Chapitre 21

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Sandie

C'est une odeur de moisi qui me réveille et une nausée qui me prend aux tripes, je vomis sur le sol. Une douleur me vrille la tête, les maracas jouent dans mon crâne. Mes paupières sont lourdes et lorsque j'arrive enfin à les soulever, je vois flou pendant quelques instants. Je sens une présence à côté de moi et me rends compte que ma tête repose sur les genoux de quelqu'un qui me caresse les cheveux. Je me relève brusquement et le paie direct. J'ai une équipe de foot qui se fait des passes dans mon cerveau, avec des tirs au but par moment. Je m'aperçois également, que mes poignets sont attachés à un anneau fixé au mur et mes pieds entravés de chaînes.

— Aïe ! dis-je en me tenant la tête.

Un nouveau haut le cœur me prend et je vomis de la bile sur le sol terreux de ma cellule. Car je suis bel et bien enfermée dans une cellule. Je n'en ai pas oublié l'odeur de moisi, de sueur, de sang et d'urine.

— Bienvenue chez toi, me dit une voix provenant de derrière les barreaux.

— Caleb.

— Oui ma douce, tu es enfin réveillée ? Tu en as mis du temps. Alors, nous allons pouvoir te préparer pour les festivités de ce soir. Je viendrais te chercher vers vingt heures. J'ai appelé mon meilleur client, dès que nous avons posé les pieds sur le sol de Las Vegas et devine ? Il était complètement excité en apprenant que j'avais un petit bijou à lui proposer. Une vraie chienne avec laquelle il va pouvoir faire mumuse pendant quelques heures. Il sera là à vingt-deux heures. Je viendrai te chercher personnellement pour te préparer à cet évènement. Il va sans dire que je ferais en sorte que tu n'es pas toutes tes facultés cognitives, il ne faudrait pas que tu abîmes mon meilleur client. Il aime le bondage et le sado masochisme, cela devrait te plaire, tu m'en diras des nouvelles.

— Fumier ! craché-je, tu me dégoûtes, tu n'es qu'un sale porc et tu mourras comme un porc, une fois que mon mec t'aura mis la main dessus.

— Oh ! Ne rêve pas trop jeune fille, jusqu'à présent il n'a jamais réussi à me trouver, dit-il en partant dans un grand rire.

— Parce qu'il ne te cherchait pas espèce d'enfoiré, de psychopathe mais maintenant c'est différent, tu es devenu sa cible numéro un et je le regarderai t'égorger comme un porc ! crié-je hors de moi.

— Ne parle pas de ce que tu ne connais pas ma douce. J'ai un avantage sur lui, il ne me connaît pas.

— Argh ! hurlé-je en m'agrippant les cheveux avec mes mains entravées.

Une douleur fulgurante me transperce l'épaule droite et je me rappelle de la balle qui s'y est logée. A priori, quelqu'un m'a soignée car mon épaule est bandée, mais purée ! ça fait un mal de chien.

— Une dernière chose ma douce, je te laisse en agréable compagnie mais ce sera une compagnie bien silencieuse, je l'avoue. Profite de ces quelques heures de repos, dans exactement dix neuf heures, tu n’en auras plus location, il faudra que tu donnes tout ce que tu as !

Il me tourne le dos, remonte les escaliers en riant à gorge déployée. Qu'est-ce qu'il raconte encore, ce psychopathe, je m'effondre sur la paillasse, lâchant mes larmes trop longtemps retenues, mon pire cauchemar se réalise, il va m'en faire baver jusqu'à ce que je le supplie de m'achever, mais il ne me fera jamais ce plaisir.

— Nom d’un chien, c'est pas vrai ! Bon sang ! Pourquoi il ne peut pas m’oublier, il a déjà tué ma mère, que veut-il de plus ! pleuré-je.

Mon épaule me fait souffrir d'avoir tiré sur mes chaînes. Le bandage est en train de devenir rouge, quoiqu'il m'ait fait cela n'a pas tenu. J'ai la tête comme un chaudron magique et des hauts de cœur incessants.

J'entends renifler à côté de moi. C'est vrai, j'avais complètement oublié que je n'étais pas seule dans cette cellule. Je me retourne et discerne une silhouette dans le coin du mur, dans la pénombre.

— Qui est là ? dis-je.

Mais je n'ai pas de réponse, juste un bruit comme un refrain fredonné sans cesse. Toujours le même son.

Qui est là ? répété-je.

Mais toujours rien. Mes yeux commencent à s'habituer de nouveau au noir, je m'approche doucement vers le fond de ma paillasse, m'approchant de la tête de la sienne et espérant ainsi entrevoir quelque chose, car ce coin est vraiment sombre. La luminosité de la lune n'inonde pas toute la surface de notre prison, surtout à cet endroit-là. De toute façon, j'avais ma tête sur ses genoux, s'il avait voulu me faire du mal, il l'aurait fait pendant mon sommeil non ?

