XXXVIII. En route vers l'Orvbel - (2/2)

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Atlan voulait bien croire la stoltzin. Le frère et la sœur chevauchaient maintenant ensemble, quelques pas devant lui. Chacun avait ajusté sa vitesse de façon à rester à hauteur de l’autre ; cela s’était fait d’instinct, sans action réfléchie de leur part.

— Saalyn est la seule guerrière de la famille et pourtant Fralen a tendance à la considérer comme la plus fragile.

— Et c’est le cas ?

— Ce n’est pas totalement faux

Atlan attendit que Hylsin précisât sa pensée.

— En fait, c’est à l’arrivée des feythas que tout a changé. Avant, Saalyn était une personne joyeuse et équilibrée. Elle avait subi des coups durs, elle avait même été torturée une fois. Mais dans l’ensemble tout allait bien. Puis les feythas sont venus. Tout s’est bien passé au début. Elle a même rencontré un homme dont elle est tombée amoureuse avec qui elle s’est mise en ménage. Ce n’était pas la première fois qu’elle avait une aventure, mais ça n’avait jamais été aussi intense avant.

— Et qu’est devenu cet homme ? demanda Ciarma.

— Il est mort de vieillesse. À l’époque, on ignorait que les humains avaient une durée de vie aussi courte. Elle s’y attendait pourtant. Quand elle a constaté que son vieillissement ne s’était pas arrêté à l’âge adulte (comme c’est le cas pour les stoltzt), elle a compris qu’il mourrait jeune. Elle a eu le temps de s’y préparer, mais ça lui a quand même asséné un coup au moral.

— C’est vrai que les humains et les stoltzt se ressemblent tant que beaucoup de couples mixtes se sont formés au début.

— Ce qui a provoqué quelques drames, continua Hylsin. Depuis, on a un peu de recul et la durée de vie des humains est connue. Mais ce n’est pas encore le cas de celle des autres nouveaux peuples.

— Je comprends, dit Ciarma.

— Mais ce qui a réellement assommé Saalyn, c’est Dercros. Après la guerre, beaucoup de couples de stoltzt déjà anciens ont donné naissance à des enfants. Alors que mon compagnon et moi n’en avions pas eu depuis plus deux cents ans, nous en avons eu deux coup sur coup : Diosa et moins de dix ans après Dercros. Cette situation est très rare chez nous. Notre durée de vie est longue et notre enfance courte en comparaison. En général, on attend d’avoir élevé un enfant avant d’en avoir un nouveau, ce qui se produit à la fin de son apprentissage quand il intègre réellement une corporation, vers quarante-huit ans. Dix ans c’est rare. Saalyn s’est prise d’affection pour son petit frère. Ils sont devenus très proches. Aussi quand il est mort, elle a eu du mal à remonter la pente. Sans ses amies, je pense qu’elle n’y serait pas arrivée.

— Je me souviens bien de Dercros, intervint Ciarma, il passait souvent au palais. Il apportait toujours des cadeaux pour nous, des bijoux généralement.

Elle sortit un pendentif de son décolleté, une agate en forme de goutte dont le polissage mettait en relief le veinage de la pierre. Le tout était accroché à une tresse de coton.

— Celui-là est de lui. À l’époque j’étais trop jeune, mais plus tard, en y réfléchissant, je me suis demandé où il pouvait en trouver tant.

— Mon compagnon, Larsen, est bijoutier. Et Dercros marchait sur ses traces. Dercros travaillait avec son père. Quant aux pierres, c’était souvent Saalyn qui les lui ramenait lors de ses voyages.

Hylsin montra une bague qu’elle portait au majeur droit, une gemme jaune clair, rectangulaire à pan coupé, sur une monture en argent.

— Saalyn a rapporté cette citrine de Deira. Dercros avait son style, différent de celui de son père. Larsen préfère le travail du métal, bracelet, chaîne, collier. Dercros taillait les pierres. C’est Dercros qui a façonné celle-ci et Larsen a fabriqué la monture. Et vous devriez demander à Saalyn de vous montrer ce qu’il lui a offert. Pour sa sœur il a déployé des trésors d’imagination.

— Je possède aussi quelques belles pièces. Mais elles étaient adaptées à des doigts d’enfants. Il faudrait les faire agrandir.

— Vous pourrez les transmettre à vos enfants quand vous en aurez, suggéra Hylsin.

Ciarma sourit aux paroles de Hylsin. Fralen remarqua que quand elle quittait un instant son rôle de matriarche et l’expression dure qui l’accompagnait, elle était vraiment magnifique.

— J’en ai déjà un, répondit-elle, une fille.

— Où est-il ? Je n’ai vu aucun enfant autour de vous.

— Avec son père pour la durée de ce voyage. Je ne voulais pas l’exposer au danger.

— C’est compréhensible, fit remarquer Fralen.

— Son père va pouvoir en profiter pour lui faire visiter ses domaines. Elle est destinée à devenir matriarche, ajouta Ciarma. Mais il me semble que nous parlions de Saalyn, pas de ma fille. La mort de Dercros remonte à treize ans maintenant, presque quatorze. Elle n’a pas eu le temps de se remettre ?

