La Simca de Milo était certes très élégante mais avançait au pas. Ils n’arrivèrent à Paris qu’à trois heures du matin. Ils eurent la chance de trouver une place pour se garer juste devant l’appartement de Joly.

Shany sonna à l’interphone. Jennifer leur ouvrit en leur indiquant de monter au dernier étage.

— Laurent, je te présente ma sœur, et…

— Milo, enchaîna Shany.

— Venez dans le salon. Je pense que vous voulez aller tout de suite dormir donc je propose que vous, Shany, partagiez la chambre d'amis avec votre soeur. Milo, je n'ai que le convertible du salon. Je vous rassure pour l'avoir essayé, il est confortable. Dans le couloir, il y a un dressing. Vous pourrez y ranger vos sacs. Ça vous va ?

— Ce sera parfait, répondit Milo.

— Nous ferons le point demain matin.

Il tourna les talons et partit se coucher. Les autres en firent de même.

*

Le lendemain matin, tout ce petit monde se réveilla aux aurores : le programme de la journée était chargé. Prête en premier, Jennifer descendit faire le plein de viennoiseries à la boulangerie, passa à la supérette pour acheter de quoi préparer le petit déjeuner.

— Quelle est la suite des événements ? interrogea Milo dégustant son café.

— Ce matin, on doit aller direction le laboratoire de Châtenay. Romain, un ami, va nous accueillir.

— Qui y va ? demanda Laurent.

— Milo, bien sûr car il sait créer un élixir avec les plantes. Romain et lui pourront échanger sur leurs connaissances. Moi j'escorte Milo. Jennifer et vous-même, vous pouvez nous accompagner si cela vous dit.

— Non, merci. Je ne vous serai pas très utile et j'ai pas mal de choses à écrire suite à notre périple italien. Jennifer, tu fais quoi ?

— Je crois que je vais les accompagner, je ne veux pas t'importuner.

— Vu l’urgence de la situation, vous aider est normal, donc revenez chez moi. Je prévois de quoi nous sustenter tous ensemble. Jennifer, tu m’enverras un message vous serez sur le retour ?

— C'est gentil de nous simplifier la logistique. Promis alors, je te préviens.

Ils se préparèrent, gagnèrent la Simca et se dirigèrent vers Châtenay-Malabry.

*

Romain attendait déjà devant l'entrée lorsque la Simca alla se garer. Shany fit les présentations et lui expliqua enfin la raison pour laquelle elle lui avait demandé de venir.

— Je te jure que je te revaudrai ! fit Shany en joignant les mains.

— La prochaine fois, tu pourrais me donner les explications avant, ce serait plus pratique.

La petite troupe pénétra dans les locaux et dut passer au poste de sécurité pour obtenir les badges nécessaires.

— Cela va bien que j'ai un bon niveau d'habilitation et que le responsable de la sécurité me connaît bien, sinon cela aurait été très compliqué, dit Romain

— A ton avis, pourquoi ai-je fait appel à tes services, mon grand ? ironisa Shany.

Lorsqu'ils pénétrèrent dans le secteur du laboratoire, Romain leur fit une brève présentation des lieux et s'attarda sur la description des appareils qu'il lui semblait nécessaire pour l'opération qu'ils s'apprêtaient à faire.

Milo qui, jusque-là, était resté en retrait, s’avança vers Romain :

« Quale laboratorio que vous avez là. Je serais bien incapable d’utiliser le moindre instrument. Però vous faites la même chose que moi, à peu de choses près. »

Le jeune laborantin eut un sourire un peu moqueur qu’il tenta de contenir.

« Nous faisons surtout de l’analyse et s’il nous arrive de combiner certaines molécules, en réalité, nous commandons chacun d’entre elles auprès d’autres laboratoires qui les produisent. Même s’il peut arriver que nous soyons amenés à le faire parfois.

— Vous vous compliquez la vie alors.

— Au contraire, c’est plus simple, fit Romain.

— Vous dépendez de tout un tas de fournisseurs, je comprends bien. En plus, je suppose que ça vient d’ici ou de là-bas. Cela vous impose toute une logistique bien compliquée et vous n’avez pas la connaissance sur la totalité du procédé de fabrication. Je me trompe ?

— C’est une façon de voir les choses.

— N’y voyez pas de critique sur votre travail. Simplement, je me dis que c’est peut-être dangereux de ne pas maîtriser les choses de bout en bout.

— Je comprends mais vous savez, il y a des gens qui réfléchissent à cela, tout de même. Ils évaluent les contraintes économiques, voire les risques géopolitiques versus le bénéfice pour déterminer le meilleur modèle. »

Milo hocha la tête mais ne paraissait pas pour autant convaincu.

« Je m’installe où ? »

Romain lui indiqua une paillasse.

« Alors, comment pouvons-nous commencer ? »

Milo ajusta ses lunettes en acier et esquissa un sourire avant de se mettre à détailler la multitude d'équipements du laboratoire. « Voyons, nous devons extraire le principe actif de la plante pour le combiner dans la formule traditionnelle que j'ai toujours utilisée. » Son regard se posa sur les tubes à essai, les centrifugeuses et les appareils de chromatographie liquide à haute performance.

Le duo entreprit alors de réaliser l'extraction du composé actif, une tâche familière pour Milo, mais rendue complexe par la précision demandée par les instruments. Romain manipulait habilement les commandes, ajustant les paramètres selon les indications de Milo, tandis que ce dernier tentait d'adapter ses connaissances empiriques aux nouvelles techniques.

Malgré leur collaboration assidue, des problèmes surgirent. Le dosage était incorrect, les temps d'extraction trop longs ou trop courts, et les résultats ne furent pas conformes aux attentes. Milo, bien qu'habitué à la patience que demandait la préparation des remèdes traditionnels, se sentit quelque peu dépassé par cette collision entre passé et présent.

Avec le support de Romain, Milo apprit petit à petit, à apprécier les avantages de la technologie moderne. Romain, de son côté, gagna en respect pour les connaissances ancestrales de son hôte. Leur collaboration prit alors une bonne tournure, mêlant traditions et innovations. Ainsi, au bout d’une demi-journée, ils purent produire une fiole du remède combinant le meilleur des deux mondes, alliant la sagesse du passé à la rigueur scientifique du présent.