Et puis, je la vois. Là, assise contre le mur, les jambes repliées contre sa poitrine, ses bras entourant ses genoux, le menton reposant sur eux, elle se balance d'avant en arrière en fredonnant encore et encore. Daisy, la nouvelle, enfin celle qui venait d'arriver quand je me suis enfuie. Je suis sûre que c’est elle. Elle a beaucoup changé mais je suis sûre que c’est elle. J'ai bien essayé de prévenir les autorités qu'une fille était retenue prisonnière, mais je suis tombée directement sur cette pourriture de flic à la solde de Caleb. Il a ri et m'a avertie que si j'essayais de prévenir qui que ce soit d'autres, c'est cette fille qui en paierait le prix par sa vie. Que pouvais-je faire ? J'étais seule.

— Daisy ? C'est toi ?

Elle arrête son balancement et me regarde mais ne prononce aucun mot. Elle est maigre, elle n’a que la peau sur les os. Son regard est éteint, son teint est pâle. Je m'approche d'elle, du moins du mieux que je peux avec mes poignets liés.

— Oh mon dieu Daisy que t'a t'il fait ? dis-je les larmes aux yeux. N'aie pas peur, tu sais que je ne te ferais pas de mal.

Elle hoche la tête.

— Pourquoi t'a t'il enfermée là dans ce trou à rats et depuis combien de temps ?

Elle me désigne le mur à droite, contre son lit. Des traits ont été tracés à la pierre, je suppose. Il y a dix séries de six barres verticales, toutes rayées par une autre barre horizontale, formant ainsi un groupe de sept barres. J'imagine que ce sont les jours qu'elle coche et si je ne me trompe pas, cela fait dix semaines qu'elle moisit ici, dix longues semaines ! Combien de repas a-t-elle eu pendant tout ce temps-là ? Pas suffisamment à priori au vu de sa maigreur. Elle a un sweat-shirt qui a oublié ce qu'était la couleur blanche, il est déchiré par endroit au niveau des manches, il a l'air de faire deux fois sa taille. Un jeans vient compléter sa tenue, déchiré aux genoux et aussi sale que son haut. Ses pieds sont nus et noirs de terre, son visage est dans le même état, ce qui lui fait ressortir ses yeux bleus. Je ne sais plus de quels couleurs sont ses cheveux, ils sont longs mais emmêlés, on dirait de fins fétus de paille. De mémoire, ils étaient châtain clair avec des mèches blondes, ils étaient longs mais moins qu’aujourd’hui.

— Dix semaines, c'est ça ?

Elle me confirme par un hochement de tête et reprend sa litanie, marmonnant des mots maintenant, dont je ne comprends pas le sens. Dans une langue que je ne connais pas.

— On va s'en sortir Daisy, je suis sûre qu'il va nous retrouver et je te promets que je ne t'oublierai pas derrière moi, cette fois-ci. Je n'ai plus dix-huit ans, je ne suis plus sans défense, je vais le buter cet enfoiré, même les mains et les pieds attachés, il ne s'imagine pas ce dont je suis capable. Daisy regarde-moi, je vais nous sortir de là ! Même si je dois y laisser la vie, je sauverai la tienne. Je ne veux plus être son esclave donc je préfère me battre à mort pour que tu es le temps de fuir.

Soudain, j'entends des pas précipités dans les escaliers de la cave ainsi que des bruits de fond provenant de l'étage, comme des coups de feu. Puis je vois Caleb arriver, armé de sa lame et des clefs de la cellule. Il la déverrouille et se dirige droit sur moi.

— Qu'est-ce que...

Je n'ai pas le temps de dire quoique ce soit, ni de réagir, il me balance son poing dans la figure sans que je n’aie le réflexe de l'éviter. Le cri aigu de Daisy déchire le silence. Je suis sonnée et Caleb en profite pour passer derrière moi, me posant la lame sur la gorge. Non ! ça ne va pas recommencer, ça ne va pas se passer comme ça ! Plus jamais !

— Caleb ! Lâche-la !

C'est la voix de Ghost ? Il m'a retrouvée ? Je commence à reprendre un peu mes esprits, je sens la lame appuyer contre ma gorge sur le côté gauche et un filet de sang la dévale. Mes cours de self défenses reviennent, je tourne ma tête du côté opposé à la lame, celle-ci se retrouve ainsi sur le côté de mon cou même si elle m'a entaillée un peu, il n'a pas le temps de la remettre en place car je lui agrippe avec mes deux mains son avant-bras, me penche légèrement de côté pour venir frapper avec ma main droite ses bourses. Comme il se plie sous l'impact, je peux me glisser sous son avant-bras gauche en maintenant toujours son bras, tout en passant ma jambe droite derrière les siennes, venant taper avec mon pied, sur l'arrière de son genou, avec force. Ce dernier se plie et tape le sol, j'en profite pour passer derrière lui et lui mettre les chaînes entravant mes poignets autour de son cou et commence à serrer. Il se débat mais Ghost vient à mon secours et lui plante son glock sur le front.

