Chapitre 34 - Le fantôme de la mère

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Une fois à l’intérieur, Wyatt interpela son épouse.

« Marine, ma chérie, regarde ta fille, elle est superbe, non ? »

Marine était en train d’arranger des fleurs dans un vase. Comme à son habitude, elle avait revêtue des vêtements d’un blanc immaculé. Elle ressemblait ainsi à un gourou de secte avec son éternel foulard clair qui retenait ses cheveux et renforçait l’aridité des traits de son visage. Elle avait mis du fond de teint pour redonner une nuance colorée à ses pommettes. Elle tourna la tête vers Shany mais resta sur place. La jeune fille fit quelques pas en direction de sa mère pour l’embrasser mais celle-ci eut un mouvement de recul. Shany n’insista pas. Les yeux maternels partirent dans le vide comme pris dans un souvenir lointain. Puis après quelques mouvements saccadés, ils revinrent se poser sur Wyatt.

« Ma fille, oui. Comment va-t-elle ? demande-t-elle. Elle esquissa un léger sourire mais les autres traits du visage restèrent inexpressifs.

— Plutôt bien. Merci, maman. »

Il sembla à Shany que sa mère s’apprêtait à dire quelque chose mais qu’elle s’était ravisée. Après un instant, elle souffla :

« Comment vont Jennifer et Clara ? »

C’était toujours la même chose. Sortie des formules de politesse, sa mère se dérobait de toute discussion sur son sujet. L’esquive habituelle était de parler des autres. Shany pouvait sentir le regard de son père dans son dos et imaginait sans peine le profond malaise qu’il pouvait éprouver. Sans le voir, elle savait qu’il était en train d’essayer de trouver une contenance en tirant sur les pans de son veston. Il n’avait jamais su faciliter la communication entre la mère et la fille.

« Shany, on fait un tour dans le jardin, j’ai planté des roses du Japon, tu vas voir, elles sont splendides, j’en suis très fier ! Attends, je prends la laisse pour Jumper. Je n’ai pas envie de courir après lui, aujourd’hui.

— N’oubliez pas d’ôter vos chaussures quand vous reviendrez du jardin ! Sinon, vous aurez à faire à mon balai. »

Voilà ce qui importe ! La vie de ma mère se résume à un pré carré et de menaces ! C’était désolant. Elle aurait voulu hurler mais elle se contint. Il fallait sauver les apparences et éviter de faire des choses qui n’aboutiraient de tout manière à rien.

Elle emboîta le pas à son père et ils s’éloignèrent en direction de la porte du jardin, talonnés par Jumper.

« Shany, je sais ce que tu penses. Ne lui en veut pas. Tu sais, parfois, elle va bien. A d’autres moments, elle vacille. Elle voulait faire de l’humour. Ça tombe à plat, je ne le sais que trop. Moi-même, je ne sais pas toujours comment faire. Elle est perpétuellement dans son monde avec ses médicaments. J’ai appelé son médecin en douce, pour qu’il réduise les quantités ou qu’il lui prescrive des placebos, sans grand résultat, je l’admets. Ta mère devrait sortir davantage, rencontrer des amis. Vivre avec son temps. Mais non, elle ne le fait pas. »

Shany acquiesça mais préféra changer de sujet :

« Papa, alors ces magnifiques roses, où sont-elles ? »

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