Chapitre 70 - Jardinage improvisé

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De retour de son périple à vélo, Shany était épuisée. Elle avait peu dormi cette nuit et elle ressentit le besoin de faire une sieste. Au bout d’une petite heure, le soleil décida de la saluer avec la chaleur de ses rayons. Il était déjà treize heures. Le ciel était d’un bleu ciel lumineux.

Shany était heureuse : elle avait retrouvé son marchand. C’était comme un signe du destin pour elle qui s'était souvent remise en question pour éviter de considérer sa quête de traitement pour Clara comme vaine. Elle avait même culpabilisé d'avoir fait ingérer la potion par deux fois à sa nièce sans en référer à personne.

Bon, ce n’est pas le moment de se retourner sur le passé. Profitons du moment présent, de cette très belle chambre et regardons vers l’avenir. Allez une douche et je téléphone à ma soeur !

Alors qu'elle se préparait à aller dans la salle de bain avant de passer un coup de fil à sa soeur, une voix l'interrompit.

— Shany, tu es réveillée ? Ton déjeuner t’attend : gratin de choux fleur (on est en Bretagne) et filet mignon à la moutarde, ça ira ? entendit Shany à travers la porte.

— Tu peux entrer, Firmin.

— Descends quand tu le sens. Le déjeuner est servi dans la cuisine.

— Merci, Firmin, tu es un amou… heu, tu es adorable, finit-elle sa phrase en rougissant jusqu’aux oreilles.

— Oui. Je vais me débrouiller, je vais même faire la vaisselle, une fois que j’aurais terminé les agapes que tu as gentiment préparé.

Shany se prépara et appela sa sœur, le déjeuner pouvait attendre encore un peu.

— Shany, tu vas bien ? C’est rare que tu appelles, tu envoies plutôt des textos habituellement.

La voix de Jennifer était moins assurée que d’ordinaire. Sûrement savait-elle pour Clara et hésitait à la mettre au courant. Shany joua les ignorantes et demanda des nouvelles.

— Ecoute, l’état de Clara est stable. Son père lui rend visite tous les jours. Mais sa mère est loin, sa tante, aussi. Ce n’est pas facile.

Jennifer ne répondit pas tout de suite. Sûrement avait-elle oublié ce qu’elle avait envoyé.

— Oui, c’est vrai. Moi je te rappelais à propos de ton SMS.

— Ah cool, alors tu sais ce que c'est ? Laurent, le gars qui m'accompagne trouvait qu'il sentait trop bon et il ne voulat savoir ce que c'était.

— J’ai mieux que ça.

— Mieux que ça, c’est-à-dire ?

— Cette plante s’appelle Camellia Alpaca. Il s’agit d’une plante endémique qui ne pousse que dans la région où tu te trouves.

— Oui, j’ai aussi des informations concernant la famille, dit Jennifer pour changer de sujet.

Elle se demandait pourquoi sa sœur lui parlait d'une plante alors qu'elle savait pertinemment que ce sujet n'était pas sa tasse de thé.

— Tiens, figure-toi que j’ai trouvé des informations incroyables concernant nos ancêtres..

— Ah bon ?

Shany hésita à poursuivre.

— T'es encore là ? demanda Jennifer.

— Ah autant ne pas tourner autour, figure-toi que cette plante pourrait bien soigner ta fille.

— Soigner… Soigner comment ? Un truc pour atténuer les symptômes, les prévenir ou guérir ? Et puis, comment tu sais cela ? J’ai lu un truc récemment. A propos de nos ancêtres justement, ça serait long à t’expliquer comment j’ai découvert ça mais en gros, nous avons une cousine du je-ne-sais-combien-tième degré qu’on a soigné avec une plante aussi. »
Jennifer marqua une pause.
« Quand j’ai lu la description, ça m’a rappelé la maladie de Clara. Mais ça s’est arrêté là. Se pourrait-il que ?

— Oui, aucune idée sur ce que tu me racontes là. Ce qui est certain, c’est que la Camellia Alpaca peut sauver Clara si on parvient à synthétiser la molécule du principe actif qu'elle contient. Peux-tu la récupérer et me l'envoyer rapidement ? .

— Je ne sais pas mais déjà pourrais-tu me répondre à ma question ?

— Quoi?

— Comment tu sais que cette plante peut soigner Clara ?

— Il se pourrait que j'ai testé celle-ci sur Clara après le jour de l'an.

— Sans nous en parler ?

— Je n'étais sûre de rien et je ne voulais pas vous donner de faux espoirs. J'ai préféré valider mon hypothèse avant. Et il se trouve que les résultats que j'ai obtenus sont plus que prometteurs.

— Heu, Shany, je ne sais pas d'où tu sors ces résultats mais sache que j’ai autre chose à faire que de jouer aux apprentis-jardiniers. Patrick m’a appelé. Il était affolé, Clara a rechuté. Nous avons discuté et il nous a semblé que la greffe était la meilleure solution. D'ailleurs c'est la recommandation de son médecin. Alors comment une plante tombée du ciel pourrait-elle améliorer l’état de ma fille ?

