Chapitre 19
Quelque part entre le Refuge et Wattrem
Cynthia marchait le long de la route qui traversait la forêt qui entourait le Refuge. C'était la première fois qu'elle était à l'extérieur du complexe et elle ne savait pas où aller. Ou plutôt dans quelle direction aller. Car elle savait qu'elle devait se rendre à Wattrem, afin d'y retrouver le garçon en armure. Selon son père, c'était là-bas qu'il se trouverait. Si toutefois il n'était pas retourné chez lui, sur Utopia.
Elle repensa à ce qu'elle venait de faire. Elle avait laissé sa part d'ombre s'exprimer en tuant les hommes de la sécurité. Bien qu'elle l'ait fait pour se protéger, c'était le fait d'y avoir pris du plaisir qui l'effrayait. Depuis quelques temps elle essayait de se convaincre qu'elle n'était pas un monstre, qu'elle n'était pas dangereuse pour les autres. Mais ce qui venait de se passer et le fait qu'elle ait aimé ça, semblaient lui indiquer le contraire.
En continuant sa route, elle vit des panneaux. Certains représentaient des choses qu'elle n'arrivait pas à comprendre. Il s'agissait de pictogrammes qu'elle ne reconnaissait pas, qu'elle n'arrivait pas déchiffrer. Mais d'autres, indiquaient des destinations.
Amyville 20 km
Wattrem 10 km
"Dix kilomètres" pensa la petite fille. Elle connaissait cette unité de mesure, on lui avait appris ce que c'était au Refuge. Mais elle ne savait pas ce que ça représentait dans la réalité. En combien de temps arriverait-elle à boucler ces dix kilomètres avec ses petites jambes d'enfant de dix ans ? En tout cas elle ne pouvait pas s'arrêter. Les hommes du complexe étaient sans doute à sa recherche.
Une voiture s'arrêta à côté d'elle avec à son bord un homme et une femme, tous deux approchant la quarantaine. La femme, qui se trouvait côté passager abaissa la vitre de la portière et s'adressa à la petite fille.
—Tu es toute seule ? lui demanda-t-elle. Où sont tes parents ?
Cynthia, ne savant pas ce qu'elle devait répondre préféra se taire, tout en fixant la femme du regard. C'était la première fois qu'elle était confrontée à une personne de l'extérieur du Refuge.
—On ne peut pas la laisser là, fit l'homme avant d'avancer son véhicule pour le garer trois mètres plus loin, sur le bas-côté.
Une fois le véhicule arrêté, le conducteur et sa passagère en sortirent avant de se diriger vers la petite, toujours immobile le regard rivé sur eux. L'homme était assez grand, blanc, les cheveux noirs, un peu dégarni et portait une veste en cuir marron. La femme elle, était plus petite, rousse, la peau blanche et portait des collants et des escarpins, rappelant à la petite fille le docteur Rathburn. Cette image la terrorisait.
—Tout va bien, dit la femme afin de rassurer la petite fille. Tu t'es perdue ?
« Non » répondit Cynthia d'un signe de tête.
—Où sont tes parents ?
La question resta une nouvelle fois sans réponse. La petite fille était méfiante vis à vis de ces deux inconnus. Elle voyait bien qu'ils n'étaient pas mauvais, ou du moins qu'ils ne semblaient pas l'être. Mais elle en avait tout de même peur. Elle se souvint de ce que son père lui avait dit, que si on découvrait qu'elle n'était pas comme les autres, on s'en prendrait sûrement à elle. Et elle avait conscience que ces deux personnes ignoraient ce qu'elle était vraiment. Puis elle vit que l'homme était en train de communiquer via un téléphone portable.
—Qu'est-ce qu'il fait ? demanda Cynthia dévoilant enfin le son de sa voix à la femme.
—Oh... Il téléphone à la Police, pour signaler qu'on t'a trouvée.
—Mais je n'ai pas besoin d'être trouvée.
La femme fronça les sourcils, ne voyant pas où la petite voulait en venir.
—Viens avec nous, dit-elle en saisissant son bras, on t'emmène au poste de police le plus proche.
—Non ! hurla Cynthia en se dégageant violemment de l'emprise de la femme.
Le mari se tourna vers elles pour voir ce qu'il se passait.
—Je n'ai pas besoin de vous ! reprit la petite fille. Laissez-moi !
La femme insista et reprit son bras.
—Mais... Tu ne peux pas rester ici, il va bientôt faire nuit, il faut qu'on t'emmène. Tes parents doivent être inquiets.
—Non ! hurla à nouveau la paranormale tout en se dégageant à nouveau de l'inconnue. Laissez-moi ! Je ne veux pas que mon père me retrouve !
La femme se retrouva propulsée deux mètres plus loin.
—Chérie ! cria l'homme.
Ce dernier ne croyait pas ce qu'il venait de voir. Une force invisible venait de projeter sa femme au milieu de la route. Au même moment, une voiture arriva à la limite de la vitesse autorisée. Le véhicule, une simple citadine olive, avec à son bord un homme d'une cinquantaine d'années, menaçait de rouler sur la pauvre femme. Le conducteur avait pourtant commençé très tôt à freiner, mais ça ne serait pas suffisant pour s'arrêter à temps.
