Chapitre 177
Je prends la main de ma chérie dans la mienne pour l'entraîner jusqu'au palier. Ne s'étant pas préparée à autant de dynamisme dans notre démarche, elle manque de s'écrouler sur le paillasson. Je la rattrape aussitôt pour la rééquilibrer en passant son bras autour de mon cou, je ne peux m'empêcher de rire de ma voix grave. Maman nous ouvre la porte le visage rayonnant d'accueillir Cassandra à la maison, je pense que Papa lui a touché deux mots quand nous étions partis récupérer ses affaires.
- Bonjour Cassandra, tu es belle comme un coeur ! Moi c'est Lélia et ici tu es comme chez toi ! Tu peux poser tes affaires dans le petit couloir là-bas ! Milan te montrera où est sa chambre mais d'abord on va passer à table ! (Cassandra salue poliment maman et s'en va poser son sac dans le recoin qu'elle lui a désigné. Maman en profite pour me glisser quelques mots dans l'oreille). Elle est toute mignonne ta petite amie mon chéri, va falloir bien s'occuper d'elle, elle a l'air géniale ! En tout cas comme ça j'ai une très bonne impression ! J'étais en train de dire à mon fils, que nous sommes très enchantés Matt et moi de te recevoir à la maison.
- Moi aussi Lélia, je suis ravie de mettre un visage sur votre prénom. Milan m'a beaucoup parlé de vous et je vous remercie tous les deux pour votre accueil !
- Chéri ! Veux-tu préparer la vinaigrette s'il te plaît ?! S'exclame ma mère à l'attention de mon père. Bichette, s'il te plaît arrêtes tout de suite le vouvoiement j'ai l'impression d'être vieille. Et pour Matt c'est pareil ! (Ma maman ne quitte pas Cassandra des yeux, lui sourit à tout bout de champ, elle semble vraiment contente que j'ai pu quitter ma vie de célibataire, je pense que je les fatiguais un peu à enchaîner les plans cul). Regarde prends place autour de la table, où tu veux ça n'a aucune importance !
- Vous avez l'habitude de vous mettre où ? (Maman l'incite à prendre la chaise qui se trouve devant elle, habituellement celle de Lou). Oh vous savez, je ne me permettrai pas. J'ai du respect envers vous et votre mari est tout de même mon commandant !
- Et nous ne sommes pas dans le cadre du travail poursuit mon père en lui faisant un clin d'oeil. Tu peux le faire sans problème, ça n'affectera pas sur ta formation. Tout ce que nous voulons c'est que tu te sentes bien au milieu de nous.
- Merci murmure ma chérie intimidée n'osant pas regarder mon père dans les yeux. Et toi, Lélia tu fais quoi dans la vie ?
- J'aime aussi prendre soin des autres affirme ma maman. J'ai été aide soignante au tout début de ma carrière, un métier pas si loin du votre. Sauf que la pression qu'exerçait les cadres sur nous ainsi que le milieu dans lequel je baignais c'était trop important, trop intense pour moi, on n'avait plus le temps de faire de l'humain, les personnes étaient traitées limite comme de vulgaires choses. Ça ne me convenait pas et j'étais entrée dans la dépression ! Comme quoi il faut savoir quitter son travail lorsque l'on ne se retrouve plus. La naissance de Lou m'a fait ouvrir les yeux sur tout ça, j'ai compris que ma place était auprès d'enfants alors je suis repartie pour une formation et depuis je suis Auxiliaire de Puériculture ! Mes horaires étaient plus flexibles pour que je puisse m'occuper de mes deux enfants qui avaient bien besoin de moi à ce moment-là. J'ai pu leur apporter tout l'amour que j'ai pour eux et les éduquer au mieux. Je dis bien au mieux car ça n'a pas toujours été facile avec mes lascars ! Lou a toujours été plus sage, plus raisonnable mais c'est son caractère qui n'est pas évident à gérer et notre Milan... Alalala ! Il ne tient pas en place et a enchaîné les petites conneries d'un jeune de son âge... Lui il faut sans cèsse le canaliser voir le sermoner mais je pense tout de même que l'on en a fait des enfants respectueux et que l'on a réussi.
- Oui vraiment c'est un très beau métier, il faut de la patience ! Et quand je vois vos enfants, je pense que tu as bien ce petit côté maternel dont les bébés de la crèche ont besoin. Oui mais des fois ce n'est pas simple de quitter son travail car on sait ce que l'on perd mais pas ce que l'on va retrouver. C'est tellement rare pour nous les jeunes d'être définitivement embauchés, que si on l'est généralement on ne rebouge pas ! Vos enfants sont géniaux Lélia et Matt, en tout cas j'ai une bonne impression comme ça.