— Écoute, franchement, on n’a pas le temps de tergiverser pendant des heures. Je connais très bien l’état de Clara. Figure-toi que je suis au courant de ce qui s'est passé car Patrick m'a appelé pour quasiment m'accuser. Mais bref, ce n'est pas l'important, s’il te plaît, fais-moi confiance. Si le jeu n’en valait pas la peine, je ne te demanderai pas de dérober des fleurs. Je ne ferai courir aucun risque à Clara.

— Oui, mais que va dire Patrick si je débarque en lui disant cela.

— On verra ça plus tard et on trouvera une manière de lui dire. Là il faut que tu la récupères et que tu viennes, c’est urgent, Jenny.

*

Jennifer raccrocha. Tout dans sa tête s'était mis à bouillonner. Dans ce genre de situation, elle ne pouvait pas rester en place. La gamberge n'était pas son truc, il lui fallait qu'elle se mette en action. Elle envoya un texto lapidaire à Laurent :

— Rendez-vous au lobby dans un quart d’heure. Affaire importante à régler.

Vingt minutes plus tard, elle débarqua quasiment en courant dans le hall de l'entrée où Laurent l'attendait à un mélange d'amusement et d'inquiétude sur le visage.

— Laurent, il faut absolument que nous nous retournions au restaurant pour collecter un arbuste.

— Euh, tu peux m'expliquer parce que là, je ne vois pas le rapport avec la choucroute.

— Nom d’un chien ! Tu te rappelles de cet arbuste, le camila machin ?

— Oui, et alors ? Tu n'as pas trouvé mieux comme cadeau souvenir ? De l'huile d'olive, du parmesan, du vinaigre balsamique, un maillot de foot ?

— Ce n’est pas pour un cadeau. Cette plante rare soignerait Clara. Je viens de l’apprendre de ma sœur. Figure-toi qu’elle l’a testé lorsqu’elle est venue sur New York pour le jour de l’an. Du coup, j’ai fait le rapprochement avec ce que nous avons lu dans les lettres de Fiorenza. Elle évoquait cet arbre. C'est avec ses feuilles qu'elle a préparé la potion qui a visiblement guéri sa fille. Donc on va demander si on peut récupérer l’arbre. Si nous pouvons lui éviter la greffe, ma fille en sera ravie.

— Tu n’y penses pas, Jennifer !

— Comment ça ?

— Enfin, Jennifer, dans un premier temps, nous sollicitons des entretiens pour un sujet de recherche des plus sérieux, nous prenons des notes, des photos. Bref, on fournit un travail de fourmi. Puis, d’un coup on revient la bouche en cœur avec une demande de don d'arbustes pour sauver ta fille ? Tu trouves ça crédible ? Ils vont nous prendre pour des illuminés !

Jennifer marqua une pause

— Hum, dans ma précipitation, je n’ai même pas pensé à ça…

Devant l’état de fébrilité de son amie, l’écrivain se dit qu’il devait proposer quelque chose d’efficace.

— Bon, bon, écoute. Voilà ce qu’on peut faire. Premièrement, nous allons acheter tout ce qu’il faut pour déterrer ton arbre. Deuxièmement, nous allons à l’auberge et on se le procure ni vu, ni connu.

— J’ai passé l’âge d’agir comme une délinquante !

— Tu préfères quoi ? Qu’ils te rient au nez lorsque tu leur diras très sérieusement que tu demandes l’autorisation d’avoir un arbre pour créer une potion magique ?

— Bon d’accord, mais je n’y connais rien, moi.

— Bon, bon, je passe une veste et endiamo ! Je sais quoi acheter et comment m’y prendre pour déraciner un arbuste. Allez, vient. En voiture !

Tout en se dirigeant vers la voiture, les adresses des jardineries s’affichaient sur l’écran de Laurent.

— Laurent ?

— Oui ?

— Merci.

*

Laurent réalisa les achats. Le matériel se trouvait au fond du magasin. Il dénicha rapidement une petite hache, un sécateur, un déracineur, une pelle avec des manches de tailles courtes. Il pensa aussi à une paire de gants protecteurs et un sac opaque en plastique solide afin de recouvrir l’arbuste. Quand Jennifer vit les instruments rassemblés sur le tapis roulant de la caisse, elle eut l’air dubitative.

— Ça ne fait pas beaucoup de matériel. Ça suffira ?

— Je pense que oui. Les branches de l’arbuste sont de faibles diamètres. Si les racines sont profondes, j’utiliserai le déracineur. J’ai tellement jardiné avec maman que je devrais pouvoir me sortir de cette mission honorablement.

— Merci encore, Laurent.

— Allez, avanti.

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