— Elle ne sera remise que lorsque le dernier responsable de la mort de Dercros sera puni, gronda Hylsin. Mais c’est vrai qu’elle pourrait se porter mieux, si elle n’avait pas croisé la route de Jergo le jeune.

— Elle aurait pu aller plus mal si elle n’avait pas croisé la route d’Öta, tempéra Fralen.

— C’est vrai, confirma Hylsin en hochant la tête. Ce jeune homme lui a fait beaucoup de bien.

Les quatre cavaliers regardèrent le dos de l’objet de leur discussion qui chevauchait quelques perches devant eux, inconsciente de l’attention qu’on lui accordait.

Quelques jours plus tard, le convoi croisa un cavalier qui attendait sur le côté de la route. Atlan se porta à sa rencontre. Il découvrit avec surprise que l’inconnu était une femme, grande, mince, les cheveux blonds et très belle. Elle était folle de se balader seule dans un endroit si isolé. La plupart des voyageurs qui s’aventuraient en ces lieux ne se seraient pas gênés pour abuser d’elle. À moins qu’elle eût la capacité de se défendre. Toutefois, pour autant qu’il put en juger à travers ses vêtements amples, elle ne semblait pas particulièrement musclée. Si ce n’était pas à la force de son bras, il restait la magie, d’autant plus que ses pupilles fendues à la manière des chats la rangeaient parmi les stoltzt. On ne dénombrait malgré tout pas beaucoup de magiciennes dans le monde, même chez les stoltzt. Les feythas avaient exterminé la plupart d’entre elles quelques douzenies plus tôt. Il avait donc peu de choix sur son identité.

— Dame Vespef, c’est un honneur de vous accueillir parmi nous.

Il allait descendre de cheval afin de la saluer comme il convenait d’une impératrice. Saalyn lui attrapa le bras afin de le retenir.

— Tu n’avais jamais essayé le blond avant, cela te va bien.

— Saalyn, je n’ai jamais pu te leurrer, répondit la nouvelle venue.

— Je croyais avoir affaire à la pentarque prime. Me serai-je trompé ?

— Oui. Et non, répondit Saalyn d’un air énigmatique.

— Qui que vous soyez, vous êtes la bienvenue parmi nous. S’il est de votre intention de voyager avec notre groupe bien sûr.

— Comme vous, je me rends en Orvbel.

— Dans ce cas…

Atlan tendit le bras afin de la saluer à la mode naytaine. Mais elle resta immobile. Un bref moment, le jeune cavalier éprouva de la colère devant ce qui ressemblait à une manifestation d’hostilité. Heureusement, Mudjin avait été un bon professeur. Il détailla cette voyageuse. Et il remarqua les vêtements bien trop fins pour le climat, malgré la cape qui pouvait l’envelopper totalement et la couverture de cuir épais qui l’isolait du corps du cheval. Il avait pris une couleur plus sombre au contact des jambes de la cavalière, comme s’il avait été exposé à la chaleur. La femme n’était pas une stoltzin comme il l’avait d’abord cru, mais une gems. Elle ne pouvait pas lui serrer la main. Son corps était si chaud qu’elle l’aurait gravement brûlé. Quand à ce visage, cette silhouette, il était sûr qu’elle s’était inspirée de la pentarque prime, ce qui expliquait la réponse sibylline de Saalyn.

— Maître Saalyn, si vous faisiez les présentations avec votre amie gems, proposa-t-il.

La gems n’attendit pas la réponse de la guerrière libre.

— Vous êtes observateur, fit-elle remarquer.

— Je suis destiné à prendre la suite de mon père à la tête de la tribu. C’est marrant, parce que vous ne ressemblez pas à l’idée que je me faisais d’une gems.

— Peut-être est-ce afin que l’on ne sache pas qu’elle en est une, suggéra Saalyn.

— C’est une bonne raison. Que venez-vous faire en Orvbel qui nécessite tant de discrétion ?

— Comme tout le monde. Des affaires.

— Et que recherchez-vous ?

— Un prince, je crois. Qui se déguise en mercenaire.

La réponse surprit Atlan qui mit un moment à réagir.

— Je constate que les nouvelles se répandent rapidement. Cela ne fait même pas un douzain que le secret a été éventé.

— Je dispose de bons services de renseignements.

— Puisque nous avons le même objectif, je vous renouvelle mon offre de vous joindre à nous.

— J’accepte avec plaisir.

La gems fit avancer son cheval jusqu’à Atlan et le salua d’un bref mouvement de tête.

— Atlan, fils de Mudjin, se présenta le jeune homme tout en lui rendant son salut.

— Panation Tonastar, dame de la griffe.

La griffe, l’île la plus orientale de l’archipel helarieal. Ainsi elle en avait fait son fief. Cela ne le surprit pas. Elle était occupée par une communauté gems aptère, une population qui par bien des aspects ressemblait beaucoup aux stoltzt, à un petit détail près : tous maniaient la magie. Les sorts qu’ils élaboraient étaient plus rudimentaires, moins puissants, que ceux des hauts gems, toutefois leur nombre compensait leur puissance individuelle assez faible.

