Le séminaire s'est terminé sans problème mais je sais qu'ils sont loin d'être résolus. Lorsque je quitte l'entreprise, je suis obligée de me retourner plusieurs fois pour m'assurer que personne ne me suis jusqu'à l'agence Brise Coeurs. L'angoisse me serre la gorge tandis que je me dirige vers le bureau de Servane. Je dois me confier à elle, lui avouer mes erreurs et le danger imminent que représente Anton. La honte et la peur me tenaillent, mais je n'ai pas d'autre choix. Si je veux sauver ma peau, je dois lui faire confiance. Le regard de la très belle femme se pose sur moi et son sourire s'éteint aussitôt. Mon visage, pâle et marqué par les cernes n'annonce rien de bon. Mes yeux sont ternes et vides. Servane saisit instantanément la gravité de la situation. Son regard se fige et ses traits se crispent. Sa main se pose fermement derrière mon omoplate, pour me guider vers son bureau comme une mère protectrice guide son enfant en danger. Les autres tentatrices nous observent, leurs regards intrigués et curieux braqués sur nous. Des murmures parcourent la pièce. Je sens leurs regards peser sur moi comme des flèches acérées. En un regard, Athénaïs me demande si ça va aller et je sais que je pourrai compter sur elle.

La porte du bureau de Servane claque derrière nous, mon sang se glace. J'ai peur de mettre des mots sur la vérité. Les mots me brûlent les lèvres, mais je n'ose pas les prononcer. La peur des conséquences me paralyse, me cloue sur place.

• Servane ! J'ai commis des erreurs, tu m'entends ? Des erreurs graves qui menacent l'agence et toutes les tentatrices ! Notre gagne-pain est en danger à cause de moi ! dis-je les yeux luisants.

Servane semble furibonde, ses mots hurlent en moi comme un écho douloureux.

• Comment ? Répète ce que tu viens de dire ? s'emporte t-elle.

• J'ai éveillé les soupçons du bras droit de Monsieur Giordano, ma cible, dis-je penaude d'une voix presque inaudible. Je crains qu'il finisse par découvrir qui je suis réellement...

• C'est INACCEPTABLE ! Tu te rends compte de la gravité de la situation ? Tu mets en péril l'avenir de l'agence et de toutes les personnes qui y travaillent ! hurle Servane en se levant de son fauteuil de bureau.

Ses bras en appuis contre le bureau, sa poitrine est pas loin de sortir en dehors de son caraco. Mes yeux sont bien trop occupés à fixer les siens que je ne prête pas plus attention à ce détail alors que d'ordinaire, cela m'aurait rendue folle d'excitation.

• Je suis désolée Servane, je ne voulais pas.

• Tu n'as aucune excuse ! Tu savais pertinemment l'importance de ton travail et tu as failli à tes responsabilités, me sermonne t-elle en arpentant le bureau de long en large.

• Je t'en prie, Servane, donne-moi une seconde chance. Je ferai tout pour rattraper mes erreurs.

• Je ne sais pas si je peux te faire confiance après une telle catastrophe, dit-elle d'un ton froid. Maintenant tu m'expliques tout, comment tu en es arrivée à là ! Il faut trouver un moyen de faire taire cet homme ! Peut-être que je devrai lui envoyer une tentatrice pour lui faire oublier de tout faire capoter !

• Alors là, tu vas avoir du mal, Anton est gay, finis-je par dire.

Je lui dévoile tout ce qui me brûle de l'intérieur. Ses yeux sont deux braises incandescentes dans son visage pâle, ils me fixent avec une intensité effrayante. Sa voix, rauque et brisée, trahit une colère et une douleur profonde. Ses mains se serrent en poings, ses ongles s'enfonçant dans sa peau jusqu'au sang. Je sens qu'elle est au bord du gouffre, prête à exploser. Mon corps tremble sur ce fauteuil devenu inconfortable, je me sens fautive et je ne sais comment remédier à cela.

• Greta, tu perdras quinze points dans le classement des tentatrices de ce mois pour manquement de vigilance ! S'exclame Servane.

• Quinze points ? Répondis-je outrée.

• Oui c'est le prix à payer pour nous mettre en danger ! Hurle Servane.

J'ai du mal à avaler ma salive, je sens que je risque de bien redescendre dans ce classement qui me tient tant à coeur.

