Chapitre 172
AYDEN
M'engager dans cette démarche de sapeur pompier volontaire ne me paraissait pas aussi éprouvant tant physiquement que mentalement. Le commandant Matt Bonnier a besoin d'envoyer des équipes formées en un temps record pour faire face aux différentes catastrophes naturelles et au climat capricieux qui ne s'arrange pas depuis quelques mois. Notre formation ne fait que de grimper en flèche depuis début Septembre, c'est intense dans son contenu et dans sa pratique. En tant que stagiaires nous effectuons déjà de nombreuses tâches et interventions que l'on devrait faire que plus tard dans notre carrière. L'anxiété cause des répercussions sur mon corps, il m'est difficile de récupérer malgré que tous les soirs mes yeux se ferment autour des vingt et une heures. Ce qui n'est pas dans mon habitude de m'endormir aussi prématurément dans la soirée. L'atmosphère est plutôt pinçante ce matin à la caserne surtout lorsque nous sommes en polo d'uniforme avec une chaufferie défaillante. Je m'empare de ma polaire bleue turquoise juste derrière moi sur l'étagère pour pouvoir recouvrir mon torse et bien remonter la fermeture le plus haut possible. Cassandra semble du même avis que moi complètement saisie par des tremblements afin de luter pour maintenir son corps à trente-sept degrés. Sa tête se cale contre mon épaule puis c'est avec tendresse qu'elle me regarde. Ses doigts effleurent délicatement mon épaule carrée que j'ai hérité de mon père.
- Wahou ça te fait de ces yeux ! Enfin je trouve qu'ils ressortent beaucoup avec le bleu de ta polaire. Ils sont vraiment beaux.
- Merci Cassou, c'est gentil.
- On dirait que mes petits stagiaires sont dissipés ! (La voix grave de notre commandant nous fait tresaillir). Au point de ne pas écouter durant mes explications pour l'entraînement à venir ! Je suis étonné que ça vienne de tous les deux, enfin bon. Ayden tu viens me rejoindre, c'est toi qui va donner le cours à ma place puisque tu sembles suffisamment informé pour ne pas suivre !
- Putain...
Je serre les dents pour marmonner cette injure. Je ne voudrai surtout pas être entendu, s'il y a une chose que je ne supporte pas c'est de me faire remarquer. Matt a sans doute eut envie que je cèsse mes barvadages et c'est de cette manière qu'il est en train de me reprendre, il est évident depuis le temps que je le connais qu'il sait à quel point je ne suis pas à l'aise pour m'exprimer devant un public. Je suis plutôt timide et surtout que je ne le dérange jamais lorsqu'il vient nous former à la caserne. Cassandra se permet de me pousser derrière l'omoplate pour me faire avancer.
Peu fier je me positionne aux côtés du père de Lou et Milan, sauf qu'ici c'est au Commandant Bonnier que je m'adresse. Mes yeux se détournent, il m'impressionne voir m'intimide de par sa prestance. Impossible d'accepter plus longtemps son regard planté dans le mien. Je le rive au sol, plus précisément sur mes rangers en me pinçant la lèvre inférieure avec mes incisives du devant. Les sueurs mi froides mi chaudes prennent possession de mon corps pour me faire sentir dans l'inconfort.
- Jeune homme, j'aimerai que tu te tournes entièrement face au groupe et que tu leur résumes en quelques mots ce que je viens de vous informer.
Je me triture les doigts, la salive au bord des lèvres la voix prête à être saccadée lorsque j'ouvrirai la bouche. Mes yeux bleus croisent le regard du commandant je sens mes joues virer au rouge pourpre tellement je suis mal à l'aise d'être placé dans cette situation. Matt hausse ses sourcils noirs et s'ensuit une attitude stricte me montrant toute son impatience. Je me mets à bafouiller rougissant davantage ce qui commence à faire rire les autres stagiaires, je me sens humilié, je suis honteux.
- Euh vous étiez en train d'expliquer que nous allons partir en exercice euh...
Ma voix s'estompe, j'avale le noeud qui m'étouffe la gorge et tente de reprendre tant bien que mal. Le vouvoiement est de mise, je n'ai jamais su comment me comporter avec Matt au sein de la caserne, il s'agit du commandant du secteur de toutes les casernes de Nancy alors je garde le tutoiement pour à l'extérieur des locaux.
