Le piège de l'amour
À l'occasion, je ferai appel aux précieux services de Cassis. Car en plus d'être une tentatrice hors pair, elle possède un talent certain dans l'univers informatique. Je compte sur elle pour sécuriser l'accès à tous mes appareils électroniques. C'est une hackeuse hors pair. Je suis certaine qu'Anton sera intrigué par ma véritable identité. Son profil de geek laisse penser qu'il est lui aussi capable de manier des formules informatiques complexes. La vigilance sera désormais de rigueur. Mon téléphone ne devra plus traîner sur mon bureau, car il recèle des secrets que je ne souhaite pas voir exposés.
Alors que je m'apprête à franchir la porte de sortie, mon sac à main posé sur l'épaule, une main se pose sur mon autre épaule. Je sursaute, mon coeur fait l'ascenseur, je m'attendais à être rattrapée par Anton pour me mettre un coup de pression. Mais mon soulagement me gagne, il ne s'agit que de Valentin et de son sourire bienveillant.
- Tu t'es bien débrouillée pendant la réunion , affirme le patron, ses yeux fixés sur moi avec attention. Un trouble me saisit. C'était ce que j'attendais de toi.
Un sourire timide se dessine sur mes lèvres en guise de remerciement. Cet homme, bien qu'ayant partagé des moments intimes avec moi, ne cesse de m'intimider. Valentin se rapproche dangereusement. Dans la rue, la prudence est toujours de mise. Et si sa femme nous surprenait aussi complices ?
Valentin plante ses yeux dans les miens, son regard intense me sonde. D'une voix légèrement rauque, il murmure.
- Tu as un peu de temps devant toi ?
Un frisson me parcourt le dos. Je me retourne, incertaine. Est-ce bien à moi qu'il s'adresse ? Mes lèvres s'entrouvrent, ma langue effleure leur surface tandis que je plonge à nouveau dans le vert profond de ses yeux.
- C'est possible, oui, répondis-je d'une voix assurée. D'un geste séducteur, je ramène une mèche derrière mon oreille.
- Je t'emmène dans un salon de thé vraiment charmant, tu vas adorer, affirme Valentin, un sourire énigmatique se dessine sur ses lèvres.
Enveloppés par les effluves du salon de thé, nous nous retrouvons face à face, nos tasses fumantes que l'on porte à nos lèvres. La brioche à la praline, savoureuse sous mes papilles. Un flot de questions traverse mon esprit. A-t-il prévenu sa femme de son absence ? L'attend-elle à la maison, sans réponse, se languit elle de son retour ? Une vague de tristesse m'envahit à la pensée de sa solitude. Ma mission est de briser le cœur de Valentin, mais en cet instant, c'est pour lui que mon cœur se serre. Je me dois de le soutenir, de lui tendre la main face à la douleur qui l'attend, c'est envers Valentin que je ressens le plus de compassion. Des sentiments naissent en moi pour cet homme. Je suis la complice de ses infidélités, et j'ai le sentiment d'occuper une place importante dans sa vie. Est-il possible de tomber amoureuse d'un homme déjà pris ?
Je suis envelopée dans un voile cotonneux, coupée du monde extérieur. Valentin le remarque et, d'un geste tendre, effleure le dos de ma main pour ramener mon attention vers lui. Je lui raconte mon voyage à la réunion avec mes amies, il boit mes paroles et semble heureux pour moi.
Un frisson me pétrifie lorsque Valentin, d'un geste tendre, sort une petite boîte en velours de sa poche. Il me la présente, ses yeux brillent d'une lueur amoureuse. Je suis impatiente de découvrir le trésor caché dans cet écrin. Un silence stupéfait m'envahit. Ma bouche s'entrouvre, incapable de contenir l'émerveillement qui me submerge. Mes mâchoires frémissent, comme si elles étaient sur le point de se détacher. Mes yeux écarquillés fixent le magnifique pendentif en forme de cœur, serti de pierres luxueuses, que le bel homme me présente.
Les mots me manquent, je suis profondément touchée par ce cadeau. Il me prend la main alors que mes yeux sont rivés sur le pendentif.
- Greta, dès le premier jour où tu es venue te présenter, j'ai tout de suite su, commence Valentin ému. Tu as su atteindre mon coeur, ce qui n'est pas évident pour une femme. Tu m'as fait tomber amoureux, avec toi je sais ce qu'est l'amour. Tu représentes beaucoup pour moi, et j'aimerai pouvoir continuer avec toi, que tu sois la femme qui partage ma vie.
Des larmes de joie coulent sur mes joues, submergée par l'émotion de sa déclaration. Je suis submergée par un mélange d'émotions intenses. D'un côté, je suis bouleversée par la sincérité et la profondeur de ses sentiments. Son admiration me touche en plein cœur. De l'autre côté, je suis rongée par la culpabilité. Je suis la garce, l'instrument de destruction que sa femme a engagé pour briser son bonheur. Me voilà tiraillée entre l'attirance que je ressens pour lui et le poids de la trahison que je suis en train de commettre. Je vais devoir faire des choix, assumer des conséquences.
Emportée par mon élan, je me lève et me précipite dans ses bras. Mes larmes coulent, chaudes et brûlantes, tandis que je serre son torse contre moi. Dans un murmure tremblant, je lui avoue l'amour qui m'habite : "Je t'aime''.
Valentin finit par se livrer, j'enlace mes doigts aux siens, plus à l'écoute que jamais. Ses paroles s'échappent, pleine de vérité. Je lui prête une oreille attentiven sans jugement pour écouter ses pensées et ses secrets. Je suis son refuge, son amoureuse.
