XIX. Dursun

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TW :attention, des scènes violentes peuvent heurter la sensibilité.

Brun étant jeune, en bonne santé et bien nourri, il ne mit pas longtemps à guérir de la maladie. Le court règne de Deirane sur l’Orvbel prit alors fin. Encore faible, il ne vérifia que succinctement le travail accompli par la jeune femme. De toute façon, les fonctionnaires avaient mis en suspens les affaires vraiment importantes que seul le roi pouvait traiter. Et naturellement, lorsque la première nuit arriva, il convoqua une concubine dans sa couche. Une bonne partie d’entre elles était souffrante. Il dut composer avec celles qui restaient. Et comme il était encore faible, il écarta les plus fougueuses pour se concentrer sur les calmes, telles que Deirane. Et c’est ainsi que la petite concubine passa la nuit entre les bras de Brun.

Cette nuit-là, il ne se montra pas très actif. À dire vrai, tout conspira pour contrer ses efforts à prendre Deirane. Le dîner rendu succinct par la pénurie de nourriture qui commençait à se faire sentir au palais, la conversation sans intérêt et même la séance qui suivit. Brun ne lui fit pas l’amour. Il ne la déshabilla même pas, se contentant de la regarder pendant qu’elle le faisait elle-même.

Jusqu’à présent, c’était Brun lui-même qui lui avait ôté ses vêtements. C’était la première fois qu’elle s’effeuillait devant lui. Et à bien y réfléchir, devant un autre homme que Dresil. En fait, Ard était présent parfois quand elle se changeait, mais il ne comptait pas vraiment, elle ne mettait aucune intention érotique avec lui. Et même Atlan, ce beau Sangären qui avait fait mentir la réputation de son peuple en se montrant si doux avec elle, avait procédé lui-même. Et en plus de nuit à la lueur des étoiles et de deux lunes. La gêne qu’elle éprouva la rendit maladroite et empruntée.

La seule réaction de Brun fut quand il découvrit la teinture blanche dont elle avait enduit ses mamelons. Sarin avait raison, le goût sucré lui procura un semblant d’excitation. Il passa une partie de la soirée à les caresser, les sucer, les lécher, les papouiller, les mordiller. Mais il n’alla pas plus loin. Il était encore convalescent et cette simple activité l’épuisa. Il se contenta de la prendre dans ses bras et de s’endormir contre elle.

Son retour à sa suite ne se distingua pas des précédents. Quand elle rentrait de ses nuits avec Brun, Deirane commençait par prendre une longue douche. Elle se sentait salie par ce qu’il l’obligeait à faire et même le câlin dont il avait été capable lui laissait un goût amer dans la bouche. Elle resta longuement sous l’eau chaude, un luxe qu’elle n’avait connu pour la première fois qu’à l’ambassade d’Helaria, il y a cinq ans et dont elle aurait du mal à se passer aujourd’hui.

La porte de la salle de bain qui se referma la tira de ses pensées. Elle n’eut pas besoin de regarder. Le cliquetis de la béquille sur le sol carrelé la renseigna. C’était Dursun.

— C’est occupé, lança-t-elle.

— Je vois ça, répondit l’adolescente.

Elle ne prononça ensuite plus un mot, au point que Deirane se demanda un instant si elle était ressortie. À cause de son handicap, Dursun était tout sauf discrète. Elle avait dû s’asseoir sur un des nombreux tabourets présents dans la pièce. Elle devait attendre que Deirane sortît pour la surprendre nue. Eh bien soit ! Après tout, elle avait poussé Nëjya à quitter le harem. Depuis Dursun devait se sentir seule. Et si Deirane n’était pas capable de remplacer la Samborren, surtout dans la partie physique de leur relation, elle pouvait laisser une amie la lorgner pendant qu’elle se séchait.

Elle fermait le robinet quand elle entendit le rideau de douche s’écarter.

— Dursun ! Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle.

Comme seule réponse, elle sentit un bras l’enlacer à hauteur de la poitrine. Le corps de son amie se plaqua dans son dos. Une main lui enveloppa un sein tandis qu’une autre se posait sur son ventre.

— Dursun !

L’adolescente ne réagit pas davantage. Sa main descendait vers l’intimité de la jeune femme pendant que l’autre lui malaxait doucement le sein.

— Dursun, ça suffit ! s’écria Deirane.

Elle essaya de la repousser. Dursun avait raison de dire que l’Aclan produisait des filles vigoureuses. Elle même, que son enfance à la ferme avait musclée, n’arriva pas à se dégager de l’étreinte. Quand les doigts s’aventurèrent sur son mont de vénus, elle serra les jambes. Mais Dursun parvint à forcer le passage.

— Dursun, arrête !

— Laisse-toi faire, tu vas aimer, lui susurra l’adolescente dans l’oreille.

— Non ! Non !

Dursun continua, sans tenir compte du refus de la jeune femme. Deirane, incapable de se défendre, s’était mise à sangloter.

Soudain, le rideau de douche s’écarta brusquement.

— Mais ça ne va pas !