- Je ne veux plus d'intervention de ta part déclare t-il bien droit ancré dans ses pieds. Retourne avec tes camarades, c'est bien ce qu'il me semblait tu es incapable de répéter puisque tu te divertissais avec ta collègue.
- Bien mon Commandant, vous ne m'entendrez plus.
- L'exercice d'aujourd'hui vous n'allez pas tellement l'apprécier dans sa globalité. Nous sommes à quelques jours du mois de Février en plein hiver on ne peut pas dire qu'il fasse très chaud ! Vous allez descendre dans le courant de la Moselle, le Lieutenant Thorel et moi même, nous vous emmenons à quarante-cinq minutes d'ici pour une intervention en milieu aquatique ! Il faudra bien écouter toutes nos indications une fois sur les lieux car après vous évoluerez seuls et il y a du bouillon. Je vous laisse cinq minutes pas plus pour enfiler votre maillot de bain sous vos uniformes ! Et prendre des vêtements chauds car vous allez avancer en binôme pendant que les autres observeront. Il y aura de l'attente je ne vous le cache pas. Les premiers à passer seront les deux jeunes qui ont dérangé le début du débrief ! Allons-y Messieurs dames !
J'accélère mes foulées jusqu'aux vestiaires, encore une situation que je juge stressante pour moi. Je me débarrasse de mon uniforme tournant le dos à mes collègues le temps de retirer mon boxer pour pouvoir enfiler le moule bite. J'ai horreur de ça, je suis obligé de tirer sur le haut des jambes de mon boxer de bain pour que tout soit bien en place. J'ai l'impression que l'on voit que ça, la forme de mon attribut bien épousée par la matière, je me rhabille au plus vite pour ne pas être congelé. Les autres stagiaires me charient de m'être fait remarqué et se moquent de moi pour être devenu rouge comme une tomate, j'espère qu'ils ne me vanneront pas trop longtemps. Ça me met dans l'embarras plus que je le suis déjà. Dans le véhicule je prends place au milieu avec mon sac à dos sur les genoux, juste à côté de Cassandra. Le regard inquiet je reste fixé sur la route qui mène en direction du département de la Moselle. La jolie blonde a terminé sa tresse et sa main se pose sur mon genou puis ses yeux s'accrochent au mien lorsque je tourne la tête vers elle en soupirant.
- Ne stresses pas Ayden, ça va le faire. Tente t-elle de me rassurer. Hélas quand je suis dans mes idées et mon inquiétude, on a beau me parler, essayer de me détendre je resterai à me torturer l'esprit. Il ne peut rien nous arriver, nous sommes accompagnés. De toute manière si je ne t'avais pas parlé, on serait quand même passé. Je suis désolée aussi !
- Je ne sais pas ce qui nous attend là-bas et si nous n'étions pas à la hauteur... C'est quand même dangereux le milieu aquatique. J'ai l'estomac noué Cassou ...
Cassandra me prend par le cou pour m'embrasser pleins de fois la joue droite, son sourire est chaleureux et ses yeux sont rieurs. Elle essaye vraiment de me faire penser à autre chose.
- Les jeunes, on va vous superviser ne vous faites pas de souci ! S'exclame le Lieutenant Thorel. S'il le faut, je me jetterai à l'eau pour vous épauler. Ayden tu dois te faire un peu plus confiance, tu peux largement le faire. Tu es un bon pompier mon gars. Le commandant ne vous a pas choisi uniquement parce que vous bavardiez, il m'en a touché un mot juste avant de vous débriefer. Il voit en vous des hommes efficaces avec un haut potentiel alors il veut tirer de vous le meilleur. Il ne faut pas oublier qu'un SP prend des risques !
- Ouais ok Cassandra est top mais moi pas du tout, je ne suis pas performant et je ne suis qu'un SPV de toute manière.
- Rien de plus sincère que le coeur d'un volontaire poursuit Clément avec un air bienveillant. Cette phrase je la garderai en mémoire. On fait tous partie de la même famille. Nous, les professionnels ne valons pas mieux que vous, sapeurs volontaires. Sachez les jeunes, que chacun d'entre nous a quelque chose à apporter, à laisser en empreinte. Si vous avez passé les tests de sélection c'est que vos valeurs correspondent aux casernes du secteur et que vous avez votre place auprès de nous.
