Chapitre 22
Chapitre 22
Ce matin dans les vestiaires, je sens que certains de mes camarades me regardent avec insistance. Je ne me sens pas particulièrement menacé, et pourtant j'éprouve une certaine forme de malaise. Toujours caché par l'immense silhouette d'Hugo, je me change, et je constate que Louis en fait de même. Je jette discrètement des coups d’œil dans sa direction. Je trouve son corps si agréable à regarder, enrichi de détails, tel une œuvre d'art qui ne demande qu'à être admirée.
– Hé, tu rêves ou quoi ? me demande Hugo.
– Ah ! Pardon, tu disais quelque chose ? lui réponds-je, confus.
– Tu viens au bal d'intégration ? Elvira a décidé d'y aller, alors je pense que je vais y aller aussi.
– Oui oui j'y serai également.
– Cool ! Bon allez, faut y aller ! Ça va peler ce matin.
L'entraînement de course d'endurance se passe bien, nous essayons avec Louis de réduire notre vitesse habituelle pour rester avec les autres afin de discuter, tout en étant discret pour ne pas attirer l'attention de Madame Vallen.
De retour aux vestiaires, je constate que mon sac est par terre. Il a dû tomber tout seul, pense-je avant de le ramasser et de me changer. Tandis que je m’habille, je remarque que Louis me jette quelques regards furtifs. Je suis sûr que c’est à cause de mes cicatrices. Bon, peu importe.
Après les cours, nous nous retrouvons à la cantine. Elvira nous rappelle que demain nous avons prévu d'aller à Nancy, mais qu'étant donné la météo il faudrait peut-être repousser à plus tard. Nous nous mettons d'accord, si le temps ne s'améliore pas d'ici demain midi, nous reporterons la sortie à la semaine suivante.
Une fois le repas avalé et nos plateaux débarrassés, nous nous dirigeons devant la grille de l'école pour nous dire au revoir. Léonor, Hugo et Elvira semblent surpris de voir Louis partir avec moi. Léonor ne peut s’empêcher de demander :
– Ben vous faites quoi ? Vous passez l'après-midi ensemble ?
– Oui ! Nate va m'aider en anglais, c'est sympa hein ?
– Oh mon pauvre Nate ! Quand tu vas entendre Lou parler anglais, tes oreilles vont tomber, s'exclame Léonor.
Nous rions, puis chacun suit son chemin. Je me sens heureux d’être aux côtés de Louis, et même si le temps est froid et gris, je ressens au fond de moi une sorte de chaleur qui donne de la couleur à mes pensées.
Nous discutons sur le trajet qui mène à ma maison, Louis me pose des questions sur ma famille. Je ne lui parle que de ma mère, de mon frère et de ma grande sœur. Même si Estelle habite en Espagne, je garde un lien très fort avec elle. J'omets volontairement mon père. Louis me parle également beaucoup de sa maman avec qui il semble avoir une certaine complicité, il regrette simplement qu'elle ne soit jamais à la maison. J'apprends également que son père est un homme dur et strict avec des valeurs très traditionnelles. Ils ne partagent quasiment rien ensemble.
Nous arrivons à la maison, et je me sens un peu tendu. Nous sommes seuls chez moi, et bien sûr je n'espère rien de Louis, je suis simplement content d'être avec lui et de pouvoir lui apporter quelque chose.
Notre petite maison en périphérie de ville est bien différente de la maison bourgeoise de Louis. Il regarde avec curiosité les nombreuses photos de famille que nous avons épinglées ici et là. Je lui propose à boire puis ensuite de monter à l’étage.
Louis découvre ma chambre aux murs quasiment nus, avec seulement quelques photos et posters accrochés au dessus de mon bureau. Je pars emprunter la chaise de bureau de Jonas, puis nous commençons la séance.
– Alors euh, tu veux travailler quel point en particulier ?
– Je sais pas Nate, je suis vraiment nul. Peut-être reprendre depuis le tout début ?
– On peut déjà faire le point sur les conjugaisons et les modaux, et après on verra quelques règles de grammaire, ça te va ?
– C'est parti alors !
Je ne m'attendais pas à ce que Louis soit si embrouillé au niveau de ses connaissances de la langue anglaise. Ses difficultés m'obligent à analyser ma langue maternelle comme j’analyserais le français ; je souhaite mes explications claires et accessibles. Je prends un certain plaisir à partager cela avec lui, et il me le rend bien avec ses nombreux sourires.
Après plus d'une heure, nous faisons une petite pause. Il me demande :
– Au fait Nate, tu comptes aller au bal d'intégration ?
– Oui, et toi ?
– Je pense aussi, j'attendais de savoir si tu y allais, en fait.
– Ah bon ? Pourquoi ? Enfin je veux dire, tout le monde y va alors … lui dis-je un peu confus.
– Pour être sûr que tu t'amuses, répond-t-il en souriant.
Son sourire est si charmant. Je reprends mes esprits et je lui propose alors de poursuivre en imaginant une conversation. Cet exercice me permet de travailler avec lui la phonologie. Je constate qu'il fait de gros efforts pour adopter une prononciation anglaise ; son accent français est encore bien marqué mais je le trouve tellement séduisant. Il fait des erreurs mais c'est si mignon que j'en abaisserais ma garde et mes exigences. Je dois me ressaisir !
Comme il est presque 16:00, je lui propose de prendre un goûter, ce qu'il accepte volontiers. Nous mangeons des gâteaux chocolatés d'une célèbre marque anglaise dont Jonas raffole.
– À ma soirée d'anniversaire, j'ai vu que tu étais assez proche de Léonor.
– Euh oui, je m'entends bien avec, elle est très gentille et …
– Vous avez réussi à rendre Lisa jalouse ! Elle m'a raconté, un peu bourrée, que Léo était venue te « voler » quand vous dansiez. Lisa pensait même que vous étiez ensemble. Vous êtes ensemble d'ailleurs ?
– Non non, Léo est une amie, en fait je la considère un peu ma grande sœur. Elle me fait vraiment penser à Estelle des fois, lui dis-je avec sincérité.
– Ah d'accord, répond-t-il en souriant.
– Et toi, avec Marie le courant passe bien, non ?
Mais pourquoi je demande ça ! Au fond j'ai envie de savoir pour que tout soit clair, mais dans un sens j'ai peur de la vérité. Louis esquisse une réponse :
– Ben justement, je vais t'avouer quelque chose.
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