• Tu as raison, Servane, j'aurais dû être plus prudente.

• Je suis contente que tu le reconnaisses. Mais il n'est pas trop tard pour te rattraper, confirme Servane.

• Que dois-je faire pour regagner ta confiance ?

• D'abord, tu dois te méfier de cet homme.

• Je le sais. J'ai compris mon erreur.

• Ensuite, tu dois te concentrer sur ton objectif. Ne laisse pas cette histoire te distraire.

• Tu as raison. Je vais me battre pour remonter dans le classement et accomplir la mission que tu m'as attribuée.

• Je sais que tu peux le faire. Tu es forte et déterminée.

• Merci, Servane. Je ne te décevrai pas. D'ailleurs en parlant d'objectifs, Valentin m'a offert ce collier, dis-je avec un large sourire. Il m'a fait sa déclaration, comme quoi il est fou de moi, maintenant c'est à moi de jouer et d'attendre le moment où il sera le plus attaché à moi pour lui briser le coeur !

Le regard de Servane s'illumine, je suis rassurée de lire à l'intérieur de la fierté et de l'admiration envers moi. Je reprends petit à petit confiance en mon double jeu.

• Félicitations, tu as mis du temps à faire en sorte qu'il tombe amoureux de toi mais ce qui m'importe c'est le résultat final. Je pourrai informer notre cliente que la mission est en bonne voie. Je suis fière de toi, Greta !

• Merci Servane, répondis-je avec honneur. Giordano est pratiquement dans ma poche !

• Je te propose de te joindre à nous pour un petit instant de décompression, me fait-elle avec un petit clin d'oeil. Pour ce soir oublie le classement, fais toi belle, je vous attendrai dans la salle rose !

L'idée me chatouille, un frisson d'excitation parcourt mon échine. Je jauge la gérante du regard, de sa droite vers sa gauche, puis l'inverse. Son sourire attise ma curiosité, mais je me sens lassée. L'envie de me lover dans un lit douillet et moelleux pour un sommeil réparateur est tentante. Cassis, vêtue d'une lingerie affriolante, déambule dans le couloir, je l'arrête aussitôt.

• Cassis, j'ai besoin de toi dans ma mission, lui dis-je tout bas.

• Oui, dis moi Greta. Qu'attends tu de moi ?

• J'aimerai que tu bloque l'accès à mon téléphone portable, à ma tablette ainsi qu'un mon ordinateur, mon identité de tentatrice est en danger, peux-tu faire ça pour moi ?

• Mais d'abord, explique-moi la situation. Qu'est-ce qui te fait penser que ton identité est en danger ? me demande Cassis.

• Je ne sais pas, un pressentiment. J'ai l'impression que quelqu'un me surveille, je dois me protéger et protéger mes clientes et l'agence.

• Ne t'inquiète pas, Greta. Je suis là pour toi. Je vais d'abord bloquer tout ton matériel informatique. Ensuite, nous allons mettre en place d'autres mesures de sécurité pour brouiller les pistes et te protéger des regards indiscrets, s'exclame t-elle en me faisant un clin d'oeil.

• Merci, Cassis. Je suis reconnaissante de ton aide.

• De rien, Greta, les amies ça sert aussi à ça. Je te fais ça ce soir juste après l'épreuve !

• Tu sais quel genre d'épreuve Servane va nous présenter ?

• Hum probablement quelque chose d'assez sensuel, répond t-elle conquise.

• Sensuel ? En quoi ? demandai-je intéressée.

• Tu sais comment elle est, toujours à jouer avec les limites, à explorer les sensations en profondeur. Je serais prête à parier qu'elle va nous mettre au défi de séduire quelqu'un, ou peut-être même de nous laisser tenter par une expérience charnelle interdite, rigole Cassis.

• Je ne sais pas si je suis prête pour ça vu la tournure des événements, répondis-je en soupirant.

• Ne t'inquiète pas, Greta, nous sommes toutes dans le même bateau. Et puis, n'oublie pas que c'est juste un jeu. Un jeu qui peut être très amusant, si tu sais comment t'y prendre, fait-elle l'air de rien.

• Tu as peut-être raison. Mais j'ai quand même du mal à lâcher prise ces derniers temps.