Et Dieu dans tout ça ?... -(5)
Il n’en demeure pas moins que la Résurrection n’est pas un fait historique, elle appartient au domaine de la foi. Et ce jusqu’à constituer la mise à l’épreuve par excellence de cette foi chrétienne, comme Paul l’écrivait lui-même dans la même épître : Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus. Si c'est dans cette vie seulement que nous espérons en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes (1 Corinthiens 15, 17/19).
La plupart du temps, les évangiles mettent l’accent sur l’enseignement et la mort rédemptrice de Jésus plutôt que sur la Résurrection. La Résurrection exige de nous une réponse plus difficile à donner qu’aucun autre évènement des évangiles. Beaucoup d’interprétations de la Résurrection éludent la difficulté d’y croire ; parce qu’elle est de facto incroyable ! Mais je vous ai dit que vous m'avez vu, et cependant vous ne croyez point (Jean 6, 36). Pourtant cette histoire fut rapportée la première fois par Marie de Magdala : [elle] vint donc annoncer aux disciples : « J’ai vu le Seigneur, et voici ce qu’il m’a dit » (Jean 20, 18). Fut-ce une vision ou une apparition ? Fut-ce seulement une intuition théologique ou une expérience psychologique qui tiendrait de l’hystérie collective ? Les évangiles ne se prononcent pas sur ces questions. Ils ne disent pas non plus que la Résurrection n’eut d’effet que sur ceux qui virent Jésus ressuscité. Le point essentiel de l’histoire, curieusement, c’est que le lecteur, ou l’auditeur, est amené à faire la même expérience. Sans l’expérience de la Résurrection, nous n’aurions jamais rien su de sa naissance et de son baptême, de ses guérisons et de son enseignement, de sa Passion et de sa mort. Historiquement, Jésus n’aurait jamais quitté l’obscurité de ses origines ni le désastre de sa fin. La Résurrection insiste sur l’actualité de l’évènement – en dépit de tous nos efforts pour le démythifier. Peut-être ne sommes-nous pas capables de voir la Résurrection comme un évènement, mais elle est la lumière dans laquelle nous apercevons tout le reste.
Il est certain que quelque chose est arrivé à Jésus après sa mort, qui a transformé le mental de ses disciples, transformé la manière dont leur mental percevait la réalité. Et l’effet de la Résurrection ne cesse de se faire sentir. La vie de Jésus se prolonge au-delà des limites de son individualité historique et donc de sa mort. Sa vie continue en tant qu’il se manifeste par son esprit. L’écoute profonde de sa question – Pour vous qui suis-je ? - nous relie à l’incroyable réalité de sa Résurrection, avant même que nous soyons en possession de la réponse, ou sachions en quoi consiste la foi. Cette foi qui réside dans l’écoute, c’est elle aussi qui nous permet de voir l’invisible et de croire à l’incroyable.
La question revient : Et vous, leur demanda-t-il, qui dites-vous que je suis ? (Luc 9,19), formulé autrement : Pour vous, qui suis-je ? Qui est-il ? Saint Paul nous donne encore les clés : Jésus-Christ est le même hier, aujourd'hui et pour l'éternité (Hébreux 13,8). Manifestement Jésus souhaite amener les gens à se demander qui il est : non pas seulement en termes bibliques ou théologiques mais dans les termes de lien personnel avec lui. Se demander qui est Jésus, c’est se demander qui il est pour moi, par rapport à moi, en relation avec moi. Naturellement il en va ainsi de toute relation humaine. Comment puis-je dire, moi, qui vous êtes, autrement qu’à partir de la relation qui existe entre nous ? Qui suis-je à vos yeux n’est rien en dehors de la relation que j’ai avec vous et celui que vous pensez être.
Et cette réponse (Psaumes 71, 7) pour chacun d’entre nous, propre à mon cœur, m’émerveille : Je suis, pour beaucoup d'hommes, un vrai prodige, mon sûr abri, c'est toi.
Jusqu’à présent, en écoutant la question de Jésus, je me suis concentré sur le personnage historique et son enseignement. Or, il s’avère qu’aucune histoire concernant Jésus ne peut prétendre à l’authenticité si elle n’est éclairée par l’expérience du Ressuscité. Saint Paul en parle comme d’un évènement collectif aussi bien qu’individuel. Jésus est « apparu » à Céphas puis aux Douze, et beaucoup de ceux qui avaient entendu la parole crurent, et le nombre des hommes s'éleva à environ cinq mille (Acte 4, 1) dont la plupart étaient encore vivants à l’époque où Paul écrivait. Il rapporte également que Jésus « apparut » ensuite à Jacques et à tous les apôtres.
Et en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi (1 Corinthien 15, 5/8).
Seigneur, je t’attends…
Pour lors, la Résurrection était une réalité transcendante, dépassant les limites ordinaires de l’expérience humaine ; cependant, des individus vivants, sains et normaux en avaient fait l’expérience. Cela signifiait que la vie historique de Jésus et son enseignement se prolongeait indéfiniment dans le temps et l’espace.
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