Chapitre 173
Nous descendons du camion à moitié destabilisés par le grand vent violent qui fait courber les arbres les plus légers. Les mèches sauvages de Cassandra lui atterrissent dans le visage, elle se protège derrière mon dos et ses mains me tiennent les bras.
- T'as pas une barette ?! Me demande Cassandra, mon regard est amusé. Ça me saoule ces cheveux qui me tombent devant les yeux !
- Mais tu crois vraiment que j'ai des barettes sur moi ? Qu'est-ce que tu veux que je foute avec ça !
Matt nous fait signe de tous se rapprocher de lui, il commence à expliquer l'exercice en détail en désignant les zones à risques et les plus dangereuses qui se trouvent autour de nous dont les remous et la cascade devant lesquels nous sommes passés. Vient le moment où nous devons tous les deux enfiler la combinaison, Cassandra est gelée, elle reste les bras croisés à me regarder me déshabiller. C'est vrai que la température est vivifiante, cela se voit à mes poils châtains clairs qui sont bien dressés sur mes membres. Les filles ont toutes le regard braqué sur moi, elles ne devaient pas s'imaginer que j'étais aussi bien sculpté. La combinaison étanche est lourde, je passe mes jambes dans les manches de celle-ci et la remonte jusqu'à ma taille pour pouvoir passer mes bras. Je la referme complètement et enfile une cagoule, je ne dois pas être bien sexy avec ça ma foi tant pis ! Je resserre les sangles antiglissements aux bras et aux jambes et normalement je devrai être tranquille pour deux heures dans la Moselle. La bise me glace le visage jusqu'à me faire pleurer les yeux et mon ventre me cause une douleur tiraillante. Cassandra tend ses couches de vêtements à Agathe, son maillot de bain est très plaqué contre sa peau écrasant tout le volume de sa poitrine, seules ses petites pointes ressortent à travers la matière de celui-ci, je conclus qu'elle n'a pas chaud.
Elle est tellement frigorifiée que ses doigts tremblent sur la fermeture éclaire de sa combinaison, ils sont rougis par les températures négatives. Le reste des stagiaires suivi de Clément nous rejoignent eux aussi recouverts de leur équipement de sauvetage en milieu aquatique.
- Ayden, je veux te voir sauter dans l'eau et aussitôt tu t'accroches sur le bord de la rive m'encourage le commandant.
Je tourne la tête vers Matt et par son regard je comprends que je n'ai pas d'autre choix que de me jeter à l'eau. Après un bond en avant me voilà englouti sous la surface du fleuve, je remonte aussitôt la tête hors de l'eau tout haletant à cause du froid qui traverse tout de même un peu ma combinaison. Mes poumons vont devoir s'habituer pour ralentir le rythme de ma respiration saccadée presque gémissante. Mes membres s'engourdissent avec le froid, ce n'est pas du tout agréable. Matt me lance la corde, je la reçois sur la tête ce qui fait rire mes camarades. Ils se tuent aussitôt lorsque le commandant leur lance un regard autoritaire pour qu'ils se la bouclent, je récupère la corde pour la tenir fermement entre mes doigts.
- Cassandra, tu sautes à ton tour et tu vas attraper la corde que va te lancer Agathe !
Cassandra hoche la tête en dessous de son casque jaune fluo avant de me rejoindre quelques secondes plus tard. Elle coule directement à peine la tête ressortie de l'eau, elle ne devait pas s'attendre à autant de profondeur ayant moi même de l'eau jusqu'au cou, elle ne doit plus ou presque plus avoir pied. Je la retiens par le bras pour l'aider à ressortir sa tête à la surface. Dégourdie, elle fait quelques mètres de brasse pour agripper la corde que lui a lancé Agathe.
Le courant nous pousse violemment, cette corde il la fallait bien pour ne pas se faire embarquer. Je le sens plus agité qu'il y a à peine une minute. Je resserre ma poigne jusqu'à en avoir mal aux doigts malgré le port des gants. Avec l'assurance que me fournit le commandant, je sais que je ne risque rien. Agathe manque de tomber en avant avec la force du courant, son premier reflexe est de lâcher la corde qui faisait office de sécurité pour Cassandra.