Dursun fut tirée en arrière si violemment qu’elle tomba par terre. Elle leva la tête afin d’identifier son assaillante. Elle eut la surprise de découvrir Loumäi, mais une Loumäi furieuse comme elle ne l’avait jamais vue. Ainsi la petite souris discrète pouvait se mettre en colère.

— Qu’est-ce qui te prend ! s’écria Loumäi.

— Je cherchais juste à lui donner du plaisir, se défendit Dursun.

— Elle t’a dit non plusieurs fois ! Je l’ai entendue distinctement depuis le salon alors que deux portes nous séparent.

Dursun baissa les yeux sur Deirane. Elle la découvrit prostrée dans un coin de la douche, les bras repliés autour de son corps, en train de pleurer. Elle prit alors conscience de ce qu’elle avait fait.

— Je suis désolée ! Je ne voulais pas ça.

— C’est un peu tard. Il fallait y penser avant.

— Mais pourquoi elle ne s’est pas défendue ? Elle est meilleure que moi à la bagarre.

— Tu es vraiment une imbécile. Malgré toute ton intelligence, tu ne comprends rien.

Loumäi désigna la porte du doigt.

— Maintenant, dégage !

Dursun se mit à quatre pattes pour se relever. Loumäi lui passa obligeamment sa béquille sur laquelle elle s’appuya pour se redresser. Puis en clopinant, elle se dirigea vers la sortie. Loumäi ramassa la robe abandonnée sur le sol.

— Tu oublies ça, tu ne peux pas aller nue jusqu’à ta chambre.

— Jusqu’à ma chambre ! Tu me chasses !

— Dans l’immédiat, tu sors de la vue de Serlen. Elle décidera plus tard quoi faire de toi.

De sa main libre, elle attrapa la robe que lui lança la domestique.

— Elle est toute mouillée.

— Étends-la. Dans un monsihon, elle aura séché.

— Je ne pourrais jamais descendre l’escalier seule, objecta-t-elle.

— Demande aux jumelles de t’aider.

Dursun obéit, sans faire une seule fois attention au fait qu’étant une chanceuse, elle était placée hiérarchiquement au-dessus de Loumäi et que c’était à elle de lui donner des ordres, pas le contraire.

Une fois l’adolescente partie, Loumäi s’intéressa à Deirane. D’un placard, elle sortit une grande serviette en ce tissu éponge fabriqué par le Frakker. Elle ôta ses chaussures et la rejoignit dans la baignoire. Elle l’enveloppa dans la serviette. Puis elle s’assit à côté d’elle sans se préoccuper de mouiller son uniforme. Elle prit la jeune femme dans ses bras. Deirane se laissa faire, gardant ses bras croisés sur sa poitrine. Elle posa la tête sur l’épaule.

Presque un monsihon plus tard, Sarin entra dans la chambre de Dursun. L’adolescente s’était jetée sur son lit, toujours revêtue de sa robe mouillée. Elle enserrait un coussin qu’elle trempait de ses larmes. Sarin s’assit juste à côté d’elle. Elle posa la main sur son épaule.

— Comment te sens-tu ? demanda-t-elle.

— Comment veux-tu que je me sente ?

— Au moins, tu as conscience d’avoir mal agi.

— Elle ne m’a pas laissé le choix. Elle ne veut jamais.

— Attends ! Tu pleures là parce que tu as agressé Serlen, ou parce que tu n’as pas pu aller jusqu’au bout.

Devant l’absence de réponse de l’adolescente, elle continua.

— Que penserait Nëjya de ton comportement si elle l’apprenait ?

— Nëjya n’est plus là ! cracha Dursun. Deirane l’a chassée !

Lentement, Sarin compta à rebours depuis dix, une technique qu’elle appliquait quand elle était sur le point de se mettre en colère.

— Tu as de la chance que ce soit moi qui sois venue. Les petites ont rameuté tout le harem, tatie Dursun aurait fait du mal à tatie Serlen. Imagine, ça aurait été Mericia qui serait venue à ma place. Ou pire encore Salomé.

— Salomé !

Dursun ricana.

— Une fois, j’ai vu Salomé donner une gifle à Mericia qui s’est écrasée. Et je parle bien de Mericia adulte, déjà cheffe de faction. Ne sous-estime pas Salomé. Ce n’est pas parce qu’elle préfère écouter plutôt que parler qu’elle ne peut pas se mettre en colère. D’ailleurs, Mericia l’a nommée lieutenante.

— Elle avait fait quoi Mericia ?

— Je ne sais pas. Et de toute façon, ce n’est pas le sujet. Ne détourne pas la conversation.

— Oui maman, ironisa Dursun.

Sarin soupira.

— Serlen n’a pas chassé Nëjya, dit-elle. Elle est partie de son plein gré. Elle n’avait pas le choix. Elle n’aurait jamais supporté le retour de Jevin.

— S’il revient un jour.

— Depuis le temps que je vis ici, chaque passage de Jevin mettait le harem en ébullition. Brun finissait par le renvoyer en mission et il est toujours revenu. Je ne vois pas pourquoi cette fois-là aurait été différente.

— Là, il n’est pas en mission. Brun l’a chassé.

