SAINT-AIMÉ (2/3)

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Les deux tourtereaux notèrent la présence d'un porte-affiche à taille humaine invitant à la visite du site principal : la Chapelle. Légende locale, il y était expliqué que Saint-Aimé, premier curé du village, avait taillé la vasque dans une des pierres destinées à la construction de l'édifice ; qu'il fut le premier miraculé en y buvant l'eau qu'il avait lui même bénite qu'il y avait lui-même versée : la guérison de son arthrite chronique. Parce qu'il aurait bu cette eau en pleine nuit, la légende racontait que parfois, le fantôme de Saint-Aimé revenait parfois remplir de nouveau la vasque de son eau miraculeuse, capable de guérir tous les maux physiques des vrais croyants.

— C'est un mini Lourdes, en gros ? conclut Jérémy, amusé.

— En quelque sorte, fit le vieillard en émergeant de l'entrée de sa maison, surplombée d'une croix chrétienne métallique, casquette en tweed gris sur la tête. J'ai moi-même pu profiter des bénéfices incroyables de cette vasque. Croyez-le ou non, j'ai guéri d'un cancer pulmonaire alors que j'étais en phase terminale. Ma fille a réussi à remplir une bouteille pour l'amener en soins palliatifs. Et j'ai guéri spontanément en un mois. Ça n'a pas effacé les cicatrices, mais aujourd'hui, je suis devant vous, frais et pimpant ! Bon, cette eau ne répare pas non plus les pattes cassées ! Voyez ! Cette bonne vieille canne s'occupe du reste !

Jérémy remarqua une étincelle particulière dans le regard de Camille et comprit tout de suite comment aller se terminer la journée.

— Elle est où cette chapelle ? demanda-t-elle sans cacher son enthousiasme empli d'espoir.

— Vous continuez tout droit jusqu'au bout de la rue. Y aura un sentier avec des marches pour accéder au sommet de la butte. C'est un peu encaissé comme vous avez pu le voir, donc va falloir faire travailler vos guibolles. Mais pour des jeunes gens comme vous, ce sera facile. Sur ce, la bonne journée, et à tout à l'heure si vous repassez dans le coin, termina le guide improvisé avant d'attraper la visière de son couvre-chef et de regagner l'ombre de son domicile.

Camille pivota la tête en direction de Jérémy, excitée comme une puce.

— Ne dis rien, j'ai compris à la seconde où j'ai vu tes yeux, anticipa-t-il. Bon ben j'ai plus qu'à retourner chercher la tente dans le coffre...

— Oh yeah ! On va camper ! s'enflamma Camille. Fais pas cette tronche. Forcément que je veux tester. On sait jamais ! Imagine, ça marche. Si ça peut nous éviter la fécondation in vitro... Entre boire un coup et se lancer un parcours de procréation médicalement assistée, crois-moi, le choix est vite fait.

— J'avoue quand même en la science qu'en l'élixir d'un curé, mais bon... Effectivement, ça ne coûte rien.

— Un moment de honte est vite passé, comme disait ma grand-mère. On a rien à perdre, tout à gagner.

— Comme une bonne chiasse, par exemple, rétorqua Jérémy avant de se sauver.

Une dizaine de minutes plus tard, Jérémy rejoignit sa partenaire, Quechua sous le bras.

— C'est bon. On peut y aller.

Tous deux parcoururent la rue d'un bout à l'autre, non sans contempler les bâtisses rougeoyant sous les rayons du soleil. Le couloir qu'elles formaient guidait l'air sur leur visage recouvert d'une fine pellicule de sueur. Ils passèrent devant plusieurs glycines mauves et colossales, prirent la plus belle en photo puis atteignirent le sentier décrit par le riverain basané.

Les clapotis d'un ruisseau bercèrent leur halte devant le panneau fléchant la direction de la chapelle. Passage trop exigu pour marcher côte à côte, Camille passa devant et trémoussa son mini-short en jeans devant le regard faussement impassible de Jérémy.

Ils montèrent les nombreuses marches qui serpentaient entre arbustes et hautes herbes, subjugués par l'authentique beauté de la nature. Un bourdonnement par-ci, un pépiement par-là. Cela les changeait de la cacophonie motorisée, des beuglements et des klaxons en série.

Une fois au sommet, ils purent contempler la fameuse chapelle. La rosace en pierre, intacte, surplombait les arcades supportées par leurs piliers, de chaque côté. Le toit, quant à lui, n'existait que dans le souvenir des habitants. Sous les espaces, en forme de trèfle à quatre feuilles, de la rose, s'élevait une colonne sur laquelle nichait une vasque. Camille et Jérémy entamèrent la visite des vestiges de l'endroit et inspectèrent le bassin en question.

— Bon ben... on a vu. C'était pas précisé que la chapelle était en ruines, pesta Camille, la paume caressant le fond rugueux de la vasque vide. Et le vioc ne nous l'a pas dit non plus, d'ailleurs !

— Qu'est-ce que ça change ? Tant que Saint-Panoramix revient cette nuit pour remplir le chaudron de potion magique... En attendant, on pourrait se balader dans les environs.

Une langue de nouveau tirée répondit à son sarcasme.

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