Suivi de Panation Tonastar, Atlan réintégra le convoi. Puis, Ciarma leva le bras et le voyage reprit.

Arès quelques jours de chevauchée, ils atteignirent un bois qui longeait leur trajet par le sud. Le convoi s’arrêta alors. Fralen regarda la muraille apparemment impénétrable qui se substituait brutalement à la plaine.

— L’Orvbel, annonça Ciarma. La limite avec le Sangär se situe au faîte des arbres.

Atlan nota l’information pour plus tard, elle lui avait manqué quelques mois plus tôt quand le hasard avait mis les deux concubines sur sa route. Il découvrait maintenant qu’il était entré dans le pays négrier puisque les deux femmes étaient cachées entre les racines des arbres.

— Je doute que vous contestiez cette frontière, fit remarquer Saalyn.

— À quoi bon ? confirma Ciarma. On ne peut pas galoper sous ces arbres.

— Comment y entre-t-on ? demanda Saalyn. Ici, il n’est même pas question de chevaucher. Un piéton passerait, mais pas un cavalier.

— Il a une route pas très loin d’ici, vers l’est. Elle permet aux gens de notre peuple d’accéder au cœur du pays. Il longe le fleuve Orvbel sur sa rive droite. Quelques longes après la frontière, il rejoint un village. Je ne vous surprendrais pas en vous disant qu’il appartient à Brun directement et qu’il abrite un centre d’entraînement de soldats.

— Je ne suis pas surprise, confirma Hylsin. Je trouve quand même que confier la protection de la frontière à une forêt est un peu imprudent de la part d’un pays aussi riche et aussi détesté.

— Pourtant, en Helaria, vous faites confiance en un fleuve pour garantir la sécurité de la province de Kushan. Et en plus, il n’est même pas très large.

— J’avoue.

— En fait, les arbres ne constituent pas sa seule défense. Ils ne sont que la première barrière. Ces coureurs des bois patrouillent dans cette forêt et lancent l’alerte en cas de besoin. Ils ne sont pas nombreux, l’Orvbel est un petit pays. Mais ils sont très efficaces. Je n’ai jamais entendu dire que l’Orvbel a été envahi par la plaine. Leur point faible, c’est la mer.

— L’accès maritime est protégé ; contre les pirates du moins, intervint Fralen.

— Je serais bien curieuse de savoir comment ? s’enquit Ciarma. Le port est sous la surveillance d’une forteresse, mais les côtes de part et d’autre sont mal défendues. Les Orvbelians ne sont pas assez nombreux.

— Eh bien, vous allez rire.

— Ça tombe bien, j’en ai bien besoin, lâcha Saalyn.

— Seuls des pirates s’en prendraient à l’Orvbel. Mais ils ne s’attaquent pas au pays parce que nous les pourchassons. Ils n’osent pas s’approcher à moins de cent longes de nos îles. Et l’Orvbel est à l’intérieur de la bulle de sécurité que nous avons créé.

Fralen observa le visage fermé de sa sœur.

— J’ai l’impression que cela ne te fait pas rire, fit-il remarquer.

— Mais si, regarde mieux, riposta Saalyn. J’ai les lèvres gercées à force de rire.

— Et voilà ! Je fais une blague et tu m’ignores. J’essaie de me montrer gentil, de te remonter le moral et tu me renvoies ton mépris. Il y a des sœurs qui ne méritent pas le frère qu’elles ont.

— Fralen ! Saalyn ! Ça suffit ! cria Hylsin.

Le stoltzen se tut, mais ses lèvres s’éclairaient d’un sourire.

La route annoncée par Ciarma ne tarda pas à arriver. Elle courait le long d’une rivière qui s’enfonçait dans le pays. Un pont de bois permettait de passer d’une berge à l’autre, mais ils n’auraient pas à l’utiliser vu qu’ils se trouvaient du bon côté. Plus que de route, il fallait parler de chemin. Il était bien dégagé, mais sa largeur ne permettait pas à un chariot de l’emprunter. Le convoi se regroupa avant d’entrer en Orvbel.

Le baroudeur qui dirigeait l’escorte descendit de cheval pour examiner les traces sur le sol.

— Quelqu’un est passé avant nous ? demanda Ciarma.

— Quelques hommes à cheval, il y a deux jours je dirai, répondit-il. Mais je suis néophyte avec la neige, je ne suis pas sûr.

— Représentent-ils un danger ?

— A priori, non.

— Alors on y va !

L’étroitesse du chemin obligeait les voyageurs à se déplacer en file indienne. Comme en cas d’attaque, ils auraient du mal à se porter au secours de leur matriarche, un petit groupe de guerriers sangärens prit la tête. Ciarma et son escorte s’engagèrent juste derrière eux, mettant ainsi le pied en Orvbel.

