Chapitre 20
Ghost
— Bon les gars ! Bonne soirée à tous et à demain, dis-je en quittant le QG.
— Bonne soirée Ghost ! me disent en chœur mes hommes, et bonne bourre ! me dit Falco, mon V.P.
— Fais gaffe Falco, ce n’est pas parce que t'es comme mon frère, que je ne vais pas te tuer si tu me manques de respect !
— Essaie toujours, rit-il, j'suis plus fort que toi.
C'est vrai qu'avec son un mètre quatre-vingt-dix-sept et ses quatre-vingt-quatorze kilos, sa stature est plus large que la mienne, c'est un ancien marine. Il a raccroché quand son unité est tombée dans une embuscade en Afghanistan. Il n'y a eu que deux survivants. Lui et un autre jeune soldat tout juste engagé. Falco s'est pris un éclat d'obus dans le dos, ce qui lui a perforé le poumon et provoqué un pneumothorax, il n'a plus qu'un poumon valide et a donc été réformé. Nous étions dans la même unité et le soldat, c'était moi, tout juste dix-neuf ans. Six mois après mon affectation, j'étais envoyé sur le front, manque d'hommes ils ont dit. Je m'étais enrôlé pour faire chier mon vieux à dix-huit ans, et c'est ce grand dadais qui m'a sauvé les fesses de cet enfer, six mois de guerre plus tard, en me portant sur son dos. Il avait alors vingt et un ans. Je n'étais pas aussi gaulé que maintenant, plutôt même un peu frêle mais je me suis rattrapé depuis. J'ai eu des éclats dans les jambes et une rotule explosée. Après de multiples opérations, j'ai pu remarcher. Si je n'avais pas été aussi amoché, mon père m'aurait refait le portrait, mais il était tellement heureux de me revoir, que nous avons enterré la hache de guerre. Je suis devenu son V.P et à son décès, j'ai pris sa suite et Falco est passé de sergent d'armes à mon V.P.
Je lui confierai ma vie. D'ailleurs, c'est ce qu'il s'est passé sur le front, il avait ma vie entre ses mains et ne m'a jamais abandonné. Ce qui nous lie est plus fort que des liens amicaux, ce sont des liens pratiquement de sang, c'est mon frère à la vie à la mort. C'est aussi l'un des seuls avec Anton à pouvoir me parler sans filtre, et je peux rajouter Sandie dorénavant.
Je prends mon cuir, mon casque et ma Harley, je suis à vingt minutes de son appartement et il me tarde de la retrouver dans la position où je lui ai dit de m'attendre. Ma verge se réveille, rien que d'y penser. Je me gare dans le garage souterrain puis prends l'ascenseur pour rejoindre ma dulcinée, il est dix-neuf heures trente, je lui avais dit que je serais là à vingt heures, mais je ne tenais plus en place, fallait que je bouge, elle me manquait trop. Je fais un arrêt, pour ramasser le courrier. Je suis sûr qu'elle n'y a pas pensé, c'est toujours moi qui m'en occupe habituellement. En arrivant au rez-de-chaussée, c'est un courant d'air qui attire mon attention. La porte vitrée est explosée, pleins de morceaux de verre sécurit jonchent le sol et le gardien de l'immeuble est en train de nettoyer avec sa femme. Je m'approche pour leur demander ce qu’il s’est passé.
— Y'a pas eu de tempête de vent à ce que je sache ? Qu’est ce qui a explosé la vitre comme ça ?
— Oh non mon bon Monsieur ! Ce n'est pas une tempête de vent qui a provoqué un tel carnage, je vous le confirme. Ce sont cinq individus qui se sont introduits dans l'immeuble, il y a une heure environ et on ne sait toujours pas ce qu'ils sont venus faire, on ne les a pas vu repartir, peut-être ont-ils pris par les sous-sols. J'ai appelé la police et ils sont en train de passer à tous les étages pour rencontrer les habitants et savoir si quelqu'un sait quelque...
Je suis déjà dans l'ascenseur avant qu'il ne termine sa phrase, j'ai un mauvais pressentiment, un putain de mauvais pressentiment… Je tape comme un taré sur le bouton de l’étage six et dès que les portes de l'ascenseur s'ouvrent, je me précipite vers l'appartement de Sandie. La porte est encore entrouverte. Je sais de suite que quelque chose cloche, je saisis mon glock dans mon holster, longe le mur jusqu'à la porte d'entrée. L'encadrement est explosé. Je tends l'oreille essayant d'écouter le moindre bruit provenant de l'intérieur mais rien, le silence total. Le bing de l'ascenseur me fait sursauter et je vois deux flics en sortir. J'ai juste le temps de planquer mon glock et de leur faire signe de se taire en leur montrant la porte. Ils sortent leurs armes et arrivent à ma hauteur.