Ma mère fait le service de la salade verte, comme toutes les mamans elle incite Cassandra a bien remplir son assiette.
- Maman t'es dure avec nous ! On est quand même gentils comme jeunes adultes ! On ne vous en a pas toujours fait bavé !
- Par rapport à tata Océane et tonton Rafaël je pense que vous nous en avez quand même fait voir de toutes les couleurs ! Ou même au jeune Ayden !
- Mais Chloé, elle ne leur dit pas tout aux parents. Faut pas croire ! C'est loin d'être un petit ange ! Bahaha ! Après bien sûr si tu compares avec Ayden ! Tsss c'est une crème lui, il est toujours impeccable et il n'y a pas si longtemps que ça le mec était toujours puceau bahahaha !
- Mais ça ne nous empêche pas de vous aimer tous les deux et d'ailleurs nous avons une relation fusionnelle et complice confirme maman. Et puis cela ne sert à rien de vous comparer à vos amis ou à vos cousins, vous êtes tous différents des uns, des autres ! Nous, parents sommes fiers de vous et de ce que vous êtes devenus.
Mon père revient avec le gros plat dans lequel il a mis la tartiflette, délicatement il le repose sur la table. Cassandra lui tend son assiette en lui en demandant un tout petit peu, moi c'est une grosse plâtrée que je réclame. Ma chérie est choquée devant la quantité qui remplit mon assiette.
- Il mange bien notre MiL'ou ! Se met à rire mon père. Tu verras c'est des quantités astronomiques qu'il dévore. Je ne sais pas où il y met parce qu'il est tout plat, pas de bedaine ! Mais ça mange !
- Ouais ben j'ai faim je suis en pleine croissance ! Et avec tout ce qu'on nous demande à l'armée, il faut bien que j'emmagazine l'énergie pour ! Et figurez-vous que j'en reprendrai même quand j'aurai terminé mon assiette !
- Non mais alors toi tu es unique ! S'exclame Cassandra.
- Ouais modèle original made in France/Espagne !
- Allons allons, garde de la place pour le déssert ! Continue Maman. Et hors de question que tu en reprennes il faut savoir être raisonnable, finis donc ton assiette on va en garder pour le repas de demain midi ! Oui j'ai des origines espagnole du côté de mon père, Milan en est très fier !
Les discussions vont de bon train, Cassandra en apprend un peu plus sur moi, sur nous et cela semble l'intéresser. Son sourire est radieux et c'est avec admiration qu'elle me regarde. En mangeant des citrons, oranges et pommges givrés, nous regardons les albums photos. Je haïs ma mère de les avoir sorti, elle le comprend à mon regard noir.
- Notre fils n'aime pas quand je ressors les albums photos pourtant j'adore me rappeler des anciens souvenirs et de revoir nos enfants lorsqu'ils étaient petits !
Maman est toute gâteuse lorsqu'elle prononce ces derniers mots. Cela lui fait tellement plaisir ! Mais de me revoir plus de quatre ans en arrière ne me fait pas plus plaisir que ça. Je ressens même une légère pointe de douleur qui est moindre par rapport à tout ce que j'ai vécu durant cette période. Cassandra va avoir l'image d'un adolescent mal dans sa peau, peu sûr de lui, qui n'a confiance en personne ormis sa famille. J'étais habillé quelconque, aucune personnalité, j'étais vide et en plus de ça, un appareil dentaire pourvu de bagues argentées de mes 14 ans à mes 16 ans ! L'horreur ! Mon glow-up, mon image actuelle est sur le point de s'effondrer. Sur les photos, je ne dégage aucun charme et je ne plaisais à aucune fille à cette époque. J'étais la source principal des moqueries des camarades ! Un garçon timide pas comparable à celui que je suis devenu quelques années après.
- Maman, pas de souci pour regarder les albums photos mais hors de question d'ouvrir le doré-bleu ni même le rouge ! J'ai trop honte de la personne que j'étais à cette période. J'ai beaucoup souffert de mon image, je ne vous en ai jamais réellement parlé mais j'aimerai ne pas me rappeler de tout ce qui s'est passé à ce moment-là ! Lou a été là pour moi pour me réconforter de mes peines, Lou s'est fait punir parce qu'elle a toujours été là pour me protéger !
Mes parents se tournent dans ma direction, je déglutis ayant l'espace de quelques secondes un voile larmoyant qui me floute la vision. J'inspire pour que ça disparaisse au plus vite. Une part de ma carapace se fissure, je n'aurai pas dû commencer à en parler, j'aurai dû souffrir en silence pendant le visionnage de ces photos maintenant ils vont tous vouloir en savoir plus. Ma sensibilité a refait surface et je n'ai aucun échappatoire !