Avant de les suivre, Panation ajusta sa tenue. Elle passa étroite un pull ample qui masquait la silhouette sculpturale qu’elle s’était offerte, ferma sa cape et releva la capuche. Ainsi habillée, elle pourrait se déplacer en ville sans que sa beauté attirât l’attention. Ces préparatifs n’étaient cependant pas passés inaperçus ; quand elle reporta son attention sur son entourage, ce fut pour découvrir une vingtaine d’yeux braqués sur elle qui ne perdaient pas une miette du spectacle. Elle ne fit aucune remarque, se contentant de rejoindre Ciarma en tête de la colonne.

— Voilà un aspect du pays auquel on ne pense pas quand on évoque l’Orvbel, s’extasia Ciarma. Tous ces arbres, toute cette beauté.

— Tu imagines une épreuve de biathlon dans ces bois, s’extasia Atlan.

Devant l’absence de réponse de Saalyn, elle se retourna.

— Mais où est passée Saalyn ?

Fralen, Hylsin et Atlan regardèrent autour d’eux. À l’évidence, elle n’était plus avec eux. En levant la main, Ciarma stoppa le convoi.

— Mais où est-elle passée ? répéta la matriarche.

— Je crois avoir une petite idée, répondit Fralen, elle est restée en arrière.

— Je vais la chercher, proposa Atlan.

— Je m’en occupe. Elle a besoin de son frère.

Sans attendre l’autorisation, Fralen remonta la file de cavaliers. Puis il sortit de la forêt. Il ne s’était pas trompé, elle était bien là, immobile sur son cheval, à regarder fixement les arbres.

— Que t’arrive-t-il ? demanda Fralen.

— Je ne peux pas entrer là-dedans, répondit-elle d’une voix sourde.

— Pourquoi ?

Mais il connaissait déjà la réponse. D’ailleurs, elle resta muette.

— Avec moi, tu pourrais ?

— Peut-être.

Il plaça son cheval à côté de celui de sa sœur. Il la prit par les épaules et la fit basculer vers lui. Elle se retrouva assise devant lui. Il lui entoura la taille de ses bras. Il sentait ses muscles tendus par la peur que lui inspirait ce pays.

Doucement, il dirigea sa monture vers le chemin. Celle, libre, de Saalyn les suivit. Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de la frontière, elle se raidissait. Enfin, ils passèrent les arbres.

— Arrête ! s’écria-t-elle.

Devant l’angoisse qu’il ressentit dans ses paroles, il obéit. Il dut la retenir pour qu’elle ne sautât pas à terre. Elle tremblait. Il attendit qu’elle se calmât. Mais le soulagement n’arrivait pas. Il renonça et fit demi-tour.

Une fois de retour au Sangär, elle se calma.

— Est-ce utile de refaire une autre expérience ? demanda Fralen.

— Je n’y parviendrai pas. Tu ne sais pas ce qu’ils m’ont fait en Orvbel.

— Oh si, je sais ! Et je comprends que tu ne puisses pas y arriver. C’est normal, tu n’as pas à avoir honte.

— Je n’ai pas honte, je suis terrorisée.

Fralen enlaça étroitement sa sœur qui s’abandonna à l’étreinte. Ils restèrent un moment silencieux.

— Alors maintenant, que va-t-on faire ?

— Je connais le nom de l’assassin de Dercros, je pensais me lancer à la poursuite de Jevin.

— Toi et moi ensemble pour le débusquer ?

— Tu n’es pas guerrier libre, objecta-t-elle.

— Non, mais Dercros était aussi mon frère.

Elle hocha la tête. Elle avait oblitéré ce détail. Mais Fralen avait raison, il avait autant le désir qu’elle de voir ce type en prison.

— Tu sais que si on reste ensemble, on va finir par se taper sur la gueule, fit-elle remarquer.

— Ce n’est pas grave, tu tapes comme une fille.

— C’est parce que je ne t’ai jamais vraiment frappé.

Fralen remarqua un guerrier sangären qui attendait patiemment à l’orée du bois. Il dirigea sa monture vers lui. En s’approchant, il sentit les tremblements de Saalyn qui revenaient. Il s’arrêta avant d’entrer en Orvbel.

— Nous ne continuons pas avec vous ? annonça-t-il.

— Y a-t-il une raison que je pourrais donner à ma matriarche ?

— Les épreuves que ma sœur a affrontées dans ce pays sont encore trop prégnantes.

— Pourrais-je savoir à quoi elle fait référence ?

— J’y ai été torturée, explicita Saalyn.

Le nomade hocha la tête.

— Je lui rapporterai vos paroles.

Il fit demi-tour pour s’enfoncer sous les frondaisons.

Fralen s’éloigna bien vite des arbres. Une fois à une distance raisonnable, il s’arrêta.

— Je vais repasser sur mon cheval, dit Saalyn.

— Tu es sûr de ne pas vouloir rester ici ?

