Chapitre 55 - Clélia
Le lendemain, ils revinrent pareillement à dix heures.
Ce temps supplémentaire ne leur apprit rien de nouveau. Quand la lecture des lettres fut achevée, ils prirent congé. Ils demandèrent à voir Mme Rossi pour la remercier à nouveau mais elle avait dû se rendre à un colloque. Au moment de quitter les lieux, Lorenzo leur tendit un sac aux logos de la maison Rossi.
« Mme Rossi tient à ce que je vous remette ce présent.
— Remerciez-là pour nous. Nous l'appellerons demain.
— Inutile, son déplacement est prévu jusqu’à lundi prochain.
— Dans ce cas, ils ne nous restent plus qu’à nous retirer. Nous tenons à vous remercier chaleureusement pour votre aide. Je ne manquerai pas de vous citer dans les remerciements de mon prochain ouvrage.
— Mr Joly, je ne vous en demande pas tant.
— J’y tiens. »
*
« Toute cette journée dans un sous-sol, j’ai besoin de voir la lumière, on marche ?
— Pourquoi pas ? Nous avons appris beaucoup de choses aujourd’hui. Maintenant il nous reste à aller aux archives de la Galerie d'Art Moderne où il y aura peut-être des informations complémentaires.
— Vous avez raison, rétorqua l’auteur. Je propose que nous rentrions à l’hôtel, pour mettre à jour nos notes.
— De mon côté, je prend contact avec la Galerie pour savoir quand nous pouvons y faire notre visite. »
*
Ils arrivèrent en avance devant le bâtiment abritant les archives du musée de la Galerie d'Art Moderne. A moins dix, ils sortirent du véhicule et se présentèrent devant les détecteurs de métaux. L’entrée de l’édifice était magnifique offrant une paroi en pierre en forme d’ogive. Ils se signalèrent au guichet situé tout de suite à droite.
« Bonjour Monsieur, je pense que nous sommes attendus par Mr Fratellini. Pourriez-vous le prévenir de notre présence, je vous prie ?
— Bien entendu, je vous saurais gré de patienter sur ses sièges. »
L’employé désigna des chaises recouvertes de velours vert.
« Monsieur Fratellini vous demande de patienter quelques minutes. »
Un homme au costume impeccable, la quarantaine, se présenta à eux à peine cinq minutes plus tard.
« Je me présente M. Fratellini. Mr Mariano m’a chargé de vous assister durant vos recherches. L’ascenseur est en panne, nous allons donc monter au premier étage à pied. »
Les marches en pierre les menèrent dans une pièce très haute de plafond. Mr Fratellini ouvrit une épaisse porte en chêne derrière laquelle se tenaient d'élégantes étagères en bois. Y étaient entreposées des boîtes en cartons. Une étiquette comportant des cotes servant à classer les documents contenus à l’intérieur étaient consciencieusement inscrits sur la tranche. Entre deux étagères, de longues et lourdes tables étaient disposées pour lire les documents.
Mr Fratellini avait déjà annoté sur un carnet en simili cuir la bonne rangée et les boîtes qui intéressaient les visiteurs.
« Voici. Nous sommes ici, rangée 5. La boîte qui vous concerne est celle-ci. Je vous la dépose sur la table de lecture. Si vous avez besoin que j’en sélectionne une autre. N’hésitez pas. Je reste en bout de table.
— Nous vous remercions d’avoir organisé cette visite avec autant d’efficacité, fit Jennifer.
— C’est bien normal. Nous rencontrons si peu de nouvelles personnes qu’il m’est agréable de vous être utile. Mr Marino m’a rapporté que vous vous intéressiez à Battaglini, n’est-ce pas ? Il est vrai que nous ne savons pas tout sur cet artiste. Si vous avez de nouvelles informations, il nous serait très agréable de nous en faire part.
— Bien entendu, nous ne manquerons pas de vous adresser un mail récapitulatif de nos découvertes s’il y en a.
— C’est fort aimable de votre part. »
Avant de les laisser à leur tâche, Mr Fratellini crut utile d’ajouter :
« Madame, vous parlez fort bien italien. Si toutefois, vous aviez besoin de la moindre traduction, je serai heureux de vous aider.
— Très bien, je ne sais comment vous remercier. »
Jennifer et Laurent lui sourirent puis ils s’assirent. Jennifer ouvrit délicatement la première boîte. Certains documents étaient protégés d’un film pour éviter que le frottement des feuillets n’étiole les caractères.
« Vous lisez ce paquet, je jette un œil sur celui-ci, okay ?
— Okay. » dit-elle, absorbée dans l’étude d’une lettre. Elle était étonnée de cette proposition car Laurent ne parlait pas un mot d’italien. Elle garda pour elle sa remarque. Elle repasserait après lui pour confirmer ses premières conclusions.
« Jennifer, sur cette chemise est collée la photo du tableau que nous cherchons. Je pense que tous les éléments s’y rapportant y sont classés. Je l’ouvre. »
Jennifer leva la tête, elle était excitée à l’idée que la boîte renfermât des informations qui apporteraient des éléments nouveaux. Les notes étaient aussi bien manuscrites que tapées à la machine à écrire. Les archivistes n’avaient guère eu le temps de les consigner sur un système informatique.
« Je vous les donne. »
Jennifer se concentra. Elle fronça les sourcils.
— Clélia, It is the first name. » s’égosilla Jennifer dans sa langue maternelle.
« Le prénom. Qu’est-ce que vous me chantez ? Qui est Clélia ? Il faut vous suivre !
— Vous vous rappelez ? J’ai consulté un hypnotiseur.
— Oui, oui, quel est le rapport ?
— Pendant la régression... heu .. je ne vous ai pas dit que la fille que je voyais s’appelait Clélia.
— Ouille, ça devient de la S.F. votre histoire ! Bon, nous débrieferons après. Avez-vous d’autres détails ? Continuons... Regardez cette chemise, un médaillon rappelle notre tableau. »
Jennifer continua à parcourir les fiches de l’équipe des archives.
« Sur cette autre lettre, Battaglini dit que le tableau se nommait au départ “Clélia et les papillons”. Ensuite, le commanditaire de l'œuvre a demandé à ce que soit effacé le prénom au profit de l’intitulé qui est arrivé jusqu’à nous : “la jeune fille aux papillons”.
— Cette fiche-ci confirme le fait que le tableau a bel et bien changé d’intitulé.
— Est-ce qu’il donne une raison de ce changement ? »
Jennifer suivait les lignes du doigt.
— Laurent, sur cette lettre datée du 13 mars, Battaglini évoque le tableau de la petite fille aux papillons. Pour cela, il s’est déplacé dans une île ou une région entourée d’eau, il semble pour y peindre le portrait de… aïe, l’encre a bavé.
Jennifer regardait Laurent fixement. Il se demandait ce qu’il se passait. Fratellini avait aussi relevé le menton. Son visage n’exprimait aucune émotion.
Jennifer s’empressa de lire le document suivant :
— Début d’année, Battaglini dit qu’il s’est rendu à Riomaggiore pour finaliser le tableau. Il est tombé amoureux de la ville. Là, il pense acheter une petite maison dans la région des Cinque Terre. Visiblement, il négocie le prix d’un logement avec une terrasse. Attendez, il l’a décrite. On va enregistrer les détails dans le dictaphone. »
Annotations
Versions