Cynthia n'avait jamais vu d'accident réel, mais elle avait appris au Refuge, que ces engins, lancés à une certaine vitesse, pouvait tuer les personnes qu'ils fauchaient. Alors elle utilisa à nouveau ses pouvoirs, cette fois-ci pour stopper le véhicule.
Ce dernier s'arrêta comme s'il venait de heurter un mur. Mais pas suffisamment fort pour tuer ou blesser grièvement le conducteur. Cependant, les airbags s'activèrent. Après quoi, Cynthia décida de prendre la fuite à travers les bois.
Pendant qu'elle courait, elle repensait à ce qu'elle venait de vivre et à ce qu'elle venait de faire. Elle avait peur. Elle venait de montrer à trois personnes qu'elle possédait des dons surnaturels. Ces personnes allaient sûrement en parler autour d'eux, pensa-t-elle. Une question lui vint alors à l'esprit : « Comment son père avait-il bien pu réussir à cacher ses pouvoirs au monde entier pendant autant d'années ? ». Peut-être qu'elle n'était pas prête. Peut-être qu'elle aurait dû rester au Refuge. Peut-être aurait-elle dû laisser les gardes lui administrer cette substance qui inhibait ses dons tout en lui donnant une affreuse migraine.
Après quelques dizaines de secondes de course, elle trébucha sur une racine et perdit l'équilibre, ce qui la fit chuter. Son esprit était tellement troublé par toutes ces pensées, qu'elle ne pensa même pas à utiliser l'un de ses dons pour amortir sa chute. Elle se laissa alors tomber et rouler sur quelques mètres. Lorsqu'elle s'arrêta, elle ressentit une douleur au niveau des genoux et des mains. Elle gémit avant de se redresser et voir qu'elle avait de petites éraflures sur les genoux et qu'elle saignait légèrement à l'une de ses mains. Fort heureusement, elle n'avait pas déchiré sa robe, elle qui n'avait rien pour se changer en cas de besoin.
Elle se mit à pleurer. Aussi puissante qu'elle pouvait être, elle ne se sentait pas assez forte pour vivre dans ce monde. Un monde dont elle ignorait tant.
Elle ne voulait qu'une seule chose : retrouver le garçon qui endossait l'armure conçue par son père. Elle savait qu'elle était liée à lui, par ce que son père avait prévu pour eux. Mais comment le retrouver ? Elle sentait au plus profond de son être qu'il était encore là, pas très loin. Elle devait se rendre à Wattrem. D'après son père, c'était là qu'il avait fait le plus parler de lui. Mais, ayant perdu ses repères à cause de sa chute, elle ne savait plus quelle direction prendre. Elle devait trouver un moyen de regagner la route et de retrouver la bonne direction.
***
Complexe du Refuge
Après l'évasion de Cynthia, Hal Damon avait été prévenu et s'était débrouillé pour libérer son emploi du temps afin de se rendre au Refuge de toute urgence. La première chose qu'il fit une fois sur place fut de constater l'étendu des dégâts occasionnés par sa fille. Il était effrayé par les signes de sa puissance. Un mur en métal cabossé où était encastré, encore quelques minutes avant, l'un des hommes de la sécurité, les centaines de douilles présentes au sol, témoins des innombrables tirs manqués, la mitrailleuse calibre 50 sans munition, "même avec ça ils n'ont rien pu faire", pensa Hal. Les flaques de sang, les corps enfouis sous des draps blancs, le mur détruit, arraché par les pouvoirs de sa fille et la porte du hangar, complétement hors service, le mécanisme pulvérisé.
Le PDG de Rising Drake et père de l'auteure de ces atrocités se positionna au niveau de cette porte et regardait droit devant, vers la direction qu'avait sûrement pris sa fille, une fois sortie. Derrière lui, se trouvaient son chef de la sécurité ainsi que le docteur Rathburn. Tous deux l'avaient suivi sans dire le moindre mot. Mais l'un d'entre eux allait briser ce long silence.
—On a essayé de l'arrêter, dit Ross. Elle était trop puissante.
Hal ne répondit rien. Il savait que son chef de la sécurité disait vrai. Sa fille était devenu tellement puissante qu'il était de plus en plus difficile de la contenir. C'est sans doute son envie de sortir, de s'échapper qui l'avait rendue hors de contrôle. Sans ce désir, elle n'aurait jamais tenté quoi que ce soit.
—On n'a aucun moyen de l'arrêter, ajouta le docteur Rathburn. Et on ne sait pas comment la retrouver.
—Détrompez-vous, répondit le Dragon, sûr de lui. Je sais parfaitement où elle est allée. Elle est partie à la recherche de Jo. Trouvons le et nous retrouverons Cynthia.
—Mais comment ? demanda Kathleen. Et même si vous le retrouvez... Et que vous retrouvez Cynthia par la même occasion, comment la maîtriserez-vous ?
—Vous savez bien que je suis plein de ressources docteur. lui répondit son employeur d'un ton assuré.
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