Chapitre 17

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Sandie

« — Sandie ! Fais ce que je te dis pour une fois dans ta vie, je t’en supplie, grimpe là-dedans !

— Maman…

— ... pitié Sandie, écoute-moi mon petit cœur, fais cela pour moi.

— Je t’aime maman.

— Plus que toi, ma puce.

— Aussi grand que le ciel et les étoiles réunis ?

— Aussi grand que l’univers.

Elle me sourit mais son sourire est remplacé par une trappe immense qui lui court le long de la gorge, des flots de sang, commence à s’échapper. Elle met sa main sur sa gorge puis me la tend, elle est rouge et dégoulinante.

— Viens mon bébé, viens à moi... »

Je me réveille en sursaut. Je sens alors un bras en travers de mon ventre, une chaleur contre mon flanc et…une érection qui touche ma cuisse ! Je mets quelques secondes à revenir à la réalité. Je suis avec Ghost mais mon cauchemar ne l’a pas réveillé, tant mieux. Pour évacuer la vision d’horreur que je viens d’avoir, je me remémore nos heures de débauche. Punaise, quel pied d'enfer, je crois que je n'ai jamais ressenti une si grande osmose avec quelqu'un. L'impression que l'un ne va pas sans l'autre. Comme une évidence. Une connexion de deux âmes sœurs enfin réunies. C'est dangereux, excitant mais dangereux. Je ne peux pas prendre le risque de m'attacher. Je ne l'ai jamais pris avant, il ne faut pas que je le prenne maintenant. Mais n'est-il pas trop tard ? N'ai-je pas enfreint cette promesse de n'avoir aucune attache sentimentale ? Aucune entrave ? Au cas où je devrais fuir de nouveau… N'apprend t'on jamais de ses erreurs ? S'attacher ou aimer est le résultat d'une possible souffrance lorsque les adieux arrivent. La séparation avec Shelby en est la preuve vivante. Elle me manque tous les jours, c'était ma seule amie. Je suis seule désormais, avec mon manque et cette tristesse qui ne me quitte pas, même si je sais la dissimuler aux yeux des autres.

Il fait sombre dans la chambre grâce aux rideaux occultants la lumière du jour. Je ne sais pas quelle heure il peut être, mais j'ai ma vessie qui va exploser si je ne vais pas me soulager rapidement. Je me glisse doucement hors du lit, en repoussant avec délicatesse son bras, ne voulant pas le réveiller. Peine perdue.

— Où vas-tu, Tigresa ? dit-il la voix encore rauque de sommeil

— Euh... j'ai besoin d'une vidange, si je puis dire...

— Hum... ok... je te libère alors... mais reviens vite.

Qui aurait cru que Monsieur beau gosse se retrouverait dans mon lit et serait un dieu du sexe et de la débauche… Arrivée dans la salle de bains, je repousse la porte et je fais ma petite affaire, puis en passant devant le miroir, je me dis qu'une petite douche serait la bienvenue. J'enjambe donc la baignoire en ayant pris soin de tirer le rideau de la douche derrière moi. Je suppose qu'à cette heure-ci, la douche sera chaude. Loupé, elle est tiède mais je vais faire avec. Je passe ma tête sous le jet d'eau pour laver mes cheveux, sous la perruque ils ont transpiré et ont besoin d'un soin. Il faudra bien que je la remette, je suis sûre que le moment des explications ne va pas tarder, après cet intermède plus que sympathique. Il va vouloir comprendre et je lui dois la vérité. Je lui fais confiance, je ne sais pas pourquoi mais je sais que je peux lui faire confiance. Peut-être que tout compte fait, je n'aurais plus besoin de fuir. Peut-être ai-je enfin trouvé un lieu où il ne me retrouvera pas ? Je sens un courant d'air venir coller le rideau de douche sur mon corps, ce qui me provoque immédiatement des frissons, je me retourne cachant mon dos, avant que ce dernier ne s'ouvre.

— Bonjour toi, me dit-il avec un léger sourire.

— Bonjour, chico guapo*, réponds-je me collant à son torse.

— Ah ? tu as étudié l'espagnol ce matin ?

— Non, ris-je, c'est un des quelques mots que je connais en espagnol, faut être idiote pour choisir de venir d'un pays dont on ne connaît pas la langue, déguisée en rousse de surcroît, dis-je, en relevant la tête pour croiser son regard bleu lagon.

— C'est vrai que sur ce coup-là, tu as fait fort. Anton t'a démasqué direct ! rit-il

— Que...Quoi ?