Le courant semble s'intensifier au fil des secondes, Cassandra est déjà à une centaine de mètres en train de se battre contre celui-ci en hurlant à pleins poumons. J'entends les pleurs d'Agathe, les jurons de Matt qui n'avait pas prévu cette situation, je ne me laisse pas le temps de réfléchir plus. A mon tour je libère la corde de ma main pour sauver mon amie.
J'entends mon prénom de part et d'autre, le commandant me donne des ordres formels. C'est la dernière de mes préoccupations. Je m'élance le plus vivement possible en crawl pour rattraper Cassandra qui a l'air de paniquer. Et pourtant c'est une excellente nageuse cette fille !
Je réalise que je n'aurai pas l'ascendant sur la Moselle, ma force ne me permettra pas de nous en sortir je le ressens à l'intensité du courant. Je l'attrape sous les côtes pour que l'on se remorque jusqu'à la rive, tout simplement impossible. Nos forces s'épuisent, je mets dedans toute la détermination que je peux mais cela s'avère inutile et plus dangereux qu'autre chose. Le courant nous embarque vers le bras gauche du fleuve, j'entraîne Cassandra à nager dans le sens de celui-ci mais en essayant de nous déporter vers la droite pour se rapprocher de l'accôtements de la plage de galets. Tous nos efforts ne servent à rien, Cassandra pleure à chaudes larmes luttant contre les gorgées d'eau qu'elle manque d'avaler contre son plein gré. Je suis moi aussi dans un état de panique qui doit être le plus bas possible afin de ne pas effrayer davantage mon amie.
- Cassandra, on va bientôt arriver vers la cascade que l'on a vu à l'aller... Je crois voir une souche au loin ! Ecoutes je vais te devancer pour y accéder le plus vite possible... (Je tousse bruyamment ayant bu la tasse, je ne dois pas perdre mes moyens). Quand tu arrives à mon niveau tu ne réfléchis pas, tu t'accroches où tu peux à la souche, à moi peut importe d'accord ?! Je ne te lâcherai pas à tout de suite, fais moi confiance.
Je ne sais pas pourquoi je viens de lui dire ça de plus que ce n'est pas la phrase la plus rassurante qui existe dans ce genre de situation.
Je fais un sprint en crawl jusqu'à la souche qui dépasse espérant ne pas m'empaler dessus. Mes forces se resserrent sur le bois et je me tiens le plus possible hors de l'eau en usant mes trapèzes pour être en appui. Cassandra s'active elle aussi pour ne pas avoir de changement de direction, je crains qu'elle ne parvienne pas à m'atteindre. La jolie blonde parvient à s'accrocher de justesse en gémissant, elle recrache l'eau qu'elle vient de prendre en bouche et se réhausse pour se mettre au même niveau que moi. Son bras encercle le mien pour s'accrocher à une excroissance de bois, je sais que l'on ne résistera pas longtemps, j'espère que ce sera suffisant afin d'être venus en aide.
- Ayden tu as vraiment été un coéquipier extraordinaire et courageux. Oui courageux c'est ce qui te qualifiait le plus.... Brrrr j'ai si froid...
- Cassou, je t'interdis de parler comme si nous étions morts ! Ce n'est pas le cas ! Tu es là avec moi alors tu sais quoi ? On va tenir le coup jusqu'à que les autres nous récupèrent !
- Tu n'étais pas obligé de faire ça, tu sais.
- Je ne laisse pas tomber mes coéquipiers ! Ta sécurité m'est primordiale tout autant que la mienne !
- Oui mais tu t'es mis dans la merde à cause de moi...
- Cassandra tu n'es en aucun cas fautive de ce qui nous arrive. C'était à Matt et à Clément de s'assurer des conditions météorologiques avant de nous emmener en exercice ! Pas à nous.
Cassandra pleure bruyamment, la tête blottie contre mes épaules. Je n'ai pas besoin d'un poids supplémentaire sur mes trapèzes qui encaissent déjà pas mal la lutte contre la Moselle. Mais si ça peut la rassurer alors je ne dirai rien et j'assumerai jusqu'à que je perde le combat contre le courant.