— Qui êtes-vous ? me chuchote l'un des flics.
— Le locataire de cet appartement avec ma femme, je viens juste d'arriver mais la porte à l'air d'avoir été forcée, réponds-je en murmurant également.
— Reculez, on ne sait jamais s'ils sont encore là, on va appeler des renforts.
— Non, ma femme est peut-être encore à l'intérieur. Peut-être est-elle, même blessée, je ne vais pas attendre qu'elle se vide de son sang, donc soit vous prenez vos burnes en main et vous entrez, soit je m'en charge ! Crié-je à voix basse.
— Ok ok, on y va !
Ils poussent la porte doucement alors que j'aurais envie de foncer dans le tas. Ils entrent armes en défense, braquant chaque coin de la pièce. Je suis collé à leur basque. Bon sang... c'est quoi ce bordel ! Un véritable carnage. Trois corps jonchent le sol, tous sans vie. Le premier à la porte, à un couteau planté dans le crâne. Je reconnais le couteau de cuisine de Sandie, le second à la gorge tranchée au niveau de la carotide et le troisième à l'air d'avoir pris une lame plein cœur. Nom d’un chien, qui a fait ça ? Et où est Sandie ?
— Ne touchez à rien Monsieur s'il vous plaît, me dit l'un des flics, nous allons appeler des renforts.
— Sandie ! Sandie ! crié-je, c'est Chris, t'es où ma puce ? Sandie !
Le silence me répond, aucune trace d'elle. Je prends mon portable pour appeler Falco, pendant que les cognes appellent de leur côté, des renforts.
— Alors mon pote, j'te manque déjà ? me dit il.
— Bon dieu Falco, c'est Sandie !
— Quoi Sandie, me dit-il, retrouvant son sérieux avec une voix soudainement plus grave.
— Elle a disparu ! Et ici c'est un bain de sang. Ramène-toi avec Anton, Tomy et Jim. Préviens aussi les autres, qu'ils se pointent tous au club. Celui qui est venu ici, n'a pas eu le temps d'embarquer ses cadavres, en supposant qu'ils ne soient pas tous dans cette pièce ? Mais à ce moment-là, où serait Sandie, elle m'aurait appelé, j’en suis certain !
— On arrive ! me dit-il.
Je l'entends hurler à l’autre bout du téléphone.
— Anton, Tomy, Jim ramenez… !
Et la communication se coupe.
Vingt minutes plus tard, mes hommes débarquent. Je me suis fait virer de l'appartement et attends dans le couloir, que les poulets aient fini leurs relevés d'indices et de corps.
— Punaise ! me dit Falco en allant jusqu'à la porte puis en revenant vers moi, suivi d'Anton, Tomy et Jim. Que s’est-il passé ici bon sang ?
— Je n’en sais foutrement rien et ça me tue ! Elle a disparu mais je ne sais pas si elle est encore en vie, si c'est elle qui a fait ce massacre ou si elle fait partie des morts et que son corps a été emmené. Mais la question serait pourquoi… je ne comprends plus rien... dis-je en agrippant mes cheveux, ça va me rendre dingue !
— T'as regardé les caméras de surveillance ? me dit Jim.
— Non, punaise ! Je n’y ai même pas pensé à vrai dire.
— Ok, je m'en occupe, on ne peut plus rien faire ici, ils en ont pour des heures, par contre au club, on peut essayer de démêler l'histoire. J'ai les codes pour rentrer dans ton système de vidéo surveillance et les ordis qu'il me faut, me dit Jim.
— Ok, allons-y vite dans ce cas.
J'ai fait installer ces caméras lorsque Sandie a emménagé. Je ne lui en ai jamais parlé, elle serait folle si elle savait que je peux la surveiller. Elle serait capable de me quitter si ça se trouve et je n'en ai pas envie. Lui expliquer que c'est pour sa sécurité, ne serait pas une mince affaire, il y en a dans toutes les pièces de l'appartement. Chambre, salle d'eau et bien entendu dans la grande salle, à chaque angle de mur.
Arrivés au Club, on file dans la salle vidéo, où sont disponibles beaucoup plus d'ordinateurs. Jim se branche sur le logiciel et entre les codes.