Elle ne répondit pas, mais se laissa aller contre la poitrine de son frère. Ce dernier sourit face à sa réaction. Un sourire qu’elle ne pouvait voir.Atlan voulait bien croire la stoltzin. Le frère et la sœur chevauchaient maintenant ensemble, quelques pas devant lui. Chacun avait ajusté sa vitesse de façon à rester à hauteur de l’autre ; cela s’était fait d’instinct, sans action réfléchie de leur part.

— Saalyn est la seule guerrière de la famille et pourtant Fralen a tendance à la considérer comme la plus fragile.

— Et c’est le cas ?

— Ce n’est pas totalement faux

Atlan attendit que Hylsin précisât sa pensée.

— En fait, c’est à l’arrivée des feythas que tout a changé. Avant, Saalyn était une personne joyeuse et équilibrée. Elle avait subi des coups durs, elle avait même été torturée une fois. Mais dans l’ensemble tout allait bien. Puis les feythas sont venus. Tout s’est bien passé au début. Elle a même rencontré un homme dont elle est tombée amoureuse avec qui elle s’est mise en ménage. Ce n’était pas la première fois qu’elle avait une aventure, mais ça n’avait jamais été aussi intense avant.

— Et qu’est devenu cet homme ? demanda Ciarma.

— Il est mort de vieillesse. À l’époque, on ignorait que les humains avaient une durée de vie aussi courte. Elle s’y attendait pourtant. Quand elle a constaté que son vieillissement ne s’était pas arrêté à l’âge adulte (comme c’est le cas pour les stoltzt), elle a compris qu’il mourrait jeune. Elle a eu le temps de s’y préparer, mais ça lui a quand même asséné un coup au moral.

— C’est vrai que les humains et les stoltzt se ressemblent tant que beaucoup de couples mixtes se sont formés au début.

— Ce qui a provoqué quelques drames, continua Hylsin. Depuis, on a un peu de recul et la durée de vie des humains est connue. Mais ce n’est pas encore le cas de celle des autres nouveaux peuples.

— Je comprends, dit Ciarma.

— Mais ce qui a réellement assommé Saalyn, c’est Dercros. Après la guerre, beaucoup de couples de stoltzt déjà anciens ont donné naissance à des enfants. Alors que mon compagnon et moi n’en avions pas eu depuis plus deux cents ans, nous en avons eu deux coup sur coup : Diosa et moins de dix ans après Dercros. Cette situation est très rare chez nous. Notre durée de vie est longue et notre enfance courte en comparaison. En général, on attend d’avoir élevé un enfant avant d’en avoir un nouveau, ce qui se produit à la fin de son apprentissage quand il intègre réellement une corporation, vers quarante-huit ans. Dix ans c’est rare. Saalyn s’est prise d’affection pour son petit frère. Ils sont devenus très proches. Aussi quand il est mort, elle a eu du mal à remonter la pente. Sans ses amies, je pense qu’elle n’y serait pas arrivée.

— Je me souviens bien de Dercros, intervint Ciarma, il passait souvent au palais. Il apportait toujours des cadeaux pour nous, des bijoux généralement.

Elle sortit un pendentif de son décolleté, une agate en forme de goutte dont le polissage mettait en relief le veinage de la pierre. Le tout était accroché à une tresse de coton.

— Celui-là est de lui. À l’époque j’étais trop jeune, mais plus tard, en y réfléchissant, je me suis demandé où il pouvait en trouver tant.

— Mon compagnon, Larsen, est bijoutier. Et Dercros marchait sur ses traces. Dercros travaillait avec son père. Quant aux pierres, c’était souvent Saalyn qui les lui ramenait lors de ses voyages.

Hylsin montra une bague qu’elle portait au majeur droit, une gemme jaune clair, rectangulaire à pan coupé, sur une monture en argent.

— Saalyn a rapporté cette citrine de Deira. Dercros avait son style, différent de celui de son père. Larsen préfère le travail du métal, bracelet, chaîne, collier. Dercros taillait les pierres. C’est Dercros qui a façonné celle-ci et Larsen a fabriqué la monture. Et vous devriez demander à Saalyn de vous montrer ce qu’il lui a offert. Pour sa sœur il a déployé des trésors d’imagination.

— Je possède aussi quelques belles pièces. Mais elles étaient adaptées à des doigts d’enfants. Il faudrait les faire agrandir.

— Vous pourrez les transmettre à vos enfants quand vous en aurez, suggéra Hylsin.

Ciarma sourit aux paroles de Hylsin. Fralen remarqua que quand elle quittait un instant son rôle de matriarche et l’expression dure qui l’accompagnait, elle était vraiment magnifique.

— J’en ai déjà un, répondit-elle, une fille.

— Où est-il ? Je n’ai vu aucun enfant autour de vous.

— Avec son père pour la durée de ce voyage. Je ne voulais pas l’exposer au danger.

— C’est compréhensible, fit remarquer Fralen.

— Son père va pouvoir en profiter pour lui faire visiter ses domaines. Elle est destinée à devenir matriarche, ajouta Ciarma. Mais il me semble que nous parlions de Saalyn, pas de ma fille. La mort de Dercros remonte à treize ans maintenant, presque quatorze. Elle n’a pas eu le temps de se remettre ?