- Wahou c'est beau ce que tu dis Clément ! S'exclame Cassandra. Ça me donne très envie de croire à toutes ces belles paroles merci pour ta bienveillance et l'attention que tu portes à tes stagiaires. Je me sens soutenue et ce depuis que j'ai franchis ces murs !
- C'est ainsi que je me suis permis de progresser. Et c'est sous cette école que je veux faire de vous les futurs sapeurs pompiers de Nancy ! Ce sont ces valeurs que j'enseigne et que j'inculque à mes équipes, ensuite chacun se développe avec ses propres valeurs. Mon ancien capitaine de l'époque, Patrick était plutôt dur avec nous, c'était un brave homme je l'aimais beaucoup mais je n'avais aucune envie de garder sa façon de former des équipes. Combien de stagiaires ont jeté l'éponge avec lui ? Ce n'est pas comme ça que j'envisage une réussite de formation. Dites moi tous les deux, quelles qualités vous attribueriez vous ?
- Bonne perception des risques et de l'analyse. Et je suis très '' psychologue ''. Dans le sens où j'arrive à cibler les comportements et de temps à autre en trouver la cause ou du moins à réfléchir à celle-ci ! Je ne sais pas si je suis claire !
- Parfaitement ! J'ajouterai même rassurante, diplomate et spontanée, tu fais les bons gestes sans réfléchir c'est inné en fait. Et toi Ayden, tu penses que c'est quoi tes qualités ?
J'hausse les épaules pendant que mes doigts triturent le haut du zip de ma fermeture éclaire. Cassandra me taquine gentiment en disant que je n'ai pas de qualités. Cela l'amuse et devant ma mine un peu décomposée, elle me pince les joues pour me faire une bouche de poisson puis sa main me caresse l'épaule.
- Si j'en ai rahhhh ! Après je ne saurai pas dire lesquelles... Il est plus facile pour moi de faire la liste de mes défauts plutôt que celle de mes qualités. Tsss arrêtes avec mes joues roh sinon c'est chatouilles à volonté ! Haha ça calme ça ! Quand je travaille je dirai que je suis réfléchis et minutieux toujours peur de mal faire !
- Oh oui, là je suis bien d'accord avec toi rigole Clément. Je rajouterai que tu as beaucoup de courage, tout ce que tu as peur de faire, que tu ne te sens pas prêt, tu le fais quand même tu vas au bout des choses et jamais tu n'as abandonné alors bravo jeune homme ! Tu es aussi fort, c'est rare à ton âge d'être aussi bien développé que toi c'est plutôt un avantage en intervention où il faut de la force physique.
Je lui souris et hoche la tête en guise de remerciements.
- Cassou, du coup tu as revu Milan depuis qu'il est rentré du séjour ?
- Mais même pas ! Me répond la petite blonde en faisant de grands yeux ronds. Mais alors je ne sais même pas si on est ensemble pour tout te dire ! Et avec le caractère qu'il a je crois bien que ça l'a vexé que je ne puisse pas venir avec vous ! Alors on dirait bien qu'il me fait la gueule !
- Mais ouiiii ! Ah ça ! Je te le confirme il a bougonné quasiment les trois quatre jours qu'on est parti parce qu'il n'y avait pas sa Cassandra. T'inquiète pas ça lui passera, il a l'air de bien t'aimer quand même !
Cassandra et moi nous nous mettons à rire à ne plus pouvoir s'arrêter. Elle me tient les bras et ses yeux sont remplis de larmes tellement elle rigole. '' T'imagine il verrait que l'on se fout de sa gueule ! '' m'a t-elle dit. Clément nous informe de notre arrivée, Cassandra se penche contre la vitre pour désigner au loin des remous impressionnants et une légère cascade qui s'est formée (environ deux mètres de haut pas plus). Clément nous répond que c'est un peu plus haut que nous allons débuter l'entrainement. Cassandra me lance son regard effrayé et je sens mon ventre se contracter d'angoisse.
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