— Tu ne t'en doutais pas ?

— Euh ... ben en fait, j'avais bien vu qu'il avait eu du mal à avaler la pilule, mais vu qu'il m'a prise à l'essai, j'ai cru que je m'étais fait des idées.

— En fait, ce jour-là, dès que je suis arrivé dans mon bureau, il est venu me rejoindre pour m'expliquer qu'une petite nénette s'était pointée au club, pour réclamer du taf et qu'au vu de ses explications sur son origine, il était sûr qu'il y avait anguille sous roche. Il m'a mandaté pour te faire bénir tes premiers clients et ainsi mettre fin à ton essai.

— Hein ? Comment !

— Attends Tigresa, ne t'excites pas, dit-il, en resserrant ses bras autour de mes hanches, l'eau dégoulinant toujours sur nos corps et devenant de moins en moins chaude. Je lui ai dit que je m'occupais de ton cas et c'est ce que j'ai fait et bien fait, avoues !

— Que j'avoue ! dis-je en me reculant légèrement. Ah oui, ça pour t'occuper de mon cas, tu t'en es occupé, j'ai cru que j'allais t'assommer avec mon plateau, te l'encastrer dans le crâne.

— Oui je sais, mais quand tu t'es retournée, rouge de colère, j'ai su que je ne pouvais pas te laisser partir, et maintenant encore moins, après avoir goûté à ce petit paradis, dit-il en posant sa main sur mon intimité.

— Que veux-tu dire ? l'interrogé-je, comprenant à demi-mot cette phrase lourde de sens pour moi, me donnant un léger fond d'espoir de lui plaire autant qu'il me plaît.

— Que je ne pourrais plus jamais me passer de ce corps, reprend t'il, en me claquant les fesses. Mais d'abord, il me faut quelques petits éclaircissements.

Je crois que notre bulle vient d'exploser.

— Es-tu prête ? me demande t'il.

— Euh... est-ce qu'on pourrait au moins attendre d'être sorti de la douche ? Elle commence à être légèrement froide, dis-je dans un sourire ressemblant plus à une grimace.

— Tu as raison, sortons de cet endroit des plus sordides.

Il enjambe la baignoire, me tend les bras pour m'aider à sortir. Attrape ma serviette et commence à me frotter. Il veut me faire pivoter dos à lui mais je l'en empêche, essayant de récupérer ma serviette. Il est loin d'être bête et comprend ma manœuvre.

— Retourne toi, me dit il doucement.

— Non attends, je peux m'essuyer, je n'ai plus cinq ans tu sais ?

— Retourne toi Lucía, s'il te plaît. Si c'est vraiment Lucía ton prénom, mais nous en parlerons après. Re...tour...ne-toi, dit-il en détachant bien les syllabes, sinon c'est moi qui le fais pour toi.

Il me dévisage et moi, je tremble devant lui. J'ai peur de ce qu'il va découvrir, peur de sa réaction et peut-être de sa fuite comme les autres avant lui. Mais les autres, je n'y étais pas vraiment attachée, lui oui, je crois qu'en l'espace de quelques jours ou plutôt de quelques heures, j'en suis dingue. Je l'ai dans la peau… ça peut paraître dingue en si peu de temps, mais ne dit-on pas « le cœur a ses raisons que la raison ignore ? ».

— Lucía, quoique tu me caches, je ne te fuirai pas, si c'est ce qu'il se passe dans ta petite tête, dit-il en tapotant mon crâne de son index.

— Tu ne sais pas… moi si… tu feras comme les autres, vous êtes tous pareils. Une fois que je me serais retournée… tu en profiteras pour fuir. Ma vie est faite ainsi, ... dis je les larmes dévalant mes joues, à présent, en haussant les épaules, la vision floutée par le trop d'émotions.

— Ne décides pas à ma place Tigresa…retourne-toi, s'il te plaît.

Tigresa, un joli surnom, lorsque l’on me connait mais mon cœur va bientôt être brisé, je le sais, je le sens. Je le regarde une dernière fois, posant ma main sur sa joue et essayant de graver dans ma mémoire, les lignes de son visage puis me retourne.

J'entends la porte de la salle de bains claquer. Ça y est, il est parti... emportant avec lui mon cœur et mon âme. Je m'écroule sur le carrelage de la salle de bains, mon corps est parcouru de soubresauts puis dans un cri, je hurle ma douleur.

Lexique :

* chico guapo : Beau gosse.

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