— Oh bon sang de bonsoir, de nom d’un chien ! s'écrie t'il
— Qu'est-ce qu’il se passe ? dis-je en montant dans les graves.
— Attends de voir ça mon gars, ta meuf c'est une killeuse, une warrior !
Il se dirige vers le vidéo projecteur, l'allume et fait les branchements nécessaires pour que les images soient diffusées sur grand écran. Le reste de mes hommes arrivent à ce moment-là. Nous attendons que les images apparaissent, regardant ce rond de téléchargement tourner au milieu de l'écran. Dès que les images et le son arrivent, nous restons tous scotchés. On entend la porte explosée. Sandie, la tête dans le frigo ne met pas longtemps à réagir, elle a l’air de connaitre le nom du type mais elle ne le dit pas assez fort pour que l’on puisse comprendre puis elle se saisit d’un couteau sur le plan de travail. Le mec se marre sur le coup, avec ses trois bouffons. Le premier s'avance sur les ordres de celui qui a l'air d'être le chef, il veut se saisir du couteau en s'avançant doucement vers elle mais d'une balayette de sa jambe dans les siennes, elle l'envoie au tapis et alors qu'il tombe sur le dos, elle se jette sur lui, profitant de sa surprise pour lui planter sa lame dans le cœur. Le deuxième type se jette sur elle sur ordre de son boss. Elle lui fait une prise de kakiwake-uke avec ses bras, vient taper violemment dans les siens et revient lui planter sa lame dans la gorge en ramenant sa main droite vers lui puis la retire aussitôt enchaînant un mae-geri, un coup de pied vers l'avant dans son entrejambe, ce qui le plie en deux et lui permet de balancer son couteau dans la direction de la tête du troisième, que je suppose donc, être le meneur puisqu'il crie les ordres. Celui-ci se décale pour éviter le couteau et c'est l'homme derrière qui le reçoit pleine tête. Le boss sort alors un flingue, tirant dans le bloc de couteau quand Sandie veut s'emparer d'une autre lame. Mais ma tigresa n'a pas dit son dernier mot, elle se jette au sol pour en récupérer un et c'est là que j'entends un cri… le mien… ce mec vient de lui tirer dessus et je l'ai entendue hurler… je m'écroule à genoux... j'entends Falco dire à Jim de stopper la vidéo. Il se penche vers moi, j'ai l'impression qu'il est à des milliers de kilomètres, tellement sa voix me parvient de loin.
— Ghost ! Purée Ghost... regarde ! Elle est en vie ! Elle est en vie ta Tigresa, tu m'entends, elle s'est relevée ! Tu m'entends Ghost, elle s'est relevée.
Le brouillard qui avait envahi mon cerveau se dissipe et ses paroles arrivent à mon esprit.
— Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ?
— Regarde bordel ! elle se relève.
Je lève les yeux et d'un geste Falco fait signe à Jim de relancer la vidéo, où je vois en effet, Sandie se remettre debout en se tenant l'épaule tout en injuriant le pourri qui lui a tiré dessus. Caleb.
— Bon dieu c'est Caleb ! Il l'a retrouvée cet enfoiré.
— Qui c'est ce Caleb ? m'interroge Falco.
— Attends, continue la vidéo et je vous explique tout ensuite. Je veux savoir si elle a pu s'enfuir.
Il contourne l'îlot central, la mettant dos à la porte. Elle fait une énorme erreur, ne jamais tourner le dos à une porte. A ce moment-là, un quatrième homme resté certainement en éclaireur en extérieur, se faufile derrière elle et avant qu'elle ne réalise son erreur, il lui plante quelque chose dans le cou. Son corps devient une marionnette et ses yeux se ferment.
— MERDE MERDE MERDE ! Il l'a embarquée cet enfoiré ! ce pourri de psychopathe l'a retrouvée. Je vais le crever cet enfant de salop, je vais le faire tellement souffrir qu'il pleura le jour de sa naissance ! hurlé-je en m'arrachant les cheveux.
— Je n’ai pas encore réussi à trouver toutes les infos sur ce mec, Ghost. Tu m’as dit que le gang s’appelait les Black Vultures et que Sandie s’était enfuie de Las Vegas. De ce côté-là, il n’y a pas de souci, ils sont connus et leur gang est puissant sur ce secteur, par contre leur QG, je ne l’ai pas encore trouvé. J'ai mis tous mes contacts dessus, mais je n'ai pas encore réussi à le loger ! C'est une anguille ce mec. Je ne sais pas s’il vit toujours à Las Vegas.