— C’est ce qu’on disait les fois précédentes aussi. Et tu sais bien qu’à son prochain retour, il aurait fait de la vie de Nëjya un tel calvaire qu’elle aurait mis fin à ses jours.

— Je l’aurais aidé à surmonter l’épreuve.

— Tu es si égoïste que tu aurais préféré qu’elle s’expose à l’enfer, uniquement pour rester auprès de toi alors qu’un moyen d’y échapper venait de se présenter ?

La remarque de Sarin sembla faire mouche. Dursun semblait hésitante, incapable de prononcer le moindre mot.

— Je veux le bonheur de Nëjya.

— Alors, utilise ton intelligence et trouve un moyen de vous réunir.

— Lequel ?

— Je ne sais pas. Je ne suis qu’une peintre. Je ne sais pas réfléchir comme toi.

Dursun se tourna vers Sarin. Elle semblait hésitante. Serait-elle en train de prendre conscience de ce qu’elle avait fait ? Soudain, prenant la peintre par surprise, elle glissa la main dans son décolleté et lui enserra un sein.

— Mais qu’est-ce qui te prend ? s’écria Sarin.

Elle se leva en repoussant la jeune femme.

— Mais qu’est-ce qui te prend ? répéta Sarin. D’abord Serlen, ensuite moi.

Dursun ne répondit pas à la question. Elle se contenta tout d’abord de regarder la concubine.

— Toi aussi tu es belle ? dit-elle enfin.

— Et alors ! En quoi le fait qu’on soit belle t’autorise à abuser de nous ?

— Je suis sûre que si tu te laissais faire, tu aimerais ça.

— Mais là n’est pas la question !

Sarin se rapprocha du lit, posant un genou sur les draps.

— Tu n’étais pas comme ça avant. Depuis quand es-tu devenue une violeuse en série ?

— Je ne suis pas une violeuse, protesta-t-elle d’un ton boudeur.

— Ah bon. Ce que tu as fait à Serlen, ça s’appelle comment ? Que tu utilises une main ou un vit, cela ne change rien. C’est même pire. Elle ne s’attendait pas à une telle agression de ta part.

Dursun tourna fugitivement les yeux vers Sarin avant de retourner à sa bouderie. Ce fut bref, mais suffisant.

— Un instant ! s’écria Sarin. Regarde-moi !

— Non, répondit Dursun.

Sarin se pencha sur Dursun. Elle lui attrapa le visage de la main et le tourna vers elle de force. Dursun résista. Sarin se mit alors à califourchon sur elle. En réaction, la jeune femme serra les paupières.

— Ouvre les yeux et regarde-moi ! ordonna Sarin.

— Laisse-moi tranquille !

— Tu ouvres les yeux tout de suite ou je t’en colle une.

— Tu ne peux pas.

— Ah bon. Je ne suis pas Serlen. Elle ne lèvera jamais la main sur toi. Moi je n’hésiterai pas.

— Je te croyais gentille, mais tu n’es qu’une salope comme les autres.

La gifle partit, violente. Sous la surprise, Dursun écarta les paupières. Sarin put voir ce qu’elle voulait. Elle quitta le lit, libérant Dursun de son poids. Comment n’avait-elle pas compris plus tôt ? Tous les signes étaient présents, les mouvements hésitants, l’élocution pâteuse, son comportement agressif, les yeux injectés de sang.

— Tu es défoncé, l’accusa Sarin.

— N’importe quoi, protesta Dursun.

— Ne mens pas. Tu as pris de la drogue.

— N’importe quoi.

— Comme l’as-tu obtenue ? Qui t’en a donné ?

— Trouve-la-toi même.

— Très bien. Tu ne veux pas dire de qui il s’agit soit. Mais quand elle le saura, Serlen va retourner tout le harem pour identifier le responsable.

— Je ne sais pas ce que tu prends. Mais tu vas arrêter tout de suite. Tu as vu les dégâts que tu as déjà faits.

— Ne joue pas ta mijaurée. Tu en prends aussi. Je t’ai vu fumer.

— Un peu d’herbe de temps en temps, avoua Sarin. Un joint n’a jamais fait de mal à personne. Mais toi, c’est autre chose. Tu prends quelque chose de plus violent. Tu dois arrêter avant qu’il ne soit trop tard, avant que tu deviennes une droguée.

Sarin se leva.

— J’espère que tu as pris conscience du mal que tu as infligé à Serlen.

— Elle s’en remettra.

— C’est tout ce que tu trouves à dire ?

— Ne me dis pas que je lui dois des excuses ?

— Bien sûr que si tu lui en dois ! Et bien plus encore. Mais pas maintenant. Je te conseille de l’éviter pendant quelques jours.

Dursun se tourna vers Sarin.

— Je voulais juste lui donner du plaisir. Tu crois qu’elle va me détester pour ça.

— Elle me tient responsable de la mort de Dovaren, et pourtant elle ne me déteste pas. Alors toi, qu’elle considère comme une petite sœur, je doute que tu y arrives. .

Sur cette conclusion, Sarin quitta la pièce, laissant Dursun seule.

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