— Elle ne sera remise que lorsque le dernier responsable de la mort de Dercros sera puni, gronda Hylsin. Mais c’est vrai qu’elle pourrait se porter mieux, si elle n’avait pas croisé la route de Jergo le jeune.

— Elle aurait pu aller plus mal si elle n’avait pas croisé la route d’Öta, tempéra Fralen.

— C’est vrai, confirma Hylsin en hochant la tête. Ce jeune homme lui a fait beaucoup de bien.

Les quatre cavaliers regardèrent le dos de l’objet de leur discussion qui chevauchait quelques perches devant eux, inconsciente de l’attention qu’on lui accordait.

Quelques jours plus tard, le convoi croisa un cavalier qui attendait sur le côté de la route. Atlan se porta à sa rencontre. Il découvrit avec surprise que l’inconnu était une femme, grande, mince, les cheveux blonds et très belle. Elle était folle de se balader seule dans un endroit si isolé. La plupart des voyageurs qui s’aventuraient en ces lieux ne se seraient pas gênés pour abuser d’elle. À moins qu’elle eût la capacité de se défendre. Toutefois, pour autant qu’il put en juger à travers ses vêtements amples, elle ne semblait pas particulièrement musclée. Si ce n’était pas à la force de son bras, il restait la magie, d’autant plus que ses pupilles fendues à la manière des chats la rangeaient parmi les stoltzt. On ne dénombrait malgré tout pas beaucoup de magiciennes dans le monde, même chez les stoltzt. Les feythas avaient exterminé la plupart d’entre elles quelques douzenies plus tôt. Il avait donc peu de choix sur son identité.

— Dame Vespef, c’est un honneur de vous accueillir parmi nous.

Il allait descendre de cheval afin de la saluer comme il convenait d’une impératrice. Saalyn lui attrapa le bras afin de le retenir.

— Tu n’avais jamais essayé le blond avant, cela te va bien.

— Saalyn, je n’ai jamais pu te leurrer, répondit la nouvelle venue.

— Je croyais avoir affaire à la pentarque prime. Me serai-je trompé ?

— Oui. Et non, répondit Saalyn d’un air énigmatique.

— Qui que vous soyez, vous êtes la bienvenue parmi nous. S’il est de votre intention de voyager avec notre groupe bien sûr.

— Comme vous, je me rends en Orvbel.

— Dans ce cas…

Atlan tendit le bras afin de la saluer à la mode naytaine. Mais elle resta immobile. Un bref moment, le jeune cavalier éprouva de la colère devant ce qui ressemblait à une manifestation d’hostilité. Heureusement, Mudjin avait été un bon professeur. Il détailla cette voyageuse. Et il remarqua les vêtements bien trop fins pour le climat, malgré la cape qui pouvait l’envelopper totalement et la couverture de cuir épais qui l’isolait du corps du cheval. Il avait pris une couleur plus sombre au contact des jambes de la cavalière, comme s’il avait été exposé à la chaleur. La femme n’était pas une stoltzin comme il l’avait d’abord cru, mais une gems. Elle ne pouvait pas lui serrer la main. Son corps était si chaud qu’elle l’aurait gravement brûlé. Quand à ce visage, cette silhouette, il était sûr qu’elle s’était inspirée de la pentarque prime, ce qui expliquait la réponse sibylline de Saalyn.

— Maître Saalyn, si vous faisiez les présentations avec votre amie gems, proposa-t-il.

La gems n’attendit pas la réponse de la guerrière libre.

— Vous êtes observateur, fit-elle remarquer.

— Je suis destiné à prendre la suite de mon père à la tête de la tribu. C’est marrant, parce que vous ne ressemblez pas à l’idée que je me faisais d’une gems.

— Peut-être est-ce afin que l’on ne sache pas qu’elle en est une, suggéra Saalyn.

— C’est une bonne raison. Que venez-vous faire en Orvbel qui nécessite tant de discrétion ?

— Comme tout le monde. Des affaires.

— Et que recherchez-vous ?

— Un prince, je crois. Qui se déguise en mercenaire.

La réponse surprit Atlan qui mit un moment à réagir.

— Je constate que les nouvelles se répandent rapidement. Cela ne fait même pas un douzain que le secret a été éventé.

— Je dispose de bons services de renseignements.

— Puisque nous avons le même objectif, je vous renouvelle mon offre de vous joindre à nous.

— J’accepte avec plaisir.

La gems fit avancer son cheval jusqu’à Atlan et le salua d’un bref mouvement de tête.

— Atlan, fils de Mudjin, se présenta le jeune homme tout en lui rendant son salut.

— Panation Tonastar, dame de la griffe.

La griffe, l’île la plus orientale de l’archipel helarieal. Ainsi elle en avait fait son fief. Cela ne le surprit pas. Elle était occupée par une communauté gems aptère, une population qui par bien des aspects ressemblait beaucoup aux stoltzt, à un petit détail près : tous maniaient la magie. Les sorts qu’ils élaboraient étaient plus rudimentaires, moins puissants, que ceux des hauts gems, toutefois leur nombre compensait leur puissance individuelle assez faible.

