Chapitre 69 - A la rencontre de Milo
Firmin avait prévu ce matin de travailler dans sa maison. Il lui fallait commander quelques pièces de rechange pour le bateau, il voulait comparer les tarifs sur différents sites des distributeurs. Il fut interrompu par Shany qui lui demanda de lui imprimer un itinéraire.
« Tu vas y aller comme ça ?
— Ben je n’ai pas le choix, vu que personne n’a su me donner son nom. »
Avec l'adresse de Milo en poche, Shany descendit au garage pour emprunter le vélo. Il vivait excentré du centre de Louannec et elle roula donc une demi-heure à bonne allure avant d'arriver aux abords de l'habitation. Au numéro 6, une maison de guingois attira son attention. Les poutres apparentes avaient perdu leurs couleurs et semblaient usées. Il en allait de même de la pierre de granit rose. Chose remarquable, La charpente n'était pas terminée. “Hé bien, dans une région où il pleut, comment fait-il ? Il a mis des seaux en dessous du toit ?”.
Shany ouvrit la poignée qui ouvrait le portail qui grinça. Des frissons la saisirent. Elle respira profondément. Le chemin qui menait à la maison était recouvert de graviers qui crissaient sous ses pieds. Pour se donner du courage, elle entonna un air d’opéra qu’elle connaissait bien : “la mégère apprivoisée” composée par Dimitri Chostakovitch.
Ne voyant personne, Shany contourna la maison et aperçut Milo qui s’évertuait à se débarrasser des mauvaises herbes qui envahissaient son parterre de Saoj-munud. Celui-ci releva la tête au son des petits cailloux.
— Ha Mademoiselle, je vous vous reconnais, vous ! s’écria-t-il en venant à sa rencontre. Je ne m’attendais pas à vous voir ici, chez moi.
Shany regarda Milo de pied en cap. Son accoutrement de jardinier était comique. Il portait un chapeau de paille recousu par endroit. Son jean pochait au niveau des genoux. On n’aurait su dire la couleur initiale de sa chemise à carreaux tant elle était délavée par les lavages. Un tablier vert complétait l’habillement, également recousu avec des carrés de tissus dépareillés qui soutira un sourire amusé à Shany.
— Bonjour.
— Bonjour. Vous entrez dans la maison ? Je me lave les mains et vous offre un café, italien, bien sûr.
Shany fut un peu surprise que l'italien l'invite directement sans lui demander la raison de sa visite. Milo la mena dans la cuisine, lui fit signe de s’asseoir en lui indiquant une chaise en formica, jaune pastis. Il s’absenta quelques instants. Shany en profita pour observer son environnement. Aucun effort de déco n’ait été fait. Aucun élément qu’il fût ameublement ou ustensile de cuisine ne semblait en bon état. La peinture du mur s’écaillait par endroits. Une fissure parcourait la coupe de fruits posée sur la table. Cependant, le mobilier comme la vaisselle étaient propres.
Milo réapparut avec sa verve naturelle
— Un p’tit café ? Le sucre est ici.
— Volontiers. Sans sucre, ça ira.
— Alors, Cha… Shany, c’est bien ça ? Que vous faut-il ?
— Vous vous rappelez de mon prénom ?
— Comment oublier la visite d’une américaine très sympathique qui cherche un produit pour soigner sa nièce vivant aux Etats-Unis ?
— Je vois. En fait, Milo, je voudrais savoir si vous pouviez me vendre la potion que vous m’avez donnée à Noël.
— Je vais regarder. Je crois que je n’en ai plus.
— Dans ce cas, où peut-on en avoir ? Elle était produite à partir d’une plante, je crois. Quel est son nom ?
— Ici, je cultive certaines plantes. Mais celle dont nous avons besoin pour soigner votre nièce vient d’Italie. C’est une plante endémique qui ne pousse que dans une région spécifique. Et là, c’est la saison de la cueillette. Mais en ce moment, je ne sais plus comment en obtenir. La dernière personne qui m’en envoyait est morte il y a environ six mois.
— Oh je suis désolée. Mais vous n'auriez une piste pour vous en procurer ailleurs ?
— Je regrette, mais non. Vous n’êtes pas la seule à en demander. Je m’apprête à retourner en Italie pour voir qui en cultive. J’ai bien peur de ne pas pouvoir vous fournir tout de suite.
Shany pensa à sa nièce qui avait un besoin urgent d’être soignée. La recherche concernant le syndrome de Panzuzu avançait à pas de fourmi et avec le remède de Milo, elle avait une opportunité d'accélérer les choses. En plus, il lui fallait absolument prendre la greffe de vitesse.
— Ca ne m’arrange pas, ça !
Par réflexe, et pour éviter de parler car elle avait envie de pleurer, elle sortit par réflexe son portable de son Kway.
— Je vais vous montret des photos de ma nièce. je devrais en avoir quelques unes avant son entrée à l’hôpital.
Fébrilement, elle chercha dans son appareil. Ses mains tremblaient légèrement. Son téléphone vibra. La photo envoyée par Jennifer s’afficha.
— Pardon, bredouilla la jeune étudiante.
Milo qui s’apprêtait à remplir à nouveau sa tasse de café passa derrière la jeune fille et ne put s’empêcher de voir l’écran du téléphone.
— Mais attendez, jeune fille. Non, ne bougez pas. Il prit le temps de vérifier la plante et sa fleur… C’est ça.
— Quoi, ça ?
— L’arbre sur votre téléphone, c’est la plante. La plante qui soigne, la fiole que j’ai donnée quand vous êtes venue.
— Enfin, ce n’est pas possible, Milo. Ma sœur est en Italie, à Riomaggiore. Vous connaissez ? Elle me demande si je peux identifier cette plante.
— Ma qué, bien sûr que je connais. Magnifique région !
— Milo, que je sois sûre : vous êtes en train de me dire que là où séjourne ma sœur en Italie et justement l’endroit où pousse une plante qu’on ne trouve que dans une zone restreinte ?
— C’est ça, fit-il en roulant ses yeux d’un bleu acier.
La jeune fille qui, il y a quelques minutes, faisait l’effort de ne pas verser de larmes devant Milo explosait maintenant de joie. Elle se leva d’un bond faisant vaciller la table en formica. Une goutte de café se déversa dans la petite soucoupe ébréchée.
— Ooooh, mais c’est génial, Milo. Elle entoura le cou de Milo et l’embrassa.
— Grazie mille. Vous pouvez me donner votre carte ? J’ai perdu celle que vous m’aviez donnée.
— Bien sûr, il y en a sur le guéridon à l’entrée.
Sur ce, Shany fila à toute vitesse.
— Je vous tiens au courant, cria-t-elle en partant en courant. A toutes fins utiles, elle prit aussi une carte qu’elle fourra dans la poche de son jean.
Milo était habitué aux réactions des familles qui voulaient à tout prix sauver un proche, un enfant. Il en rencontrait des désemparées, qui vivaient des hauts et des bas en fonction des résultats d’examens ou au gré de l’état de santé du malade. Il s’amusa donc de la fougue de Shany. “Si j’ai pu l’aider, bueno”.
Ragaillardie, elle enfourcha le vélo et repartit le cœur léger vers la maison de Firmin. Elle avait l’impression d’avoir brillamment réussi une étape de sa mission. Trouver ce qui pouvait mener sa nièce à la guérison était ce qui la motivait à se lever le matin. Shany se sentait flotter sur la bicyclette. “Il ne me reste plus qu’à demander à Jennifer de prendre un arbuste”.
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