— C'est pas vrai ! T’es qu’un branleur, ce n’est pas possible !
Ma colère est telle que je lui balance mon poing dans la gueule.
— T’es qu’un tocard, je te paie pourquoi si t'es pas capable de me trouver ce bouffon ! je ne peux pas la perdre, tu comprends ! Je ne peux pas la perdre ! crié je en lui renvoyant un autre coup dans la tronche, je ne peux pas la perdre !
Il n'essaie pas de se défendre, il sait qu'il a merdé, il aurait dû me tenir informé pour que je garde toujours un œil sur Sandie, maintenant elle a disparu et je n'ai aucun moyen de la trouver.
— C’est mort ! je n'ai aucun moyen de la géolocalisé bon sang !
— Le collier ! dit Falco
— Oui... le collier ! reprend Jim qui est plié en deux. J'aurai dû y penser.
— Quoi ? Quel collier ? hurlé-je.
— Mais punaise Ghost, reprends-toi nom d’un chien ! s’énerve t'il également. Le collier bon sang, tu m'as bien raconté que tu lui avais offert un collier et que tu avais bataillé au début pour qu'elle l'accepte non ?
— Oh le baltringue ! Mais je suis vraiment le roi des abrutis, un véritable imbécile de ne pas y avoir pensé plutôt. Jim ! Affiche ça sur le rétro projecteur si tu peux, dis-je en lui tendant mon portable.
Il s’en saisit, branche mon téléphone sur son ordinateur, puis fait quelques manipulations.
—Génial ! on a le signal ! dit-il. Ils ne l'ont pas trouvé, c'est notre chance. On a l’indicateur GPS qui clignote en se déplaçant sur la carte.
Il affiche la carte sur l'écran en nous informant qu'au vu de la vitesse à laquelle il se déplace, ils doivent être dans un avion et qu’au vu de la direction, on dirait qu'ils vont vers l'ouest.
— Trouve moi leur destination, fais marcher tous tes contacts, je veux savoir où ils l'emmènent et tout de suite ! Falco appelle l'aéroport MC Greco Executive, qu'il prépare le jet et que le pilote se tienne près à décoller dans une demi-heure. Demande-leur également, s’ils ont eu un départ, disons vers dix-neuf heures. S’ils sont dans les airs, ça veut dire qu’ils ont comme nous, un jet privé. L’aéroport le plus près est celui-ci, il n’est qu’à vingt minutes. Jim, tu nous téléphones leur destination dès que tu as quelque chose, ils n’ont certainement pas donné leur plan de vol. Si on s’en réfère à l’heure sur la vidéo, Sandie a été enlevée à dix-huit heures cinquante, il est déjà...
— ... Ghost, me coupe Allan, il faudrait que tu nous en dises un peu plus sur ce gars. Je ne te demande pas un roman, mais on a besoin de savoir où nous mettons les pieds avec les gars et avec quels matos. Jim et Falco ont l'air au jus, pas nous.
— Tu as raison, je vous dois des explications.
Je m'assieds à cheval sur l’accoudoir du canapé, situé à la droite du bureau contre le mur et leur explique en dix minutes, les grandes lignes. A savoir, l'état du dos de Sandie, la mort par égorgement de sa mère et la traque qu'il mène pour la récupérer.
— Voilà en gros ce que vous avez besoin de savoir, pour le reste c'est Jim qui a enquêté sur leur gang et qui pourra vous en dire plus. Enfin s’il arrive à se sortir les doigts du derch. Jim ! Tu feras un résumé de tout ce que tu vas découvrir ainsi que de ce que tu as découvert et tu nous le transfèreras sur nos portables. Que tout le monde ait un historique de ce que fait ce chien galeux. Envoie aussi sa tête, que tous les hommes la mémorisent pour qu'il ne nous file pas entre les pattes. Hors de question que ce fumier se barre. Je le veux et vivant ! Tomy pendant le trajet jusqu'à l'aéroport, tu gères les troupes qui seront à notre descente d'avion, dès que Jim a trouvé leur destination. Il est déjà vingt et une heure, il faut qu’on bouge. Là où nous atterrissons, je veux une armée. Falco, Léo, Anton ! vous me suivez avec Tomy ! GO GO GO !
— Ça y est ! crie Jim, j'ai la destination, Las Vegas !
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