- Je n'ai pas envie d'y passer... Tu crois qu'il y a quoi après la mort, Ayden ?
Je caresse doucement sa main jointe contre la mienne et soupire.
- On ne va pas mourir Cassandra.
- Surtout que je n'ai pas encore eu le temps de me mettre avec Milan, j'ai encore des choses à vivre ! Je sais que je peux le faire devenir un homme bien. Il n'a pas mauvais fond ! Et si je meurs aujourd'hui, je ne connaitrais jamais tous ces beaux moments avec lui... Enfin bon il m'ignore depuis qu'il a su que je ne venais pas à la maison de vacances...
- J'ai peur que tu perdes ton temps avec Milan, tu sais ce n'est pas le genre de mec sédentaire auprès des filles. (Je manque de mentionner l'épisode avec Maxine, je me mords la lèvre pour ne pas cracher le morceau. Je ne veux pas lui faire de la peine). Tu sais bien qu'il couche à droite à gauche, jamais avec la même fille, je ne le vois vraiment pas se mettre en couple ou alors tu sais faire des miracles !
- Pourquoi ça t'emmerde tant que ça que je puisse envisager de sortir avec MiL'ou ? Tu n'es quand même pas jaloux Ayden ? Est-ce que je te plais pour que tu sois autant réticent lorsque je te parle de Milan ?!
- Non ce n'est pas le cas Cassandra. Tu es une très belle femme, je ne m'en cache pas de te le confirmer. Voilà après je suis en couple et très amoureux de ma chérie donc aucune raison d'être jaloux ! Juste je m'inquiète pour toi, j'ai peur que Milan te brise !
- Ayden, c'est gentil mais j'ai envie d'essayer vraiment ! Au pire tu pourras toujours me consoler si ça venait à mal se terminer mais je vois en lui quelqu'un de sensible et j'ai envie de creuser tout ça ! Qu'il m'ouvre sa carapace tu vois ! Si tu avais été célibataire, tu penses que j'aurai pu avoir mes chances avec toi ?
- Oui c'est toi qui décide, je te prévenais juste vu que j'ai l'habitude de le fréquenter. Mais si tu penses qu'il peut être un bon petit ami alors écoute ton coeur pas ton ami ! Euh bah je ne me suis jamais posé la question à vrai dire... Après j'aime ta personnalité et je te trouve mignonne alors peut-être que ça aurait pu... Je ne sais pas euh pourquoi ? Et moi j'aurai été ton genre ?
- C'était comme ça, au cas où que personne ne nous retrouve sains et saufs et aussi vu ta réticence envers ma relation avec ton pote ! Fin pour savoir quoi ! Et vu que l'on s'entend bien je me suis permise de te la poser... Euh ben oui t'es clairement mon type, je ne serai pas tombée amoureuse de Milan, peut-être que j'aurai tenté quelque chose.
- Cassandra, chut ils vont fouiller tout le fleuve pour nous retrouver ! On sera au chaud dans l'ambulance ce soir, sains et saufs juste en légère hypothermie. Tu me fais rougis, c'est gentil vraiment mais je suis casé et la peur doit te faire des choses que si ça se trouve tu ne penses même pas. Des fois je me demande qu'est-ce qu'une fille peut me trouver ? Je suis tellement timide, je n'ai pas l'habitude d'intéresser les filles. Généralement c'est plus vers Milan qu'elles se tournent.
J'essaye de reprendre une position plus stable ayant glissé de quelques centimètres. Je râle de douleurs musculaires qui viennent irradier tout mon corps. Mes quatre-vingts kilos de muscles me paraissent peser une tonne, à cela s'ajoute la cinquante kilos tout mouillés de ma collègue. Ça ne va jamais pouvoir faire. Même si dans l'eau, le corps est plus léger, il faut quand même que je nous retienne tous les deux pour ne pas que l'on se noie. Mes bras tendus se mettent à trembler violemment, je ne dois rien dire à Cassandra mais je peux lâcher à tout moment.
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