— Bouge encore enfoiré et t'es mort ! dit-il

Caleb va pour lui répondre mais la crosse de son arme vient taper sa tempe et il tombe sans connaissance, m'entraînant avec lui.

— Bon sang Sandie, attends je vais virer tes chaînes !

Il récupère le jeu de clef de Caleb, puis en essaie plusieurs avant de trouver la bonne et de me libérer les poignets et les chevilles. Il m'aide à me relever ensuite. Je lui saute dans les bras, mes jambes venant accrocher sa taille, mes bras entourant son cou et mon nez humant son odeur.

— Tu m'as tellement manqué si tu savais ! Tellement manqué ! lui dis-je en craquant.

— Allez les amoureux, dit Falco en arrivant derrière Ghost, suivi de Tomy et Léo. On bouge avant que les bleus débarquent. Tomy... Léo, chargez-vous du colis.

Les deux hommes viennent récupérer Caleb encore dans le coaltar et le traîne pour sortir de la cave.

— Qu'est-ce que tu vas faire de lui ... chico guapo ? dis-je.

— On l'embarque et on va lui faire regretter d'être né, je te l'avais promis et tu sais que je respecte toujours mes promesses.

Ghost commence à reculer vers la sortie.

— Allons-y mon petit koala, me dit-il, puisque je ne l'ai toujours pas lâché.

— Attends ! Attends ! je ne pars pas sans elle !

— Qui ça elle ?

Je repose mes pieds au sol, Christ et Falco me regardent puis regardent dans la direction que je leur indique du doigt.

— Ben Daisy, dis-je. Je n'ai pas pu la sauver la première fois, cette fois-ci je ne la laisserai pas derrière.

— Mais de qui tu parles Tigresa, il n'y a personne dans cette cellule ?

— Daisy ! S'il te plaît, sors de l'ombre.

J'entends son corps se relever doucement de la paillasse et s'avancer vers le peu de lumière qui éclaire la cellule. Je sens soudainement le corps de Ghost se tendre d'un coup. Ses muscles ne sont plus qu'acier.

— Non ? dit-il doucement. Ce n'est pas possible… Nikita ?... Nikita... c'est bien toi ? Nini ma petite perle, tu es là ?

Je me prends une claque magistrale en pleine figure. Je regarde Ghost puis Daisy, puis Daisy et Ghost. Ce dernier a des larmes pleins les yeux et elles commencent à couler le long de sa joue. Je ne comprends plus rien. C'est sa femme c'est ça ? Il vient de retrouver sa femme ? Et alors qu'aucun son n'avait encore franchi les lèvres de Daisy, un murmure presque inaudible s'en échappe.

— Chris... mon frère...

Son frère ? Ce qui se produit ensuite est bouleversant. Chris m'écarte délicatement de lui, me reposant au sol puis se jette dans les bras de Daisy enfin... Nikita, si j'ai bien tout compris. Il la soulève de terre, l'embrasse, la fait tourner dans les airs avec lui. Leurs yeux sont baignés de larmes, des hoquets de chagrin sortent de la bouche de sa sœur... Nikita est sa sœur, il avait une sœur et pendant tout ce temps-là, pendant tout le temps que nous avons partagé ensemble, je ne l'ai pas su. Parce qu'en fait, je ne sais pas grand-chose de lui... J'aurais pu lui en parler si j'avais su plus tôt, lui faire gagner un mois et demi de liberté, de souffrance en moins. Oh mon dieu, j'aurais pu la faire libérer plus tôt. Je ne peux plus retenir mes larmes, je me retourne vers Falco qui est resté en retrait, comme en état de choc, ne cessant de regarder ces deux êtres qui se retrouvent, leur bonheur et en même temps la détresse dans leurs cris de retrouvailles. Je sens que mes jambes me lâchent, peut-être ma blessure au bras, le coup de poing de Caleb ou tout simplement le choc de cette découverte. Je ne sais pas, mais des points noirs se dessinent devant mes yeux. Je regarde Falco qui finit par me regarder et lui dis dans un murmure.

—Elle aurait pu sortir d'ici il y a plus d'un mois si j'avais su… hoqueté-je et ce sont les derniers mots que je prononce avant de tomber dans sur le sol.

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