Chapitre 7
Cynthia s'endormit et se retrouva plongée au cœur d'un paysage qui apparaissait pour elle comme paradisiaque en comparaison de l'endroit où elle vivait. Une sorte de parc dans lequel des enfants jouaient et riaient. La météo était ensoleillée, le ciel était bleu avec de ça et là quelques nuages blancs.
Certains jouaient au ballon lorsque d'autres faisaient de la corde à sauter ou encore s'amusaient au chat, sous la surveillance de leurs parents qui discutaient entre-eux. Toutes ces choses, Cynthia les connaissait principalement des cours qu'elle suivait. De tout ce qu'elle voyait, seule la corde à sauter était une activité qu'elle avait déjà pratiquée. Le ballon, elle y avait déjà joué. Mais pas de cette façon. Ces enfants semblaient jouer à ce que la petite fille identifia comme étant du football.
Comme bien souvent, il s'agissait pour elle d'un rêve lucide. Lorsqu'elle rêvait, elle avait très souvent conscience qu'elle n'était pas dans le monde réel mais dans un songe. Elle décida d'avancer vers un groupe d'enfants. L'un d'entre-eux, un petit garçon d'une dizaine d'années s'approcha d'elle à son tour et lui prit le bras, comme pour l'inviter à jouer au ballon avec lui.
La petite fille était surprise. Elle n'avait jamais vu de garçon de son âge. Elle lui adressa un timide sourire. Elle ne savait pas quoi dire ou quoi faire. Le petit garçon lui renvoya lui aussi un sourire.
La petite paranormale n'avait jamais vécu un tel moment dans la réalité. Elle était aussi heureuse que perdue. Mais ce moment fut gâché lorsque des enfants un peu plus âgés arrivèrent autour d'elle pour la cribler de billes. Le même type de bille que lors du dernier test qu'elle avait réalisé. Elle se souvint de ce que le docteur Rathburn lui avait dit. "Il n'y a pas que la colère" se répéta-t-elle. Mais ses agresseurs ne faisaient que rire aux éclats. Ils se moquaient d'elle tout en la pointant du doigt.
La petite fille se recroquevilla au sol, comme lors du test. Les rires des adolescents raisonnaient dans sa tête. Elle ne comprenait pas pourquoi ces personnes s'en prenaient à elle.
Au bout de quelques secondes à encaisser les billes, Cynthia finit par céder à la rage qui montait en elle et envoya tous ces jeunes adolescents valser autour d'elle. Ce qui sema la panique au parc. Les gens criaient et couraient partout. Les parents hurlèrent après leurs enfants. Les cris affolèrent la petite paranormale qui s'aperçut très vite qu'elle avait également blessé le petit garçon qui voulait jouer avec elle.
Elle s'approcha de lui pour voir s'il allait bien. Là encore elle ne savait pas quoi faire. Le garçon la regarda dans les yeux.
— T'es un monstre, lui dit-il.
— Quoi ? fit la petite fille en reculant.
— Laisse moi ! cria le garçon. Laisse moi ! T'es un monstre !
Cynthia s'éloigna du petit garçon. Son cœur battait très fort. Les mots qu'ils venaient de prononcer lui avait brisé le cœur.
— C'est pas de ma faute, se dit-elle. C'est pas de ma faute.
Elle sentit une nouvelle fois la colère monter en elle. Elle se mit à détester tout le monde. Ces ados qui lui avait tiré dessus, les gens qui étaient dans ce parc et même... le garçon qui voulait au départ jouer avec elle, celui qui venait de dire qu'elle n'était rien d'autre qu'un monstre.
Les arbres autour d'elle se mirent à danser comme en pleine tempête. Les bancs du parc s'arrachèrent et la petite fille s'agenouilla et déposa les mains sur ses tempes.
— Non ! Cria-t-elle. Je suis pas un monstre ! C'est pas de ma faute ! Je veux me réveiller !
Le vent souffla de plus en plus fort et Cynthia était de plus en plus terrifiée par ce qu'il se passait.
— Non ! C'est pas moi ! C'est pas moi ! C'est pas vrai, je suis pas un monstre ! Non !
Sur cette phrase, la petite fille se réveilla en sursaut, le cœur battant la chamade. Un rêve qui s'était transformé en cauchemar.
Elle ressentit, comme toujours, la présence de deux gardes à l'entrée de sa chambre. Après quoi elle repensa à ce cauchemar. "Et si c'était vrai ?" se demanda-t-elle. Et si elle était vraiment un monstre ? Et si c'était la raison pour laquelle son père la gardait ici ? La raison pour laquelle il y avait toujours au moins deux gardes armés auprès d'elle ? Cynthia se rallongea dans son lit et se dissimula sous ses draps pour pleurer.
***
Quelques heures plus tard alors qu'on était samedi, Kathleen arriva devant la chambre de la petite. Elle travaillait dans ce complexe tous les jours de la semaine excepté le dimanche. Elle salua les deux gardes avant d'ouvrir la porte. Elle fut étonnée lorsqu'elle vit que Cynthia s'était emmitouflée sous ses draps.
Le docteur s'approcha d'elle puis tira les couvertures avant d'y découvrir la petite fille en pleurs. Ce n'était pas la première fois que Kathleen la voyait pleurer. Elle la suivait presque depuis sa naissance et était pour Cynthia la personne qui se rapprochait le plus d'une mère. Mais là, elle voyait que quelque chose n'allait pas. Jamais elle n'avait vu la petite fille dans cet état.
— Qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle sans obtenir de réponse. Tu as encore fait un cauchemar ?
La petite fille, toujours allongée et en pleur, hocha la tête.
— Le même que d'habitude ?
Cynthia secoua la tête pour dire "non". Après quoi, le docteur s'assit sur le lit pour la rassurer.
— Qu'est-ce que tu as vu ? Encore des monstres ?
— Oui, répondit simplement la petite paranormale. Mais cette fois, le monstre... c'était moi.
Kathleen, choquée, ouvrit grand les yeux. C'était la première fois que Cynthia disait quelque chose de ce genre. La première fois qu'elle se voyait comme un "monstre".
— J'ai fais du mal aux gens. J'ai arraché des arbres, des bancs... J'étais en colère contre tous le monde, parce qu'ils se moquaient de moi.
Cynthia se redressa avant de poursuivre.
— Est-ce que tu crois que je suis un monstre ?
— Non, répondit Rathburn en prenant la petite dans ses bras. Bien sûr que non. Tu n'es pas un monstre. Ça n'était qu'un cauchemar.
— Je sais... Mais j'ai peur. J'ai peur de devenir un monstre... ou d'en être déjà un.
— Je comprends. Mais je t'assure, tu n'es pas et tu ne seras jamais un monstre.
Le docteur Rathburn était gênée par ce que disait la petite fille. Elle était parfois effrayée par la petite fille au point de la voir comme un monstre. Beaucoup de personnes dans ce complexe voyaient en effet la petite fille comme tel. Beaucoup avaient peur de ses dons.
— Papa est là ? demanda Cynthia en se détachant du docteur.
— Non. Tu sais bien qu'il n'est jamais là le week-end...
Rathburn se releva et attendit quelques secondes avant de rajouter :
— Habille toi. Tu dois avoir faim. Je vais te faire servir un petit déjeuner.
— Merci, répondit la petite fille.
— Alors maintenant tu me remercies ? demanda Kathleen sur un ton ironique faisant sourire la petite fille.
— Peut-être parce que j'ai eu vraiment très peur, répondit Cynthia.
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