Un frisson me traverse. L'homme que j'admire, se révèle vulnérable, rongé par ls remords. Ses paroles font écho au passé, un miroir brisé que je dois réparer.
- J'ai été jaloux, peu sûr de moi, murmure-t-il, sa voix teintée d'amertume. J'ai blessé la femme que j'aimais, et je porte le poids de cette culpabilité sur mes épaules.
Je viens lui offrir un soutien silencieux. Je comprends sa douleur, la morsure du regret quile ronge en profondeur. Un homme qui cherche à se racheter.
- Tu n'es pas défini par tes erreurs, lui dis-je d'une voix rassurante.
Un éclair de soulagement perce la lueur de ses yeux verts. Il se redresse.
- Je veux être meilleur, affirme-t-il. Je veux être l'homme que tu mérites. Je n'ai pas su faire avec la précédente.
Je le regarde dans les yeux, et j'y lis la vérité. Je sais qu'il a le courage de changer, et surtout de me l'avouer.
- C'est toi qui le dit, Valentin, répondis-je. Je fais partie des personnes qui pensent que dans un couple c'est 50/50.
La façon dont Valentin parle de son ex-compagne au passé suggère que, pour lui, leur histoire est bel et bien terminée. Ils n'ont peut-être pas eu grand-chose en commun et cela pourrait expliquer la rupture de leur couple. Les relations amoureuses échouent pour de nombreuses raisons, et il n'y a pas toujours un seul responsable.
- Mon ex-compagne... Elle a connu beaucoup d'infidélités de ma part. Je le sais, c'est inexcusable. Mais ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est pourquoi elle n'a jamais essayé de me comprendre réellement, déclare t-il en inspirant.
- Pourquoi dis-tu cela ? dis-je d'une voix douce.
- Elle avait tant d'occasions de me poser des questions, de comprendre ce qui me poussait à agir de la sorte. Mais elle n'a jamais rien fait. Elle s'est contentée de me juger et de me condamner, renchérit il les larmes aux yeux.
- C'est terrible, Valentin. Tu ne mérites pas ça, dis-je en le prenant dans mes bras.
- Mais c'est la vérité. Et c'est pour ça que je veux être différent avec toi. Je veux te montrer qui je suis réellement, sans masque ni mensonge. Je veux que tu me connaisses, avec mes défauts et mes qualités, s'exclame t-il en se détachant de moi.
- Je te connais déjà, Valentin. Et je t'aime tel que tu es, répondis-je en le regardant.
- Merci, Greta. Tu es la première personne à me dire ça depuis longtemps, affirme Valentin en souriant malgré ses larmes.
Je joue la tentatrice pleine de compassion, en rajoute pour plus de crédibilité. Ma main effleure sa joue humide de ses pleurs. Il soupire.
- Je te promets que je ne te décevrai pas.
- Je sais que tu ne le feras pas, murmurai-je en me blotissant dans ses bras.
- Mes infidélités..., commence-t-il d'une voix tremblante. Je sais que ce n'est pas une excuse, mais je pensais qu'en contrôlant la situation, je souffrirais moins de l'amour.
Il a tellement peur d'être blessé qu'il préfère blesser les autres avant qu'ils ne le blessent.
L'amour ne se contrôle pas, lui dis-je. C'est un sentiment qui nous dépasse, et il est impossible de le prédire ou de le manipuler. Qu'est-ce qui te fait si peur de l'abandon ?
- Ma mère s'est suicidée lorsque j'avais dix-neuf ans, avoue t-il le regard perdu dans le vide.
- Oh mon dieu, Valentin. Je suis tellement désolée !
- C'était tellement brutal, tellement inattendu. Elle était si jeune, si pleine de vie.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? répondis-je en lui prenant la main.
- Elle était sous beaucoup de pression. Son entreprise était en difficulté, elle travaillait sans relâche. Elle était épuisée, à bout de forces, dit-il la voix qui se brise. Et le pire, c'est qu'elle m'a laissé seul. Je ne savais pas quoi faire. Je me sentais perdu, abandonné !
- Tu n'es plus seul.
- Merci, Greta. Tu es la seule personne qui comprend ce que je ressens.
- Je sais que tu as beaucoup de chagrin en toi. Mais tu es fort, tu vas y arriver.
- Je ne sais pas si je suis si fort que ça. J'ai tellement peur de souffrir encore, murmure t-il avec hésitation.
- Tu ne souffriras plus jamais seul. Je serai toujours là pour toi.
- Suite au décès de maman, papa est devenu alcoolique, renchérit Valentin en pleurant de plus en plus.
Je l'écoute se confier, pleurer devant moi témoigne toute la confiance qu'il a en moi. Son coeur est meurtri par les douleurs qui appartiennent au passé. Je me sens garce, d'avoir ce positionnement. Ses aveux et ses secrets me font réaliser que sa femme ne l'a jamais compris et n'a jamais cherché à percer ses mystères. Valentin n'est pas le connard qu'elle a présenté lors de son entretien avec Servane. Je ne peux nier qu'il m'a déballé tous ses chagrins mais aussi sa grande sincérité à mon égard.
Je me retrouve donc coincée, je sais que ce petit jeu pourra fonctionner quelques mois peut-être mais je serai très vite amenée à faire des choix. Je vais pouvoir déclarer à sa femme que Valentin commence à tomber amoureux de moi, la suite m'appartient.
Je lance un regard tendre à Valentin pour lui faire comprendre qu'il pourra toujours s'appuyer sur moi. Pour ce soir, nous nous arrêtons là. Pas de poursuite de soirée dans un hôtel, pas de petit coup vite fait dans un coin, Valentin doit accuser le coup et moi aussi...
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