Suivi de Panation Tonastar, Atlan réintégra le convoi. Puis, Ciarma leva le bras et le voyage reprit.

Arès quelques jours de chevauchée, ils atteignirent un bois qui longeait leur trajet par le sud. Le convoi s’arrêta alors. Fralen regarda la muraille apparemment impénétrable qui se substituait brutalement à la plaine.

— L’Orvbel, annonça Ciarma. La limite avec le Sangär se situe au faîte des arbres.

Atlan nota l’information pour plus tard, elle lui avait manqué quelques mois plus tôt quand le hasard avait mis les deux concubines sur sa route. Il découvrait maintenant qu’il était entré dans le pays négrier puisque les deux femmes étaient cachées entre les racines des arbres.

— Je doute que vous contestiez cette frontière, fit remarquer Saalyn.

— À quoi bon ? confirma Ciarma. On ne peut pas galoper sous ces arbres.

— Comment y entre-t-on ? demanda Saalyn. Ici, il n’est même pas question de chevaucher. Un piéton passerait, mais pas un cavalier.

— Il a une route pas très loin d’ici, vers l’est. Elle permet aux gens de notre peuple d’accéder au cœur du pays. Il longe le fleuve Orvbel sur sa rive droite. Quelques longes après la frontière, il rejoint un village. Je ne vous surprendrais pas en vous disant qu’il appartient à Brun directement et qu’il abrite un centre d’entraînement de soldats.

— Je ne suis pas surprise, confirma Hylsin. Je trouve quand même que confier la protection de la frontière à une forêt est un peu imprudent de la part d’un pays aussi riche et aussi détesté.

— Pourtant, en Helaria, vous faites confiance en un fleuve pour garantir la sécurité de la province de Kushan. Et en plus, il n’est même pas très large.

— J’avoue.

— En fait, les arbres ne constituent pas sa seule défense. Ils ne sont que la première barrière. Ces coureurs des bois patrouillent dans cette forêt et lancent l’alerte en cas de besoin. Ils ne sont pas nombreux, l’Orvbel est un petit pays. Mais ils sont très efficaces. Je n’ai jamais entendu dire que l’Orvbel a été envahi par la plaine. Leur point faible, c’est la mer.

— L’accès maritime est protégé ; contre les pirates du moins, intervint Fralen.

— Je serais bien curieuse de savoir comment ? s’enquit Ciarma. Le port est sous la surveillance d’une forteresse, mais les côtes de part et d’autre sont mal défendues. Les Orvbelians ne sont pas assez nombreux.

— Eh bien, vous allez rire.

— Ça tombe bien, j’en ai bien besoin, lâcha Saalyn.

— Seuls des pirates s’en prendraient à l’Orvbel. Mais ils ne s’attaquent pas au pays parce que nous les pourchassons. Ils n’osent pas s’approcher à moins de cent longes de nos îles. Et l’Orvbel est à l’intérieur de la bulle de sécurité que nous avons créé.

Fralen observa le visage fermé de sa sœur.

— J’ai l’impression que cela ne te fait pas rire, fit-il remarquer.

— Mais si, regarde mieux, riposta Saalyn. J’ai les lèvres gercées à force de rire.

— Et voilà ! Je fais une blague et tu m’ignores. J’essaie de me montrer gentil, de te remonter le moral et tu me renvoies ton mépris. Il y a des sœurs qui ne méritent pas le frère qu’elles ont.

— Fralen ! Saalyn ! Ça suffit ! cria Hylsin.

Le stoltzen se tut, mais ses lèvres s’éclairaient d’un sourire.

La route annoncée par Ciarma ne tarda pas à arriver. Elle courait le long d’une rivière qui s’enfonçait dans le pays. Un pont de bois permettait de passer d’une berge à l’autre, mais ils n’auraient pas à l’utiliser vu qu’ils se trouvaient du bon côté. Plus que de route, il fallait parler de chemin. Il était bien dégagé, mais sa largeur ne permettait pas à un chariot de l’emprunter. Le convoi se regroupa avant d’entrer en Orvbel.

Le baroudeur qui dirigeait l’escorte descendit de cheval pour examiner les traces sur le sol.

— Quelqu’un est passé avant nous ? demanda Ciarma.

— Quelques hommes à cheval, il y a deux jours je dirai, répondit-il. Mais je suis néophyte avec la neige, je ne suis pas sûr.

— Représentent-ils un danger ?

— A priori, non.

— Alors on y va !

L’étroitesse du chemin obligeait les voyageurs à se déplacer en file indienne. Comme en cas d’attaque, ils auraient du mal à se porter au secours de leur matriarche, un petit groupe de guerriers sangärens prit la tête. Ciarma et son escorte s’engagèrent juste derrière eux, mettant ainsi le pied en Orvbel.