- Quelque chose dont nous ne sommes pas au courant ? Me questionne mon père en fronçant les sourcils. Je manque de m'emporter, je réponds d'ailleurs sur un ton pas des plus convenables.
- Nan c'est bon ouvrez le ce putain d'album ! J'vais me brosser les dents !
Je me lève en furie pour rejoindre la salle de bain à proximité de ma chambre où je serai le plus tranquille pour décompresser de mes émotions. Mes poings tremblent sur les rebords du lavabo je ferme les yeux pour ne pas craquer. Je n'ai pas le temps de fermer la porte que ma maman est déjà derrière mon dos en train de caresser mes bras, mes épaules tendues. Mon souffle est saccadée, je laisse tomber ma tête vers le bas et demeure immobile.
- Si j'avais su que ça te m'était dans cet état, je ne les aurai jamais sorti. J'ai beaucoup de respect pour toi mon coeur et j'ai toujours pensé que tu étais mal à l'aise de te revoir gamin ! Mais j'ai le sentiment que c'est quelque chose de plus profond qui t'atteint. Tu peux tout me dire, je suis là. Je l'ai toujours été pour ta soeur et toi, tu sais que tu peux me parler.
Ma maman me fait face, je la laisse s'occuper de moi en me caressant la joue, les cheveux, en m'enlaçant tendrement. Son réconfort me fait du bien, instinctivement je me blottis contre sa poitrine pour entourer son cou de mes bras, coinçant involontairement ses cheveux bruns.
- J'ai été harcelé durant tout le collège jusqu'à que vous me changiez de lycée... A cet âge on est généralement en plein doute, on se cherche, on a des craintes, on a du mal avec le regard des autres et j'étais en plus de ça timide. La cible parfaite pour les moqueries ! (Mes yeux sont bien humides, je les essuie vite avec ma manche pour ne pas pleurer). J'étais moins bien habillé que maintenant, je n'affirmais pas ma personnalité et j'étais bien moins beau physiquement que je le suis aujourd'hui ! Ils m'en ont foutu dans les dents des méchancetés ! J'avais de moins en moins confiance en moi avec tout ce harcèlement, j'ai fini par avoir honte de moi, de ça et je n'ai pas voulu que Lou vous en informe c'était trop lourd à porter pour nous ! Et si elle se faisait punir, qu'elle donnait des coups de pieds dans les brunes de ces enculés c'était pour me défendre, son petit frère ! Quand je suis arrivé au lycée je me suis dis que c'était le moment de changer pour ne plus avoir à revivre ça ! Je suis devenu le moi actuel pour me protéger de tout ça ! Si je vous en ai fait voir de toutes les couleurs c'était parce que j'en souffrais tout simplement ! Si j'ai couché avec beaucoup de filles c'était uniquement dans le but d'avoir de l'attention de leur part, j'étais flatté de savoir qu'elles n'étaient pas insensibles à mon charme ! Je ne voulais plus être le même et ressortir ces albums, c'est comme si je revenais en arrière maman. Je ne peux m'empêcher de me remémorer ce que j'ai vécu... Et on me disait tellement souvent que j'étais une merde, que j'étais moche, mal sappé que j'ai fini par le croire et j'associe mon ancienne image à tout ça... Voilà pourquoi je le prends mal quand tu sors ces fichus albums !
Ma mère semble impuissante face à mes dires et profondément peinée de toutes les émotions que j'ai du mal à dissimiler. Ses yeux brillent et ses lèvres tremblent de manière frêle, elle pose sa main tendre sur mon épaule, l'effleure du bout des doigts avant de me déposer un délicat baiser sur le front. Lorsque je me retourne, Cassandra sursaute cachée de moitié derrière l'angle du mur. Ayant compris que j'ai remarqué sa présence, elle finit par nous rejoindre.
- C'était donc à toutes ces choses que ta soeur faisait allusions avant que je ne sorte avec toi... Je comprends mieux ton comportement, ta façon d'être avec les autres. Pourtant je t'assure que tous ces cons avaient tord ! Je me suis permise de feuilleter quelques pages de l'album quand tu as rejoins ta maman et je te trouvais déjà très mignon ! Et moi, je suis là pour toi. Je suis là...
La jolie blonde me serre fort contre elle, soutenant l'arrière de ma tête de sa main gauche et me frottant le dos avec l'autre main. Je manque de libérer un sanglot, à la place j'inspire à fond pour sentir cette sensation désagréable disparaitre sur le champ.
- Bon, je vous laisse. Si vous avez besoin vous savez où me trouver, bonne nuit.
Cassandra adresse un beau sourire à maman et attend quelques secondes qu'elle se soit éloignée pour m'embrasser affectueusement.
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