Chapitre 37 - Retrouvailles ratées

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En ce début d’après-midi, Jennifer décida de faire du rangement dans son armoire, non pas que cette dernière en eut besoin. Elle ne faisait que trouver de fallacieuses raisons pour retarder sa visite à l’hôpital pour aller voir sa fille.

Clara et elle s’étaient disputées la veille de son départ pour le Myanmar. Autant Jennifer faisait-elle preuve de courage dans son métier, autant en était-elle dépourvue avec sa fille. Quel en avait été le motif ? Par une broutille sûrement. Les disputes commençaient le plus souvent pour une peccadille ! Clara avait une fois de plus reproché à sa mère ses nombreuses absences. Elle n’était jamais là, elle n’était pas toujours joignable. Toutes les meilleures raisons du monde n’étaient suffisantes pour le justifier. Comment conjuguer une profession gravée dans son A.D.N. et une vie de mère ? Pour elle, l'équation était insoluble et de toutes parts, elle essuyait des remontrances. Ses parents s'inquiétaient que leur fille soit sans cesse en danger. Ils la trouvaient irresponsable d’avoir tout de même choisi de fonder une famille avec les risques que son métier comportait. Patrick quant à lui, lui reprochait de le laisser assumer seul l’état de santé de Clara, comme le quotidien de leur vie. A cette époque, il venait d’ouvrir son magasin d’alimentation.

Vers quinze heures, Jenifer se résolut enfin à sortir de chez elle pour se rendre dans sa librairie préférée. John, le gérant, habitué à ce qu’elle effectue ses achats en coup de vent la suivait du coin de l'œil. Jennifer feuilletait les livres machinalement et il voyait parfaitement bien la fébrilité de sa cliente. Il s’approcha doucement ce qui poussa Jennifer à s’adresser à lui.

« John, tu aurais un titre à me conseiller ? Un livre facile à lire pour les transports mais pas niais non plus. »

Elle n’écouta pas la réponse.

« John, non, j’y vais. »

Elle planta le libraire encore en train de lui faire l’article sur les dernières sorties littéraires. Clara l’attendait, elle ne pouvait pas éternellement différer sa visite.

*

Elle entra dans la chambre. Clara lisait. Sa mère lança :

« Salut ! »

Jennifer tourna sa tête vers sa fille voyant qu’il n’y avait pas de réponse:

« Salut, insista-t-elle, tu ne me parles plus ? »

Elle n’eut pas plus de succès sur son deuxième essai. Jennifer savait pertinemment qu’elle n’était pas la meilleure des mères. Mais que sa fille ne lui réponde pas la déchirait.

« Mon poussin…

— Je ne suis pas un oiseau !

— Je sais bien, pous… Heu, je voulais te dire que je suis vraiment désolée. Voilà, je m’excuse… Que voudrais-tu qu’on fasse ? Un jeu ? On discute ?

— On discute de quoi ? Tu étais où déjà à Noël, au jour de l'an ? Qu’est-ce que tu vas répondre ? Je suis à l’hôpital, tu vois ? Et toi, qu’est-ce que tu fais ? Tu te barres au fin fond de l’Asie.

— Tu ne m’appelles jamais maman. Tu tournes tes phrases pour l’éviter. Que veux-tu que je ressente ? Je sais bien que je ne représente pas une figure maternelle…

— De quoi tu parles ? Pourquoi tu parles comme un psy ? “Mèèèèèèèère” »

L'adolescente ne pouvait plus se contenir. La colère sourde qu'elle conservait en elle depuis des mois fit surface :

« Ben tu vois, ta vie de reporter, je m’en fous. Shany, elle est aussi partie à l’autre du monde mais au moins, elle est revenue. Elle travaille, elle prépare son doctorat mais elle garde du temps pour prendre soin de moi. Elle me connaît, elle. On partage des choses. Papa, oui, il est maladroit, il sait pas toujours trouver les bons mots, les bons gestes mais il est ici dès qu’il le peut. Il vient presque tous les soirs. Comment eux peuvent être aussi présents et toi, non. On ne peut même pas te contacter ! Mais tu es où ? hurla Clara. Tu es où ? »

Alertée par les éclats de voix, une infirmière passa la tête à l’intérieur de la chambre.

« Clara, que se passe-t-il ?

— Rien, Pardon, Rosette. Je vais me calmer. Ma mère s’apprête à partir de toute manière. »

Comme pour lui donner raison, le téléphone de Jennifer se mit à vibrer. Le nom de Brian s’afficha sur l’écran.

« Allez, vas-y, le devoir t’appelle !

— Mais Clara, c’est Brian. Écoute, je réponds et je remonte. »

Clara, même en colère, aurait préféré que sa mère reste au pied de son lit. Loin d’elle physiquement mais présente. Juste présente. Mais elle n’allait pas pouvoir s’empêcher de répondre. C’était certain.

« Restons-en là aujourd’hui, mère. » répondit Clara sur un ton ironique.

Jennifer eut mal, très mal que sa fille lui parle sur ce ton et fasse tout pour mettre de la distance entre elles. Le téléphone vibra de nouveau : Brian insistait. Elle embrassa sa fille du bout des lèvres. L’adolescente tourna la tête.

« Bon, j’y vais, heu, à demain, ma fille. »

Clara souffla :

« Ouais, c’est ça, a domani. »

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