F.A.U.H.T APRES FAUTE (1/2)

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— C'est bon, tout est prêt ? Allez, amenez le troisième ! entendirent-ils dans leur oreillette.

— Bien reçu, répondit le gardien-chef, de sa voix rauque.

Son acolyte, aussi bien charpenté que lui, l'accompagnait. Tous deux avaient enfilé leur combinaison grise intégrale en PV-30, résistante aux perforations et aux chocs. « Port obligatoire lors des transferts de prisonniers à risque », soit l'une des nombreuses règles de la Prison de Haute Sécurité de New Paris. P.H.S. pour les intimes.

Les gardiens emmenèrent le condamné, seulement vêtu d'un haut et d'un pantalon intégaralement transparent. L'époque du respect de la pudeur était révolu. Grâce à cette mesure, le taux d'homicides à l'arme blanche avait nettement diminué au sein de la prison.

Le personnel se devait de respecter le protocole de transfert à la lettre. Pour ce faire, un tapis roulant se prolongeait jusqu'aux portes du Détec, à ouverture automatique. On y acheminait les criminels, balancés au préalable dans une box percée pour l'apport d'oxygène. Les gardiens n'avaient plus qu'à s'assurer du bon déroulement des opérations et de la conformité du conditionnement requis. Au cas par cas.

Fixés au plafond à six mètres du sol, des bras mécanisés détectèrent la présence d'un « cercueil » – comme le personnel l'appelait – qu'ils positionnèrent à la verticale. Les agents le déverrouillèrent manuellement en vue d'en libérer son occupant, bâillonné, cagoulé et entravé de solides liens métalliques scellés aux parois. Il ne devait rien rester à l'intérieur de la pièce. Cela fait, les membres robotisés replacèrent la boîte sur le tapis avant de se replier au plafond, laquelle fut aussitôt restituée au local de stockage.

Le Détec avait été construit de sorte que les prisonniers ne pussent, à hauteur d'homme, que sentir la froideur de quatre murs blancs et des portes renforcées par lesquelles ils venaient d'arriver. Hors de portée, l'équipe d'analystes patientait derrière la haute baie vitrée inclinée, comme dans les anciens blocs chirurgicaux : un médecin, un gardien-évaluateur – ou G.E. – et un psy. Tous observaient les images retranscrites sur grand écran grâce aux caméras logées dans les angles de la salle. Ainsi pouvaient-ils visualiser et mesurer par ordinateur les variations biologiques et métaboliques du sujet en cours d'évaluation. Et ce grâce à quelques nanopuces implantées d'emblée à chaque nouvel arrivant.

L'une d'elles avait en outre l'avantage de pouvoir influer instantanément sur le pouls, jusqu'à le réduire à zéro en cas de besoin. Les progrès de la science. Aléa du direct, la survenue d'un décès demeurait courante au cours de l'implantation, du reste, réalisée en toute légalité. Aux yeux de l’État, il ne s'agissait plus de pertes humaines. Juste du bétail destiné à l’équarrissage.

La cagoule en PV-30, que portait Timathéo Varadet, le laissait dans le noir le plus total. Il pouvait seulement toucher, sentir et entendre. Un collier empêchait le retrait de cette cagoule qui laissait passer l'air. Ce gringalet de cinquante-et-un ans – pommettes creuses, cheveux gras et calvitie – se retrouva seul dans le Détec. Si la plupart des détenus en connaissaient le nom, aucun n'en connaissait la fonction ni ce qui se jouait à l'intérieur.

Le médecin nota une hausse logique des battements cardiaques, de la tension artérielle avec libération de cortisol ainsi qu'une sudation accrue. L'équipe analysait les données en silence tout en observant les déambulations zombiesques de leur cobaye. Des mains, Timathéo brassait l'air en quête d'indices et d'éléments matériels pour établir un plan mental de l'endroit. Il comprit rapidement qu'il errait dans une salle cubique inodore, dont la ventilation grondait en fond. Il n'y faisait ni chaud ni froid. Il décela soudain la présence d'un corps perpendiculaire à l'un des pans d'une solide table, lorsqu'il en palpa par accident les orteils. Le quinquagénaire se figea, réfléchit quelques instants avant de reprendre ses investigations haptiques. La Détéquipe, sobriquet circulant dans les couloirs de la P.H.S., redoubla d'attention.

Ses mains se posèrent sur la personne-mystère : la gauche au niveau de la tête, jeune et féminine à n'en point douter ; l'autre, au niveau des genoux. Elle ne bougeait pas. En tant qu'ancien membre du cercle médical, quel réflexe tout naturel que de positionner le dos de sa main sous les narines de l'individue. Respiration normale. Il tâtait, examinait à l'aveuglette, cherchait des réponses. Ces mains rencontrèrent de fermes tétons. Timathéo créa la surprise générale en ne s'y attardant pas. Puis, ses phalanges effleurèrent une toison rasée de près. Il s'écarta, méfiant, toutefois prêt à parler en dépit de l'épais bâillon sur sa bouche. Finalement, il se rapprocha, resta planté en appui sur la table en bois synthétique. Sa cervelle tournait à plein régime sous l’œil sombre des caméras pointées sur lui, zoom au maximum.

Dans son dossier figurait un Q.I. supérieur à la moyenne gâché par des instincts primaires incoercibles. Devant cette anonyme aux cheveux longs et aux formes parfaites, ses travers reprirent doucement le dessus. Les écrans de mesure s'affolèrent, rapidement suivis par de nombreux bips d'alerte.

L'équipe du Détec attendit encore un peu. Puis, après plusieurs minutes de lutte intensive contre lui-même, Timathéo céda. Attrapa à pleines paumes les seins de l'anonyme.

Stoïque, le G.E. tapota sur son clavier, provoquant en une poignée de secondes l'effondrement du sujet. Un sourire taquin apparut lorsqu'il activa son oreillette afin de communiquer avec les deux armoires à glace en pause dans l'arrière-salle.
— Casse-burnes myope à gorilles poilus, est-ce que vous me recevez ? Désolé de vous réveiller, messieurs. Vous allez quand même m'aimer car c'est l'heure de vous rincer l’œil. Vous pouvez récupérer le satyre et le foutre au V2. Dites bonjour à la belle Courtney de ma part en la raccompagnant dans son armoire, et amenez Barbie pour le prochain. Merci pour votre dévotion… Ah, j'oubliais, pas besoin de toilette intime pour Courtney. Ils n'ont pas eu le temps de faire plus ample connaissance.

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