Avant de les suivre, Panation ajusta sa tenue. Elle passa étroite un pull ample qui masquait la silhouette sculpturale qu’elle s’était offerte, ferma sa cape et releva la capuche. Ainsi habillée, elle pourrait se déplacer en ville sans que sa beauté attirât l’attention. Ces préparatifs n’étaient cependant pas passés inaperçus ; quand elle reporta son attention sur son entourage, ce fut pour découvrir une vingtaine d’yeux braqués sur elle qui ne perdaient pas une miette du spectacle. Elle ne fit aucune remarque, se contentant de rejoindre Ciarma en tête de la colonne.

— Voilà un aspect du pays auquel on ne pense pas quand on évoque l’Orvbel, s’extasia Ciarma. Tous ces arbres, toute cette beauté.

— Tu imagines une épreuve de biathlon dans ces bois, s’extasia Atlan.

Devant l’absence de réponse de Saalyn, elle se retourna.

— Mais où est passée Saalyn ?

Fralen, Hylsin et Atlan regardèrent autour d’eux. À l’évidence, elle n’était plus avec eux. En levant la main, Ciarma stoppa le convoi.

— Mais où est-elle passée ? répéta la matriarche.

— Je crois avoir une petite idée, répondit Fralen, elle est restée en arrière.

— Je vais la chercher, proposa Atlan.

— Je m’en occupe. Elle a besoin de son frère.

Sans attendre l’autorisation, Fralen remonta la file de cavaliers. Puis il sortit de la forêt. Il ne s’était pas trompé, elle était bien là, immobile sur son cheval, à regarder fixement les arbres.

— Que t’arrive-t-il ? demanda Fralen.

— Je ne peux pas entrer là-dedans, répondit-elle d’une voix sourde.

— Pourquoi ?

Mais il connaissait déjà la réponse. D’ailleurs, elle resta muette.

— Avec moi, tu pourrais ?

— Peut-être.

Il plaça son cheval à côté de celui de sa sœur. Il la prit par les épaules et la fit basculer vers lui. Elle se retrouva assise devant lui. Il lui entoura la taille de ses bras. Il sentait ses muscles tendus par la peur que lui inspirait ce pays.

Doucement, il dirigea sa monture vers le chemin. Celle, libre, de Saalyn les suivit. Au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de la frontière, elle se raidissait. Enfin, ils passèrent les arbres.

— Arrête ! s’écria-t-elle.

Devant l’angoisse qu’il ressentit dans ses paroles, il obéit. Il dut la retenir pour qu’elle ne sautât pas à terre. Elle tremblait. Il attendit qu’elle se calmât. Mais le soulagement n’arrivait pas. Il renonça et fit demi-tour.

Une fois de retour au Sangär, elle se calma.

— Est-ce utile de refaire une autre expérience ? demanda Fralen.

— Je n’y parviendrai pas. Tu ne sais pas ce qu’ils m’ont fait en Orvbel.

— Oh si, je sais ! Et je comprends que tu ne puisses pas y arriver. C’est normal, tu n’as pas à avoir honte.

— Je n’ai pas honte, je suis terrorisée.

Fralen enlaça étroitement sa sœur qui s’abandonna à l’étreinte. Ils restèrent un moment silencieux.

— Alors maintenant, que va-t-on faire ?

— Je connais le nom de l’assassin de Dercros, je pensais me lancer à la poursuite de Jevin.

— Toi et moi ensemble pour le débusquer ?

— Tu n’es pas guerrier libre, objecta-t-elle.

— Non, mais Dercros était aussi mon frère.

Elle hocha la tête. Elle avait oblitéré ce détail. Mais Fralen avait raison, il avait autant le désir qu’elle de voir ce type en prison.

— Tu sais que si on reste ensemble, on va finir par se taper sur la gueule, fit-elle remarquer.

— Ce n’est pas grave, tu tapes comme une fille.

— C’est parce que je ne t’ai jamais vraiment frappé.

Fralen remarqua un guerrier sangären qui attendait patiemment à l’orée du bois. Il dirigea sa monture vers lui. En s’approchant, il sentit les tremblements de Saalyn qui revenaient. Il s’arrêta avant d’entrer en Orvbel.

— Nous ne continuons pas avec vous ? annonça-t-il.

— Y a-t-il une raison que je pourrais donner à ma matriarche ?

— Les épreuves que ma sœur a affrontées dans ce pays sont encore trop prégnantes.

— Pourrais-je savoir à quoi elle fait référence ?

— J’y ai été torturée, explicita Saalyn.

Le nomade hocha la tête.

— Je lui rapporterai vos paroles.

Il fit demi-tour pour s’enfoncer sous les frondaisons.

Fralen s’éloigna bien vite des arbres. Une fois à une distance raisonnable, il s’arrêta.

— Je vais repasser sur mon cheval, dit Saalyn.

— Tu es sûr de ne pas vouloir rester ici ?

Elle ne répondit pas, mais se laissa aller contre la poitrine de son frère. Ce dernier sourit face à sa réaction. Un sourire qu’elle ne pouvait voir.

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