Chapitre 4
Chapitre 4
De retour en classe, assis entre Léonor et Hugo, je ne peux m’empêcher de dévisager ce dernier. C'est un grand gaillard, ses joues rouges sont parsemées de poils et je constate que même s'il semble très musclé et sportif, il a un petit ventre. Sa stature pourrait paraître intimidante, mais lorsque il parle il est très doux et il rougit facilement. Son physique imposant conjugué à sa timidité lui donnent un aspect de nounours.
Je m'attarde également sur les odeurs qui m'entourent, les senteurs de la salle de classe se mêlent au parfum floral de Léonor et aux odeurs corporelles d'Hugo. Cette odeur naturelle masculine un peu bestiale n'est pas des plus agréables, et pourtant je ne trouve pas cela repoussant.
Hugo remarque que je le regarde, je fais alors mine d'observer le prof.
Le prof passe son heure à présenter sa matière et les enjeux de la langue anglaise. À la fin de l'heure, il m'invite à discuter avec lui. J'observe son visage triangulaire et juvénile paré de lunettes qui lui donnent un air très sérieux. On dirait vraiment un élève. Ses habits tendent toutefois à le vieillir : un col roulé, un blazer et des chaussures noires avec des lacets du même mauve que son pantalon . Après m'avoir souhaité la bienvenue à Sainte Marthe, il me dit :
– Nathan, Madame la Directrice m'a dit que tu étais natif, il me semble alors normal que les cours soient différents pour toi. Je te propose soit d'aider les élèves dans le besoin, soit de travailler d'autres matières en autonomie.
– J'aimerais travailler mon français, il n'est pas parfait et j'ai de la difficulté avec les conjugaisons et ma prononciation est à améliorer, lui dis-je timidement.
– Que tu es dur avec toi-même ! dit-il en souriant. Ton français est très bon et ta phonologie est excellente. J'approuve toutefois ta démarche et je t'encourage dans cette voie. Et si tu te sens d'aider tes camarades, n’hésite pas à te signaler ; de toute manière, je ne te forcerai à rien.
Son discours empli de bienveillance me rassure, ce prof semble préoccupé par mon bien-être. Ses compliments m'ont fait rougir et je n'arrive pas à répondre. Il ajoute après ce temps de flottement :
– Mes compliments sont sincères. Oh mais, on discute on discute et voilà que tu vas être en retard à ton prochain cours. Je vais te faire un mot pour t'éviter des ennuis dès le premier jour.
Il dégaine un stylo violet et écrit sur un petit post-it « Nathan était avec moi. Mr. B », puis il signe. Je le remercie et part hâtivement vers le labo.
C'est mon professeur principal, Monsieur Edgar qui assure les cours de sciences physiques. Je m'excuse de mon retard et tends le post-it signé par le prof d'anglais. Monsieur Edgar me fait signe d'aller m'asseoir à côté de Léonor qui m'avait gentiment gardé une place.
Il avait déjà commencé à faire cours et je m’apprêtais à recopier à la hâte ce qui était inscrit au tableau quand Léonor m'a tendu une feuille avec le cour déjà repris. Je chuchote un « merci » en souriant et elle me tapote l'épaule ; je la trouve très attentionnée.
J'observe le prof tandis qu'il fait cours. Ses gestes exagérés, parfois acrobatiques lorsqu'il énonce une formule, me font penser à un personnage de cartoon.
La sonnerie retentit, la plupart des élèves se dirige vers la cantine. Sur le chemin, nous sommes tous les quatre avec Léonor, Hugo et Elvira. Nous échangeons quelques mots et Hugo se lance dans une imitation de la gestuelle de Monsieur Edgar, ce qui fait rire les autres.
Nous arrivons au réfectoire et nous nous asseyons avec nos plateaux repas. C'est une grande pièce où collégiens et lycéens sont mélangés. C'est assez bruyant, mais je suis avec mes camarades et je me sens assez serein.
Louis nous rejoint quelques instants après avec une fille de sa classe aux cheveux noirs et à la peau cuivrée. Son visage allongé paraît chaleureux et ses yeux noirs sont contrastés par un maquillage coloré mais discret. Léonor décide de charrier Louis :
– Tu t'es déjà trouvé une copine, Lou, tu perds pas de temps !
– Que veux-tu, j'ai un succès fou ! Non, plus sérieusement Marie est nouvelle et je pensais qu'elle s'entendrait bien avec Nathan. Marie a vécu plusieurs mois en Écosse, alors euh, ils auront des choses à se raconter.
Louis s'installe en face de Léonor, et la conversation se poursuit. Marie semble très avenante et y participe activement, comme s'ils se connaissaient tous depuis des années. Je préfère toutefois rester en retrait et écouter. J’observe chaque interlocuteur attablé et je pose mon regard sur Louis. Quelle assurance, et quelle pétillance dans sa façon d'être et dans son regard. Pas étonnant qu'il ait du succès auprès de la gent féminine …
– Hé Nathan, tu as entendu ?
Je suis tiré de ma rêverie et je bredouille un « Quoi ? ». Léonor répète ce que je n’avais pas entendu :
– Qu'est-ce qui t'amène à Sainte Marthe ?
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