Chapitre 5

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Chapitre 5

  Je redoutais cette question, et même si mes camarades faisaient preuve de gentillesse à mon égard, je ne me sentais pas prêt à tout leur expliquer -ni à qui que ce soit d'ailleurs-. Quelque chose en moi me poussait cependant à leur dire la vérité, ou tout du moins une partie.

– Je, hum, mon père anglais et ma mère française sont en plein divorce, ils sont séparés depuis plusieurs mois. Nous avons quitté l'Angleterre avec ma mère et mon petit frère car la vie à la maison n'était plus possible.

  Je sens à leurs regards que j'en ai assez dit, ils comprennent que c'est douloureux, et Elvira tranche :

– Si tu as besoin de parler, tu peux compter sur moi. Mes parents sont divorcés depuis bientôt cinq ans, alors … enfin je sais ce que c'est.

  Ses mots me touchent si bien que mes yeux s'embuent. Est-ce à cause de ce que je viens de raconter ? Ou bien est-ce la gentillesse dont font preuve mes camarades depuis ce matin ? Je me sens bien avec eux. Hugo me voit un peu ému et relance la conversation, comme pour passer à autre chose.

– Et au fait Lou, ta fête d'anniversaire c'est bien le week-end prochain ?

– Hé ouais, 18 ans ça se fête, s'exclame Louis.

– Tu vas déjà avoir 18 ans ? lui demande innocemment Marie.

Léonor devance Louis et répond :

– Notre grand scientifique a redoublé sa Seconde, c'est pour ça qu'on doit le supporter depuis l'année dernière, depuis que ses parents ont décidé qu'il serait mieux ici à Sainte Marthe, avec le commun des mortels.

– T'es pas cool Léo ! lui dit Louis, amusé. Je me sens mille fois mieux avec vous qu'avec tous les gosses de riches de mon ancien bahut.

  La conversation se poursuit et je parviens même à échanger un peu avec Hugo et Elvira. Il sera bientôt temps de retourner en classe et je décide de finir mon verre d'eau d'une traite.

– Au fait les nouveaux, ça vous dirait de venir à ma fête ? Hein, ça te dit Nathan ?

  Surpris par la question inattendue de Louis, je parviens à m'étouffer avec mon verre d'eau, les collégiens de la table de derrière se retournent et pouffent de rire à mesure que mes quintes de toux se succèdent. Je me ressaisis et mes camarades me sourient, une pointe de malice dans leurs regards.

– T'es sûr que t'as pas croisé un chat noir ce matin ? me lance Léonor en faisant allusion au sort tragique de ma montre, survenu plus tôt.

  La cloche sonne et nous retournons en classe après avoir échangé quelques sourires et débarrassé notre table.

  L'après-midi de cours s'est bien passée, et très vite la cloche sonne la fin de la journée.

  À la sortie, je salue mes camarades et les remercie pour ce premier jour de cours en leur compagnie. Avant de nous quitter, nous échangeons nos numéros de téléphone. J'habite à quinze minutes à pied de Sainte Marthe, je marche en direction de ma maison, en bordure de ville. Les petites rues laissent entrevoir des champs et la lisière d'une forêt.

  Je franchis le seuil de la porte et mon petit frère m'accueille en fanfare, en me posant de nombreuses questions. Jonas a 11 ans, il a fait son entrée en classe de Sixième hier à Sainte Marthe, côté collège. Jonas n'aime pas particulièrement l’école, il préfère les jeux vidéos et le rugby. C'est un petit frère très attachant même s’il est parfois envahissant. Il a les traits de mon père ; il est toutefois facile de deviner que nous sommes frères.

– Mum n'est pas encore rentrée, tu crois que je peux jouer à la console en attendant ? me demande Jonas.

– Si tes devoirs sont faits, oui ; je vais d’ailleurs aller faire les miens. Tu as pris ton goûter à ce que je vois. Tu penseras à nettoyer tes miettes et à ramasser l'emballage de ton gâteau avant que Mum n'arrive. Et souviens-toi que j'ai glissé sur un emballage que tu avais laissé traîner par terre la semaine dernière …

  J'embrasse le front de mon frère et me dirige vers ma chambre. Je m'installe au bureau pour commencer les quelques exercices donnés par Monsieur Edgar. Je regarde machinalement mon téléphone portable et je constate que j'ai reçu deux SMS. Le premier est de Léonor « Re Nate, si t'as besoin de qqchose n'hésite pas. Sinon je connais un bijoutier qui répare les montres et je peux aussi t'apporter une paille demain ». Sa taquinerie me fait sourire. Je lui réponds immédiatement et la remercie pour tout. Léonor me met vraiment en confiance, j'ai l'impression que je peux être moi-même avec elle. J'ose un trait d'humour en lui écrivant qu'il me faudrait plutôt l'aide d'un exorciste. Le second message est de Louis. « Salut Nathan, content de t'avoir rencontré aujdh. Redis moi si tu viens à ma fête, ça me ferait plaisir. See you tomoro ». Je souris en lisant son message.

– Nate, Mum est rentrée ! me crie Jonas.

– Je descends !

  Ma mère que nous appelons affectueusement « Mum » est une femme de 45 ans, je suis son portrait craché, au masculin. Elle est attentive au moindre de nos besoins et c'est le genre de mère qui donnerait sa vie pour ses enfants. Mum nous a toujours fait passer avant elle, et encore aujourd’hui, elle fait l'effort de dissimuler ses émotions pour ne pas nous attrister de la situation familiale, et par conséquent financière, que nous traversons.

– Bonsoir mes garçons, ça a été votre journée ?, dit-elle en souriant.

  Son regard se pose sur ma montre brisée, son ton change et elle me questionne, inquiète et le regard empli de détresse :

– Ne me dis pas que ça a recommencé ?!

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