait pas ramener des fouineurs au club, ok ?
— Ok Préz, je m'occupe de ça de suite. Faudra être patient, regrouper les deux éléments sera long et fastidieux.
— Fais pour le mieux Jim, je te fais confiance tu le sais, dis-je.
A peine ai-je raccroché, qu'Allan vient me chercher pour m'indiquer que Franck est en ligne.
— Ok, j'y vais.
Je me dirige vers mon bureau, ferme la porte pour plus de discrétion. Cette pièce est insonorisée comme celle d'Allan d'ailleurs. Je décroche la ligne sécurisée et prends mon contact en ligne.
— Je t'écoute Franck !
— C'est bon, j'ai eu la confirmation à l'instant de mon pote qui travaille au ministère de la défense, il a pu avoir également son associé situé sur la base, à l'Est de la France. Ils nous font un prix au vu de la dernière commande récente. Un million de dollars au lieu d'un million cinq. Ça te laisse une marge, me dit-il.
— Yep ! Tu remercieras ton contact, je lui fais le virement de suite. Tiens-moi au jus quand ils envoient la marchandise.
— Il m'a déjà précisé que dès que le fric serait sur son compte, le container quitterait le port car il te fait confiance et a déjà tout préparé, me répond t'il.
— Nickel ! Merci mon pote et comme dab, ta com part en même temps, on reste sur cinq pour cent ou toi aussi tu me fais une remise ?
— Pour notre bonne collaboration, je la baisse de deux points pour cette fois, me dit-il avec un sourire dans la voix
— Merci Franck, t'es un Saint, mec, dis-je en riant
— Appelle moi plutôt Dieu ! reprend t'il.
On raccroche en nous marrant. Bon et bien la journée commence quand même, pas trop mal.
J'appelle ensuite Tomy.
— Re...Tomy, dis à ton contact que tout est Ok, si deux millions trois leur conviennent, la cargaison part dans vingt-quatre heures.
— Ok, je transmets mais vu qu'ils sont pris à la gorge, ils ne vont pas faire la fine bouche.
— Si tu vois qu'ils tiquent sur le prix, baisses à deux, on peut se le permettre. Il aura l'impression qu'on lui fait une fleur et ça fidélise la clientèle, lui expliqué-je.
Puis, je raccroche. Waouh ! C'est bon ! J'ai l'impression d'avoir le combiné greffé à l'oreille tellement elle est en feu, j'ai une sacrée pépie. Mais d'abord, j'vais aller manger un morceau, les affaires ça creusent. Il est déjà treize heures trente. Je sors de mon bureau et me dirige vers la cuisine.
— Salut Chef ! Quoi de bon aujourd'hui ?
— Des fajitas au bœuf et un cordonnier aux pêches à la texane, bien entendu, me précise t'il avec un clin d'œil.
J'adore ce type ! Le cordonnier aux pêches est un de mes desserts préférés. Il a une croûte faite de biscuits, comme une tarte à l'envers. Les pêches sont recouvertes d'une pâte au babeurre. C'est moelleux et tendre à souhait ! Punaise ! j'deviens poète ! Rien que l'odeur j'en salive.
Il me tend un plateau avec mon repas, je le remercie et quitte la cuisine pour aller déguster mon plat au comptoir du bar et discuter avec Anton. L'avantage d'être Préz, c'est que j'suis pas obligé de me renfermer au réfectoire du personnel.
Lexique :
*IPN : Poutre en fer.
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